« On dépiste mal les enfants, donc on ne les traite pas »

La qualité des données du rapport de l’Onusida jugée insuffisante

Publié le 2 décembre 2006 sur OSIBouaké.org

REUTERS - Par Eric FAVEREAU - mercredi 22 novembre 2006

Le Dr Gilles Raguin est responsable du département médical d’Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière), dont l’objectif est de multiplier les partenariats entre hôpitaux du Sud et ceux du Nord.

Deux fois par an, l’Onusida   publie des rapports sur l’avancée de l’épidémie. Est-ce utile ?

Pour tous ceux qui travaillent sur le VIH   et vivent dans des pays touchés, il est essentiel d’avoir des données pour établir les politiques de santé publique et surtout les évaluer. La question est plutôt de la qualité des données.

Sont-elles fiables ?

Pas toujours. D’abord pour des raisons méthodologiques, car les systèmes de surveillance peuvent changer d’une année à l’autre. Ensuite, les gouvernements des pays concernés ont parfois peu intérêt à communiquer sur leurs chiffres. Par exemple, lorsque la prostitution augmente dans telle région, les autorités locales vont vouloir le cacher. Même déni lorsque la contamination explose chez les toxicomanes. La transparence s’est cependant améliorée, même si elle reste politiquement sensible.

On a l’impression, parfois, que ces données ont des fins politiques. Pour donner de l’espoir ou, au contraire, s’alarmer.

Les chiffres sont naturellement instrumentalisés. Comme dans les sondages, dont chacun se sert pour se justifier ou pour dénoncer. C’est pour cela que les épidémiologistes restent prudents.

Y a-t-il encore des trous noirs de l’épidémiologie mondiale ?

Il y a des endroits où les données fiables sont inexistantes. Dans la plupart des pays musulmans, les données sont nouvelles, donc discutables. De même en Afghanistan, où la toxicomanie explose ; or il n’y a pas de données. En Europe de l’Est, les chiffres sont incertains. Reste qu’il n’est pas raisonnable, aujourd’hui, d’analyser la situation de façon générale. Les chiffres globaux n’ont plus vraiment de sens. Il n’y a pas une épidémie, mais des épidémies dans chaque pays. Comme en Russie. L’Ouganda est cité en exemple par le rapport car l’épidémie baisse : elle augmente pourtant dans certaines régions du pays. Pourquoi ? C’est là qu’il faut creuser.

Que retenez-vous du rapport de novembre 2006 ?

Deux problèmes majeurs : l’explosion, à certains endroits, de la contamination chez les toxicomanes et la question des enfants ; on les dépiste mal, donc on ne les traite pas. Or il y a un nombre ahurissant d’enfants contaminés. Alors que des interventions simples permettent de réduire très fortement la contamination mère-enfant. Pourquoi ne sont-elles pas menées ?

Quid de l’arrivée des traitements sur les politiques de prévention ?

Elle est encore trop limitée pour que l’on puisse voir clairement l’impact sur l’évolution de la pandémie.

© Libération

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