Impressions glanées lors d’un voyage professionnel (et minuté) en Côte d’Ivoire

Un ami voyageur nous dresse un rapide état des lieux

Publié le 20 décembre 2006 sur OSIBouaké.org

18 décembre 2006 - Par Frédéric Dollon, ingénieur agronome

Un an que je n’ai pas mis les pieds en Afrique, 12 ans que je n’ai pas remis les pieds en CI. Un périple dont je me souviens bien car il m’avait fait traverser la CI d’ouest en est, en bus et en taxi à partir de Kankan en Guinée... En 12 ans, il s’en est passé des choses, à l’échelle d’une vie (ou d’une expérience) mais aussi à l’échelle d’un pays... Là-dessus je ne retrace pas les faits que tout le monde connait, et vit de près ou de loin, affectivement ou moins affectivement...

Enfin bref ce n’est pas le sujet ; mais 15 jours avant de partir pour cette petite mission en CI, je ne peux m’empêcher de m’interroger : comment cela va-t-il se passer ? Est ce prudent ?... La structure qui m’accueille pour ce voyage qui va m’amener à traverser le pays du sud au nord puis du nord au sud me rassure... Et les formalités à l’ambassade de CI en France me découragent !... L’épisode le plus dur finalement aura été : les formalités...

Alors voilà, les impressions que je vous donne ce sont les miennes, elles sont peut être « superficielles » pour un voyage si rapide, et surtout fortement imprégnées de ma propre expérience récente de 5 années dans un autre pays d’Afrique : le Tchad.

Abidjan... Abidjan vit au rythme des annonces, manifestations, autres débats politiques qui ne donnent pas envie de mettre le nez dehors. En ce moment, c’est « déchets toxiques » et « politiques » qui font débat et parfois violence dans la rue. Voilà ce que je retiens d’Abidjan, ville aux dires de tous « détériorée » mais où la « tour d’Ivoire », au dessus de la lagune, donne toujours à cette ville cette impression de « grande capitale », cette même impression d’Afrique de contraste... Sur le grand pont FHB, le trafic est ralenti par des hommes qui courent entre les voitures pour vendre des jouets de Noël et autres bricoles, image d’Afrique déjà vue, d’économie parrallèle qui a encore de la vie devant elle...

Les routes... Bonnes, elles sont bonnes les routes de CI, en tout cas celle qui fait Abidjan - Yamoussoukro - Bouaké - Ferké. Du goudron, quelques trous, des fruits et légumes partout, du maïs, des plantains, des cacahuètes, et même des pizzas... Comparé au Tchad, je m’en excuse, ça me scie.... Donc lorsque après 8 / 9 heures de route pour env. 600 Km on me demande mes impressions sur la route, à la surprise de tous je réponds : « excellent ! ». MAIS, car il y a un MAIS, c’est vrai qu’il n’y a personne sur les routes, et c’est un signe... Et des barrages il y en a, et de l’argent on en dépense ! :

  • Les « corridors » des « loyalistes » au Sud où tous les passagers descendent pour faire 1 Km à pied, alléger leurs poches, et retrouver le car ou le taxi à la sortie quelques heures plus tard.
  • La « pagaille » des forces nouvelles au nord, c’est plus désorganisé on va dire. Les chefs rebelles sont cachés, et les gamins, ados, adultes arborant pour certains d’entre eux tenues militaires et « Forces Nouvelles » monnayent les passages. Les barrages sont plus nombreux. Tout se passe bien pour moi CAR, CAR le chauffeur se sent maintenant chez lui. Pour pratiquer la route depuis 2003, il connait en effet tout le monde. Il paraît plus serein (son nom qui ne trahit pas ses origines) maintenant qu’il est de l’autre côté de la zone de confiance, comme s’il avait changé de pays... Et il a changé de pays. Maintenant je retrouve mon « bambara » proche du « malinké » que je parlais un peu en Guinée... Et lui commence à se détendre et à m’expliquer ses origines maliennes, sa famille installée en CI depuis 4 générations... et le pays gâté... et FHB...

Yamoussoukro... La basilique n’a pas bougé, énorme... Car c’est elle qu’on remarque, avec ces grandes avenues et marchés de bord de route....

Zone de confiance... Les casques bleus (Marocains) arrêtent et comptent les voitures, notent les immatriculations sur un cahier... C’est calme malgré tout, mais cela a un petit goût de « désolant »... leur seule distraction se trouve dans le village d’à côté... Rencontre avec un détachement d’une quinzaine de véhicules de l’armée française, jeeps et blindés... Insolite.

Bouaké... On est de l’autre côté. La vie à Bouaké reprend, c’est là qu’en 2003 le chauffeur a passé 10 jours avec les Chefs rebelles, alors qu’il tentait de faire descendre du sucre sur Abidjan. Mais à cette époque : « le riz monte pas..., le sucre descend pas... ». Alors il connait tout le monde Monsieur K., et la ville, qui fût paraît t-il une ville morte et dangereuse, est aujourd’hui animée, comme une ville d’Afrique apparemment « normale ».

Electricité... L’électricité est partout... partout, c’est peut être un détail, mais j’en reviens pas. Déjà il y a 12 ans en venant de Guinée cela m’avait impressionné ; et venant du Tchad : Ouahhh !!!

Médias et conversations... Et c’est là qu’on sent que cette crise n’est pas finie... et que ses origines sont lointaines. La partition du pays est bien réelle et les nouvelles largement diffusées à travers la radio, la télé, les médias, (présents partout) : ces discours et tapages politiques souvent violents en provenance d’Abidjan sont loin d’apaiser... Et là on est portés à réfléchir sur le rôle et l’influence des médias sur les sociétés, disons en développement. Et je ne peux m’empêcher de penser encore une fois au Tchad où tout cela est absent (pas d’électricité, pas de télé, des voies de communications déplorables...) où les conflits existent aussi, où la guerre s’exécute dans le silence (avec dégâts aussi), mais où on peut parler d’autre chose et où l’individu « lamda » peut choisir de ne pas s’impliquer....

Mais les dérives sont partout, c’est un grand et long débat... entre mauvaise démocratie et bonne (ou mauvaise) dictature ? Et je n’ai pas la solution !

En tout cas, Côte d’Ivoire, guerre ou pas guerre, il me semble que tu gardes ton âme.... D’Afrique.

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