Sida : la France est-elle en train de se désengager ?

Publié le 3 août 2008 sur OSIBouaké.org

Par Chloé Leprince | Rue89 | 02/08/2008

Ni Bachelot ni Kouchner ni Joyandet n’iront à la conférence mondiale de Mexico. Tout un symbole pour les associations de malades.

Dimanche s’ouvre à Mexico la XVIIe conférence mondiale de lutte contre le sida  . L’évenement, qui doit durer cinq jours, réunira 22000 personnes, dont moult chercheurs, représentants associatifs et responsables politiques de tous pays… sauf de France : ni Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, ni Bernard Kouchner, aux Affaires étrangères, ne seront présents. Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la Coopération, ne fera pas davantage le voyage, ayant gagné Dakar la veille pour y retrouver Bill Clinton à un rassemblement Unitaid  .

Provocation ou simple cafouillage ? Vendredi, les cabinets ministériels justifiaient cette absence comme ils pouvaient.

Au secrétariat d’Etat à la Coopération, qui dépend du Quai d’Orsay, on assurait à Rue89 que l’implication d’Alain Joyandet dans le dossier sida   se traduisait par sa présence au Sénégal. Or, l’événement à Dakar, qui démarrait ce samedi, ne fait que mordre sur le début de Mexico. Certains participants enchaînent d’ailleurs les deux. Pas Alain Joyandet, qui comptait rentrer à Paris avant de partir en vacances le 9 août.

Paris, 2e contributeur du Fonds mondial

Les chiffres publiés sur le site du Fonds Mondial de lutte contre le sida  ,la tuberculose et le paludisme nous apprennent que ce Fonds, alimenté par 136 pays, est financé par la France à hauteur de 468 millions de dollars en 2008. Soit plus qu’en 2007 (425 millions) et que sur la période 2001-1006 (778 millions d’euros). A titre de comparaison, l’Allemagne y dévolue cette année 286 millions, ce qui reste d’ailleurs un rattrapage sur les années précédentes. Les Etats-Unis restent le premier contributeur avec 840 millions de dollars.

Bachelot ira à Pékin mais sèche Mexico

Il y a deux ans, lors de la précédente conférence mondiale, c’est toutefois Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, qui avait fait le déplacement. Cette année, le porte-parole de Roselyne Bachelot argue d’un problème d’agenda :

« L’emploi du temps est surchargé à cause de Pékin et de la présidence française de l’Union européenne. Mais un conseiller ainsi que deux représentants de la Direction générale de la Santé seront à Mexico. Il y aura aussi l’ambassadeur sida  , très compétent. »

C’est vrai que Louis-Charles Viossat, nommé à ce poste il y a un an, lira à Mexico mardi matin un message de Nicolas Sarkozy. Ce discours est censé démentir tout désengagement de la France, un pays réputé en pointe en matière de lutte contre le VIH  . Mais il en faudra plus pour rassurer le milieu associatif. Bruno Spire, président de Aides, a été reçu par Roselyne Bachelot quelques jours avant de s’envoler pour Mexico, où Rue89 l’a joint par téléphone :

« Je ne doute pas de l’intérêt personnel de la ministre. Mais je ne crois pas à ces problèmes d’agenda : la conférence de Mexico est prévue de longue date, la présidence européenne aussi. D’ailleurs, Pékin ne commence pas avant la fin de la semaine prochaine, elle pouvait choisir d’autres priorités si vraiment la France tenait à avoir une parole publique. »

Pour lui, cette absence à Mexico trahit bel et bien un désengagement symbolique de la France sur le sida  … « alors que même Bush vient de prendre des décisions importantes ! ». On a en effet appris en juillet que les Etats-Unis tripleront les investissements publics dévolus au VIH  , et autoriseront les séropositifs à voyager sur le territoire américain.

Coté gouvernement, on nie pourtant tout sacrifice des ambitions françaises. A la Coopération, le cabinet affirme que « le volet sida   est entièrement imbriqué dans notre diplomatie » :

« Nous avons de très bons résultats grâce à la double action à travers le Fonds mondial, dont la France reste le premier contributeur derrière les Etats-Unis, et Unitaid  , né de l’idée de Jacques Chirac de taxer les billets d’avions pour financer la lutte contre le sida   dans les pays en développement. Grace à Unitaid  , le taux de prévalence est de 0,7% au Sénégal ! Ce n’est vraiment pas le bon sujet sur lequel nous faire un procès ! »

Des investissements traditionnellement élevés… mais des inquiétudes

C’est vrai que les investissements français dans le Fonds mondial de lutte contre le sida  ,la tuberculose et le paludisme restent très élevés (voir encadré). Pourtant, Aides et Act Up parlent bien de désengagement, y compris financier. Pour Bruno Spire, de Aides, « on fait le minimum mais on supprime des aides techniques, par exemple des postes sur le terrain destinés à ouvrir des programmes, agir dans les hôpitaux ». Chez Act Up, on estime aussi que le financement français de la lutte contre le sida   n’est pas à la hauteur des promesses de Paris :

« Sous Jacques Chirac, on sentait un réel souci que la France soit à la pointe. C’est fini : à Mexico, on se contente d’envoyer des gens qui n’ont aucun pouvoir et on est loin de l’engagement du G8, il y a deux ans, pour l’accès universel aux soins d’ici 2010. Pour remplir cet objectif, il faudrait que la France débloque 1 milliard par an… alors qu’au G8 cette année elle a voulu réduire son enveloppe, de 300 millions d’euros à 280 ! »

Act up souligne par ailleurs que l’absence de la France, qui préside l’UE  , est d’autant plus criante que « l’Europe devrait peser de tout son poids sur l’industrie pharmaceutique pour autoriser la fabrication de génériques au lieu de protéger les labos. »

Il y a 33 millions de séropositifs dans le monde.

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