Repenser la lutte contre le sida

Publié le 3 septembre 2007 sur OSIBouaké.org

Côte d’ivoire - 26 août 2007 - par Kolou Rodrigue Koffi

Alors que les deux tiers des malades vivent en Afrique, Kolou Rodrigue Koffi un Ivoirien de 20 ans, raconte son engagement auprès des enfants séropositifs.

Mon père est décédé, en mai 1996, des suites d’une tuberculose aiguë et d’un cancer de la peau. Notre niveau de vie, loin d’être reluisant lors de sa maladie, s’est précarisé encore plus. Et fin 1997, ma mère, malade, a été orientée vers le centre de Solidarité action sociale (SAS) de Bouaké, en Côte d’Ivoire. En m’y rendant pour la première fois, en décembre 1998, et en voyant toutes les affiches qui parlaient du VIH   et du sida  , j’ai compris que ma mère était séropositive. Ce n’est qu’en avril 1999 que l’assistante sociale qui nous suivait a confirmé mes doutes.

J’avais 13 ans. Loin de m’abattre, cette nouvelle m’a rapproché de ma mère et a été à l’origine de mon engagement. Avec l’appui du médecin traitant de ma mère, je suis devenu éducateur dans un projet de sensibilisation aux dangers des maladies sexuellement transmissibles et du VIH  , en milieu scolaire.

Ma mère est décédée en février 2000 sans nous avoir révélé - on est cinq enfants - la nature de sa maladie. Environ deux semaines après sa mort, avec d’autres jeunes issus de familles suivies par le Centre SAS, nous avons fondé l’association N’Zrama pour les enfants touchés par le sida  . Je suis le président coordinateur de cette association depuis le 18 décembre 2004.

Fort de mon expérience, je me permets de faire la réflexion suivante. En 2006, on a dénombré 39,5 millions de personnes vivant avec le VIH   dans le monde, 2,9 millions de décès et 4,3 millions de nouvelles infections dont plus d’un demi-million concernent des enfants de moins de 15 ans. Sans surprise, l’Afrique subsaharienne reste la plus touchée avec près des deux tiers de l’ensemble des personnes infectées : 24,7 millions de malades et 2,8 millions de nouvelles infections.

En Afrique subsaharienne, plus qu’ailleurs, les femmes et les enfants représentent les populations les plus vulnérables et paient un lourd tribut : en 2005, on comptait 13,2 millions de femmes de plus de 15 ans vivant avec le VIH  , 12 millions d’enfants de moins de 17 ans orphelins du sida   sur un total mondial de 15,2 millions, et 2 millions d’enfants séropositifs, soit près de 90 % des enfants du monde entier.

Ces données prouvent nettement qu’il y a problème dans la matérialisation et l’impact des réponses apportées. Arrêtons donc de dire qu’il est temps de passer aux actes. À quoi ça sert d’organiser des colloques, ateliers et conférences pour faire le point de programmes qui n’ont été mis en œuvre que très partiellement ? À quoi bon produire des recommandations qui resteront au stade d’idées abstraites ? Tout ça pendant que des enfants sont obligés de quitter l’école, car leurs parents malades ne peuvent plus assurer leur accès aux services sociaux de base, que d’autres deviennent chefs de famille parce que la famille est inexistante ou a simplement démissionné, que d’autres encore doivent s’occuper de leur(s) parent(s) en phase terminale, et que d’autres, enfin, meurent tout simplement parce qu’ils ne peuvent avoir accès aux antirétroviraux pédiatriques ou à un appui nutritionnel conséquent.

L’Unicef l’a compris en lançant la campagne Unissons-nous pour les enfants contre le sida   en octobre 2005. Pour ma part, j’estime qu’au-delà de cette campagne il faut penser à actualiser, en profondeur, notre approche de la lutte contre le VIH   et le sida   pour les enfants, tout en tenant compte des expériences qui ont démontré leur efficacité sur le terrain et qui sont porteuses d’espoir. Qu’est-ce qui dit qu’ensemble nous ne réussirons pas ? Moi, je ne vois rien qui s’y oppose. Osons bouger les choses ! Ensemble, nous réussirons !

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