En Afrique, le mot “adoption” n’existe pas

Publié le 4 juillet 2012 sur OSIBouaké.org

Service social international - Juin 2012 - Editorial -

La conférence africaine qui s’est tenue à Addis Abeba les 29 et 30 mai dernier avait pour thème « Adoption internationale : alternatives et controverses » et a réuni des centaines de participants concernés par cette question à travers tout le continent.

C’est à l’initiative de l’organisation non gouvernementale African Child Policy Forum (ACPF) que cette première conférence africaine consacrée à l’adoption internationale a eu lieu au cœur de la capitale éthiopienne. Plus de 500 personnes se sont rendues à Addis Abeba, parmi lesquelles plusieurs délégations nationales de très haut rang, Madame la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et Monsieur van Loon Secrétaire Général de la Conférence de La Haye, etc. Plusieurs pays d’accueil étaient également représentés (Etats-Unis, France, Pays-Bas, etc.), ainsi que la société civile, plusieurs experts internationaux et les organismes agréés.

Un point de vue africain

Tant les travaux préparatoires (dont les publications sont disponibles sur le site internet de l’ACPF), que les débats qui ont nourri ces deux jours de travaux, ont clairement souligné la nécessité et la volonté de voir les acteurs africains se réapproprier les questions liées à la protection de l’enfance. Le placement des enfants en institution ou leur adoption par des candidats occidentaux ne reflètent en effet pas les valeurs africaines traditionnelles qui privilégient les mesures de prise en charge informelles, par la famille élargie et par la communauté. Certes, les contraintes objectives auxquelles font face de trop nombreux pays (crises politiques, humanitaires, économiques sanitaires, etc.) affaiblissent ces mécanismes de protection sociale, mais la prise en charge informelle des enfants demeure la réponse la plus répandue et souvent la plus efficace à travers tout le continent. C’est dans le cadre de ce débat qu’un intervenant à souligné qu’en Afrique, le mot « adoption » n’existait pas, ce qui illustre bien le fait que ce mode de filiation reste perçu comme un modèle « importé » pour ne pas dire « imposé ». Une réflexion similaire a d’ailleurs été développée concernant les orphelinats, dont la multiplication a principalement été motivée par l’intervention d’acteurs étrangers (ONG pour la plupart), et qui échappent encore aujourd’hui à un strict contrôle étatique.

Trois rapports nationaux

Dans le cadre de la préparation de la conférence, le Malawi, le Nigeria et la République Démocratique du Congo ont tous les trois préparé un rapport national relatif à la situation de l’adoption dans leur pays respectif. Ces trois rapports se rejoignent dans leurs conclusions principales, qui soulignent la nécessité de renforcer les systèmes de protection de l’enfance, d’harmoniser le droit national avec les exigences internationales (Convention des Droits de l’Enfant, Charte Africain sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant, Convention de La Haye de 1993), de mieux surveiller les acteurs privés (dans le cadre de l’adoption et celui des orphelinats) et de lutter contre les gains matériels indus.

Les conclusions

Les conclusions adoptées par la conférence – disponibles en français et en anglais sur le site d’ACPF - ont repris les grands principes qui doivent gouverner la protection de l’enfance et l’adoption internationale, mais ont aussi insisté sur le nécessité de connaître les besoins (par le mise en place de base de données), de préparer les enfants à l’adoption, d’interdire l’adoption indépendante et privée et de combattre l’enrichissement illicite.

D’un point de vue moins formel, cet évènement a surtout été l’occasion pour les professionnels du continent, d’échanger sur leurs pratiques et les problèmes qui y dont liés. Plusieurs initiatives de coopération sous-régionale ont été évoquées, et il est à espérer qu’elles se concrétiseront, et permettront ainsi aux pays africains de réaliser les mêmes progrès que les autres pays d’origine à travers le monde ont pu atteindre.

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