Sida - Des médicaments abordables, disponibles et adaptés dans les pays en développement
Publié le 2 août 2008 sur OSIBouaké.org
01 août 2008 - La Campagne d’accès pour les médicaments essentiels publie un rapport qui donne un aperçu de l’évolution des prix des ARV depuis 2001. Karen Day, coordinatrice des pharmaciens à la CAME, présente des points forts de ce rapport.
La combinaison d’antirétroviraux à dose fixe de première ligne (3TC/d4T/NVP), la plus abordable, coûte aujourd’hui 87 dollars par patient et par an. Nous avons fait du chemin depuis 2001. Le coût de ce traitement était de plus de 10 000 dollars par an avant que les fabricants de génériques ne commencent à produire des ARV . Cela représente ainsi une baisse du prix de plus de 99%. Mais le vrai problème auquel MSF et les autres prescripteurs sont confrontés est le prix élevé des nouveaux ARV .
LE VIH /sida est une maladie qui exige un traitement toute la vie et les gens ont besoin de pouvoir avoir accès aux nouveaux médicaments pour qu’ils aient des solutions de rechange quand leurs médicaments provoquent des effets secondaires ou quand ils développent des résistances aux médicaments. La résistance est quelque chose qui apparaît inévitablement même si les patients prennent bien tous leurs médicaments. Pour ces cas-là, nous avons besoin d’avoir accès aux nouveaux médicaments, plus puissants et moins toxiques.
La stavudine (d4T) qui est l’un des composants des associations d’ARV à dose fixe les plus couramment utilisées, provoque fréquemment de nombreux effets secondaires. Dans l’un des projets sida menés par MSF au Rwanda, presque un patient sur six qui prend de la stavudine a dû changer de schéma thérapeutique, en raison de sa toxicité. En 2006, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé que les prescripteurs abandonnent ce médicament au profit de traitements moins toxiques, basés soit sur la zivovudine (AZT) ou le ténofovir (TDF). Mais cela a d’énormes répercussions en termes de prix qui sont au mieux multipliés par deux pour les traitements à base d’AZT, mais peuvent être multipliés par onze pour les traitements à base de TDF, dans les pays qui ne peuvent avoir accès aux versions génériques en raison du régime de protection des brevets. Nous avons besoin que les prix baissent, mais pour cela, il faut qu’il y ait plus de fabricants sur le marché de manière à instaurer une concurrence entraînant une diminution des prix.
Pour les patients qui ont besoin d’un traitement de deuxième ligne, la différence de prix est énorme. Les prix sont multipliés par neuf, voire même par 17 dans certains pays à revenus intermédiaires où les médicaments sont brevetés et où les prescripteurs doivent acheter le médicament au laboratoire d’origine. Or les besoins pour les traitements de deuxième ligne vont continuer à s’accroître. Dans le projet Sida de MSF qui est le plus ancien, à Khayelitsha en Afrique du Sud, 22% des patients sous traitement depuis cinq ans ont dû passer à une association de médicaments de deuxième ligne. Nous avons vraiment besoin que les nouveaux médicaments soient disponibles dans les pays en développement à un prix plus abordable.
Oui, mais quand de nouveaux médicaments sont commercialisés, les laboratoires en ont généralement le monopole et ils peuvent contrôler le marché en décidant quels pays peuvent avoir accès à ces médicaments et à quel prix. L’expérience a montré que les réductions offertes par ces entreprises sont insuffisantes pour que la différence soit sensible. La concurrence entre plusieurs fabricants est le moyen éprouvé pour faire baisser les prix mais les brevets peuvent constituer un obstacle à ce que les fabricants de génériques aient accès au marché des nouveaux médicaments. L’Inde par exemple n’a pas délivré de brevets pharmaceutiques jusqu’en 2005 et a été ainsi l’un des principaux pays où des médicaments d’un prix abordable ont été produits. En fait, MSF achète plus de 80% de ses médicaments contre le sida à des fabricants indiens et l’Inde a été qualifiée de « pharmacie du monde en développement ».
Parce qu’un nombre sans cesse croissant de ces nouveaux médicaments font l’objet d’une demande de brevet en Inde, en dépit du fait que ce pays a une législation très stricte sur ce qui peut ou non être breveté. Cela signifie que les fabricants de génériques ne pourront plus produire des versions de médicaments à des prix abordables sauf si l’entreprise accepte de délivrer une licence aux fabricants de génériques ou si le gouvernement décide de rejeter une demande de brevet en faisant jouer un mécanisme juridique établi par la législation sur les brevets qui est dénommé « licence obligatoire » et qui permet à une ou plusieurs autres sociétés de produire le médicament moyennant le paiement de royalties. Une autre solution est la mise en commun de brevets et la gestion collective des droits attachés aux brevets, la proposition récente concernant l’UNITAID - la facilité internationale d’achats de médicaments - va en ce sens. Cela contribue à faire baisser les prix des nouveaux médicaments grâce à une concurrence accrue et cela débouche sur la mise au point et la production de formulations pédiatriques et d’associations de médicaments à dose fixe dont nous avons besoin pour simplifier le traitement des patients.
Les enfants restent malheureusement les laissés pour compte de la production de formulations adaptées. Sur les 22 ARV approuvés par le ministère américain de l’Alimentation et des Médicaments (FDA), huit n’ont par reçu l’agrément du ministère pour une utilisation pédiatrique et il n’existe pas de formulation pédiatrique pour neuf d’entre eux. Et quand il y a des formulations pédiatriques, elles sont souvent inadaptées aux contextes où les ressources sont limitées, concrètement ce sont des poudres qui doivent être reconstituées avec de l’eau, ou des sirops, qui doivent les uns et les autres être réfrigérés et dont l’accès peut être restreint dans les pays en développement. De plus, le goût amer de certaines formulations rend leur administration aux enfants très difficile.
Les fabricants de génériques ont en fait été en avance pour le développement et la production de comprimés trois-en-un pour les enfants et il en existe plusieurs maintenant. Mais c’est triste à dire, cela a pris six ans de plus pour avoir ces associations à dose fixe pour les enfants que cela n’a été le cas pour les adultes. Il est vraiment indispensable que davantage d’efforts soient déployés pour la prise en charge du VIH /sida chez l’enfant. Mais comme en Occident, les enfants ne sont presque plus touchés par le sida , les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas d’incitation financière à investir dans ce secteur.
Mais l’essentiel est que si les programmes de prévention de la transmission de la mère à l’enfant étaient mieux mis en œuvre dans les pays en développement, comme dans les pays occidentaux, nous ne verrions plus de taux de contamination alarmants parmi les enfants. C’est une tâche urgente à laquelle il faut s’atteler.
Il y a eu des progrès importants concernant le développement de nouveaux médicaments qui attaquent le virus du sida de manière différente. La gamme de traitements qui s’offre maintenant aux personnes vivant avec le VIH /sida est maintenant bien plus étendue. Le problème est que peu de ces nouveaux médicaments sont conçus pour répondre aux besoins spécifiques des patients dans les pays en développement, tels que les femmes en âge d’avoir des enfants, les enfants et les personnes qui doivent prendre en même temps des médicaments pour d’autres pathologies comme la tuberculose ou le paludisme. C’est un vrai problème et il faut que des changements interviennent en amont dans le processus du développement des médicaments pour que nous n’ayons pas à attendre encore des années, une fois que ces médicaments sont disponibles en Occident, pour qu’il y ait des formulations utilisables par les patients dans les pays en développement.
Les entreprises qui produisent ces nouveaux médicaments n’ont même pas donné d’indications de prix pour les pays en développement, ce qui montre à quel point nous sommes loin de pouvoir fournir ces médicaments aux patients dans les contextes où les ressources sont limitées. L’écart en termes d’accès reste énorme par rapport aux gens des pays riches et développés. Et l’absence de programmes spécifiques de recherche et développement sur le sida dans les pays en développement est un problème d’une ampleur croissante.