La 17e conférence mondiale sur le Sida s’ouvre... dans les rues de Mexico

Publié le 4 août 2008 sur OSIBouaké.org

Les conférences internationales sur le sida   – moments clé dans l’histoire de la lutte contre l’épidémie – ont une particularité : elles commencent toujours 24 heures avant le jour officiel, par une manifestation d’activistes qui donne le ton. C’est devenu un rituel, aussi vieux que ces congrès. Il y a deux ans, à la conférence de Toronto, la manifestation avait été décevante, bien maigrichonne, à peine une petite centaine d’activistes dans les rues. On était loin des milliers de militants de la conférence de Durban, en 2000, hurlant dans cette ville sud-africaine : « Les malades sont au sud, les traitements au Nord. » Qu’allait-il se passer à Mexico, siège de la 17e conférence qui a commencé dimanche soir ?

Samedi 2 août, vers 13 heures, sur la place de l’Ange de l’Indépendance de Mexico, la manifestation commence banalement. Juste une petite foule est là, baignant dans une atmosphère de Gay pride, avec de la musique disco. Bref, une image plaisante, mais une image sans grand intérêt. Puis peu à peu, l’air de rien, comme venu de toute la ville, le cortège se met à grossir, se remplit d’une foule disparate, variée, vivante, unique. Une foule comme seule la lutte contre le sida   peut réunir, avec des « sex-workers » venus en masse, des gays, des transexuels, des militants indigènes, des très jeunes mexicains présents en grand nombre, tous défilant derrière une immense banderole : « Marche internationale contre les stigmatisations, les discriminations, l’homophophie ». Les policiers, au début rigolards, se mettent à remplir leurs poches de préservatifs, certains applaudissant même.

Quand le cortège arrive deux heures plus tard dans le quartier historique et qu’il se déverse aux pieds de la très catholique cathédrale, on se dit que cette conférence de Mexico ne commence pas si mal. Certes, pour la première fois, il y a moins d’inscrits et moins de journalistes qui ont fait le déplacement qu’il y a deux ans – 22 000 participants contre 30 000 à Toronto – il n’empêche, la vitalité de la lutte contre le virus paraît rester entière.

On en a la confirmation, le lendemain, dimanche soir, lors de la séance officielle d’ouverture. Une ouverture en forme de défi. On aurait dit que tous les orateurs s’étaient donnés le mot pour dénoncer l’homophobie, les discriminations. « C’est le virus qu’il faut combattre, non pas les gens qui vivent avec le sida   », martèle le président du congrès, Pedro Cahn. « J’appelle tous les gouvernements à lutter contre la discrimination, l’exclusion, et l’homophobie », poursuit Ban Ki-Moon, le secrétaire générale de l’ONU  . Même tonalité très offensive du président mexicain. « Le sida   n’est pas qu’une problème de santé publique, c’est une question de droits de l’homme. »

Juste avant ces propos officiels, il y a eu un moment d’émotion, avec les mots d’une jeune fille de 13 ans, venue du Honduras. Elle est montée sur la tribune. La voix claire, elle a raconté : « Je veux être chanteuse, c’est mon rêve. Mais on ne s’occupe pas de nous. Mes parents, tous les deux, sont malades du sida  . Mon père est aujourd’hui aveugle, c’est très difficile de le voir comme cela. » Et elle aussi a dit : « Nous voulons que les gouvernements nous écoutent, nous voulons un monde sans discrimination. »

Eric Favereau / Libération / lundi 4 août 2008

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