Congo Brazza : les orphelins du sida sortent lentement de l’ombre

La guerre, la pauvreté, le VIH/SIDA et la tuberculose ont rendu de nombreux enfants orphelins

Publié le 3 février 2007 sur OSIBouaké.org

Près de la moitié des orphelins au Congo a perdu un ou ses deux parents à cause du VIH  /SIDA  , pourtant ces enfants ont longtemps été négligés et commencent à peine à être pris en compte dans les programmes de lutte contre l’épidémie.

La dernière enquête sentinelle réalisée en 2003 par le Conseil national de lutte contre le sida   (CNLS) avec l’appui de la Banque mondiale a évalué à 78 000 le nombre d’orphelins et enfants vulnérables (OEV  ) du VIH  /SIDA   au Congo, un pays de quelque trois millions d’habitants, marqué par des années de conflits sanglants.

« C’est un problème grave qui doit préoccuper tout le monde. Nous avons connu la guerre, il y a le sida  , la tuberculose et la pauvreté : ces fléaux nous ont laissé beaucoup d’orphelins », a rappelé le docteur Jean Mermoz Youndouka, coordonnateur au Congo des programmes de l’ONG panafricaine Médecins d’Afrique.

Bien que 47 pour cent des orphelins recensés au Congo le soient du VIH  /SIDA  , selon les Nations unies, ces enfants n’ont pas été intégrés dans les programmes de lutte contre l’épidémie mis en place dans le pays dès le milieu des années 80, après l’apparition des premiers cas de la maladie.

« Partout ailleurs dans le monde, tout comme au Congo, la prise en charge des enfants orphelins et autres enfants vulnérables n’a pas commencé tout de suite avec l’apparition du VIH  , il a fallu que des politiques soient mises en place », a dit le docteur Edmond Malalou, chargé de la réponse du secteur santé et coordonnateur par intérim du CNLS.

L’absence, puis le coût prohibitif, des traitements antirétroviraux (ARV  ) pédiatriques, ont été cités comme certaines des raisons ayant conduit à négliger cette population.

Pendant longtemps, le seul espoir de ces enfants au Congo a reposé sur la société civile, qui a été la première à alerter l’opinion publique sur l’importance du phénomène et a dû trouver des solutions pour permettre aux enfants de survivre, avec les moyens du bord.

Ainsi, l’organisation congolaise Serment Merveil a fait appel au parrainage, afin d’assurer la prise en charge des enfants sur les plans de « la prise en charge médicale, la réhabilitation psychologique, l’appui à la scolarité et à la nutrition, en fonction des besoins spécifiques de l’enfant », a expliqué Julien Makaya, président de l’association.

Grâce à la mobilisation de bonnes volontés, entre autres l’Association congolaise par amour, qui réunit des épouses étrangères de citoyens congolais, des fonds ont pu être collectés et des parrains trouvés, afin que les enfants puissent, dans la mesure du possible, rester dans leur famille -l’orphelinat étant la solution à ne choisir qu’en tout dernier recours, de l’avis de tous les acteurs de la lutte.

Au total, 29 personnes et trois structures ont pris l’engagement de parrainer 45 enfants vivant avec le VIH   en 2006, en majorité des filles, selon l’association, qui espère pouvoir trouver des donateurs pour poursuivre son travail.

Un autre projet, lancé en 2004 par Médecins d’Afrique avec le soutien du Fonds des Nations unies pour l’enfance, Unicef, a permis de fournir un appui psychologique, scolaire, à l’insertion professionnelle et à l’apprentissage à 500 orphelins et enfants rendus vulnérables par l’épidémie à Brazzaville.

La donne a changé

Le mouvement universel d’accélération de l’accès aux traitements du sida  , la baisse du prix des ARV   pédiatriques et l’engagement financier exceptionnel de la communauté internationale en faveur de la lutte contre la propagation du virus, notamment parmi les groupes vulnérables, ont fait prendre conscience aux autorités congolaises de la nécessité de soutenir les enfants infectés ou affectés par l’épidémie.

Un programme de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant (PTME  ) a été lancé en 2004 dans les structures sanitaires de Brazzaville, la capitale, et de Pointe-Noire, la deuxième ville du pays, pour informer les femmes enceintes, leur proposer le dépistage et leur assurer un traitement antirétroviral en cas d’infection.

D’après la maternité du centre hospitalier de Talangaï, à Brazzaville, sur les 387 enfants nés de mères séropositives entre le lancement du programme de PTME   et la mi-2006, 12 enfants ont été eux-mêmes infectés et sont pris en charge médicament.

Le soutien des bailleurs de fonds, tels que la Banque mondiale et le Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme, a permis d’élargir les programmes d’appui aux enfants affectés ou infectés par le VIH  , dans un pays où 4,2 pour cent de la population vit avec le virus, selon les Nations unies.

Ainsi, le volet « prise en charge des orphelins et enfants vulnérables » a été inclus dans le Projet de lutte contre le VIH  /SIDA   et de santé (PLVSS) financé à hauteur de 19 millions de dollars par la Banque mondiale.

Ce projet, qui couvre la période 2004-2007 et concerne les cinq départements les plus peuplés du pays, a permis d’apporter un appui médical, psychologique, scolaire et d’insertion socioprofessionnelle à plus de 3 080 orphelins et enfants vulnérables en 2006, selon le docteur Malalou du CNLS.

« Pour ceux qui sont pris en charge, il faut dire qu’il y a une restauration au plan médical », s’est-il félicité. « Sur le plan psychologique, ils ont repris confiance en eux et vivent normalement dans la société. Sur le plan scolaire, il y a de très bons résultats parce que très peu redoublent ou désertent l’école. »

En septembre 2006, le Fonds mondial a accordé au Congo un financement de 45 millions de dollars sur cinq ans, qui va permettre entre autres de couvrir au cours des deux premières années les besoins de plus de 7 200 enfants dans les six départements qui ne sont pas concernés par le PLVSS, notamment dans le Pool, une région particulièrement meurtrie par les conflits civils, selon le CNLS.

En dépit de ces avancées, il reste beaucoup à faire, a reconnu le docteur Malalou : par manque de moyens, de nombreux enfants infectés ou affectés par l’épidémie, parfois devenus chefs de famille, sont toujours livrés à eux-mêmes.

Et il s’agit d’une urgence, a plaidé le docteur Youndouka, de Médecins d’Afrique.

« Si on ne peut pas prendre en charge les orphelins et enfants vulnérables maintenant, c’est évident que nous aurons demain des [problèmes] », a-t-il dit. « Ils vont devenir des femmes et des hommes mûrs, auront des droits à revendiquer et des besoins à satisfaire. Ils vont nous reprocher d’avoir eu plus de droits qu’eux. »

imprimer

retour au site