A Lyon, la police a-t-elle « gazé » un chien ou des Roms ?

Publié le 21 novembre 2010 sur OSIBouaké.org

Rue89 | Par Laurent Burlet | LyonCapitale | 20/11/2010

Vendredi soir, en partant d’un squat, trois policiers ont utilisé leur bombe lacrymogène. « Contre un chien dangereux », disent-ils. « Dans notre direction », répondent les Roms. Bilan : un bébé de cinq jours et un autre de deux ans ainsi qu’une adolescente de 17 ans conduits à l’hôpital.

La scène s’est déroulée ce vendredi vers 19 heures. Dans un quartier excentré de Lyon, route de Vienne (VIIIe arrondissement), là où vivent une trentaine de Roms de Roumanie. Après s’être fait expulser du bidonville de la Part-Dieu (lire ici ), ils squattent depuis début novembre une douzaine de garages d’une arrière-cour.

Un équipage de la police nationale, composée de trois agents en uniforme, leur a rendu visite. L’échange a duré quelques minutes. Puis les trois policiers s’en sont allés. Qu’ont-ils fait à ce moment-là ? Les versions divergent diamétralement.

La police : « Une prise contact »

Sur les lieux quarante minutes après les faits, nous interrogeons le gradé, responsable de cette opération de police, lui-même arrivé plus tard. Il explique qu’il s’agissait d’« une prise de contact » pour signifier que les occupants devaient « pas tarder à partir ».

En quittant les Roms, les policiers « se sont retrouvés plus loin face à un chien, un malinois, qui a montré les crocs. Ils l’ont gazé ».

« C’était à l’extérieur et à trente mètres des garages » , précise le policier.

Il n’a donné aucune explication sur ce chien qui était déjà évaporé quand nous sommes arrivés sur place.

Un pompier : « Ces affaires-là sont trop sensibles »

Pour les habitants de ce squat, il n’y a jamais de chien. Certains excités, d’autres visiblement sous le choc, racontent et miment la même scène : deux policiers ont utilisé leur grande bombe lacrymogène à environ cinq mètres d’un groupe d’une quinzaine de personnes, qui étaient réunies au milieu des deux rangées de garages.

Puis ces policiers sont partis en courant. Un militant associatif était à ce moment-là dans l’un de ces garages avec une famille.

« La fumée est entrée à l’intérieur des garages, si bien que tout le monde s’est rapidement retrouvé sur le trottoir, route de Vienne. Plusieurs personnes pleuraient, d’autres vomissaient. »

Ce militant a appelé les pompiers qui sont intervenus.

« Ils ont emmené aux urgences un bébé de cinq jours, un autre de 2 ans et une adolescente de 17 ans. »

Le père de l’enfant de 2 ans explique notamment que son fils a vomi et qu’il a dû partir à l’hôpital avec sa femme. Les pompiers reviennent vers 20h30 pour prendre en charge une vieille dame qui a fait un malaise. Mais elle ne veut pas aller à l’hôpital.

Questionnés, les pompiers refusent de répondre et nous renvoient vers la police.

« Ces affaires-là sont trop sensibles », lâchera l’un d’eux.

Le chef de l’équipage de police parle, quant à lui, de « cinéma » et de « trois personnes prises en charge à titre préventif ».

« Certains voisins se plaindraient du bruit »

Comme l’équipe de Médecins du monde, Gilberte Renard du collectif Rrom, est arrivée après le « gazage ». Elle parle d’une « attitude inadmissible » de la part de la police :

« Ça fait presque trois semaines que je viens ici pour aider les familles, je n’ai jamais vu de chiens et personne ne m’en a parlé. La police les a gazés pour leur mettre la pression parce que certains voisins se plaindraient du bruit. »

Quant à une éventuelle prochaine expulsion, elle n’est pas à l’ordre du jour, selon Gilberte Renard :

« Ils n’ont reçu aucune assignation devant le tribunal. »

Une heure après le départ de la police, alors que la vie du squat reprend progressivement son cours, la poignée de militants associatifs s’interrogeaient sur la possibilité de porter plainte.

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