Kenya : « Nous avons fui avec, pour tout bagage, les vêtements que nous portions »

Publié le 20 mars 2008 sur OSIBouaké.org

Thika, 20 mars 2008 - Pendant un mois, Teresia Wamwitha, 47 ans, a vécu dans la brousse avec 10 enfants : ses huit rejetons et deux neveux, sa sœur étant décédée il y a 10 ans. C’est là que la famille avait trouvé refuge après avoir fui pour échapper aux flambées de violence post-électorales qui ont eu lieu dans la province de la vallée du Rift, au Kenya.

La maison de Teresia, dans la région de Burnt Forest, a été entièrement rasée ; Teresia a à peine eu le temps d’en faire sortir les enfants, la nuit du 29 décembre, lorsque des flambées de violence ont éclaté dans plusieurs régions du pays. Aujourd’hui, ayant été rejetée par une autre de ses sœurs en raison de sa séropositivité, elle loue une chambre pour la somme de 300 shillings kényans (quatre dollars américains) par mois, à Juja, une ville de la Province centrale. IRIN s’est entretenue avec Teresia le 14 mars à Thika, où elle s’était présentée aux bureaux de la Société de la Croix-rouge kenyane pour solliciter une aide :

« Après être restés dans la brousse pendant des semaines, nous avons réussi à embarquer à bord d’un camion pour quitter Burnt Forest. Le camion se rendait à Nairobi. Nous n’avions rien ; la vie était devenue très difficile, surtout pour les enfants. Nous avions fui avec, pour tout bagage, les vêtements que nous portions. Quand on est arrivés à Kianduthu [dans la région de Limuru], on nous a envoyés à la Croix-Rouge, qui nous a fourni des habits, des couvertures et de la nourriture ».

« Ensuite, j’ai quitté Kianduthu pour solliciter l’aide de ma sœur, qui vit à Kiambu. Mais elle m’a rejetée parce que je suis séropositive. Cela fait 20 ans que je vis avec le virus et je ne pensais pas que ma sœur me rejetterait. Mon autre sœur, qui m’a laissé ses deux enfants, est aussi morte du VIH  /SIDA  . Ce qui est encore pire, c’est que l’un de mes enfants est handicapé moteur et l’un des enfants de ma sœur est handicapé mental. Et j’ai appris dernièrement que mon aînée, celle qui est handicapée, a également le VIH  , bien qu’elle ne soit pas née séropositive ».

« De Kiambu, je suis ensuite partie pour [la ville de] Thika, où d’autres déplacés s’étaient installés dans le stade. La vie au stade n’a pas été facile ; je devais trouver une école pour les enfants et une école spécialisée pour mon neveu. J’ai décidé de louer un logement à Juja [près de Thika] et je paie mon loyer en faisant des petits travaux, en lavant des vêtements ou en effectuant toute autre tâche qu’on me demande de faire. Par exemple, hier, j’ai lavé un tas de vêtements énorme et j’ai été payée 50 shillings [0,70 dollar]. Je vais acheter des légumes avec cet argent, parce que je dois bien me nourrir : je suis sous traitement ARV  . J’avale jusqu’à 30 cachets par jour ».

« Récemment, la fille aînée de ma sœur est venue me trouver à Thika ; elle m’a proposé de m’accueillir, moi et les enfants. J’étais tellement soulagée. Elle est retournée à Kiambu avec les enfants et ils ont commencé l’école le 10 mars. Maintenant, j’essaie d’obtenir une attestation auprès de l’hôpital du district et du Réseau kényan des femmes séropositives, pour pouvoir poursuivre mon traitement ARV  . Je suis aussi venue ici pour obtenir du matériel de secours auprès de la Croix-Rouge kenyane ; leur équipe m’a beaucoup aidée.

« Bien que ces deux derniers mois aient été un véritable enfer pour moi, je ne me vois pas retourner à Burnt Forest, où je possédais quatre hectares de terres. Tout ce que je veux, maintenant, c’est trouver du travail et récolter de l’argent pour pouvoir lancer une petite affaire. Je veux continuer de m’occuper de ces enfants ; ils sont tout ce qui me reste, depuis que mon mari s’est suicidé, il y a quatre ans ».

« Ayant vécu avec le VIH   pendant 20 ans, je pense que je peux survivre assez longtemps pour les voir grandir ; les ARV   m’aident beaucoup, mais je dois trouver du travail pour pouvoir me nourrir correctement. Aujourd’hui, je suis assez faible parce que j’ai pris les médicaments ARV   sans avoir rien mangé ».

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