Afrique : Etendre les services VIH aux populations vulnérables, un défi à relever

Publié le 26 octobre 2006 sur OSIBouaké.org

26 octobre - Assurer la fourniture de services VIH  /SIDA   dans un pays en paix est déjà une tâche difficile en soi, et pouvoir les étendre aux populations fuyant les conflits ou les catastrophes semble être, à première vue, un défi impossible à relever.

Et pourtant, au plus fort du conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), l’organisation Médecins sans frontières (MSF  ) a prodigué ces services dans deux cliniques de Bukavu, la capitale de la province du Sud Kivu, servant ainsi d’exemples à d’autres organismes travaillant dans des zones en conflit.

La logique est simple : les personnes affectées par des crises jouissent des mêmes droits en matière d’accès aux services VIH  /SIDA   que le reste de la population. En outre, conformément aux normes minimales d’assistance reconnues par divers protocoles internationaux, les réfugiés jouissent eux aussi de ces droits.

On estime à 31 millions le nombre de réfugiés et de déplacés internes dans le monde - un nombre qui pourrait être supérieur à 80 millions, si on ajoute les combattants démobilisés et les communautés "engagées dans un processus de paix".

Environ 120 millions de personnes supplémentaires sont vulnérables en Afrique australe, en raison des taux élevés de prévalence du VIH  /SIDA   enregistrés dans la région, des grandes poches d’insécurité alimentaire et de pauvreté ainsi que de la faiblesse des services publics.

"Le problème ne concerne pas un petit groupe de personnes, mais une région qui englobe entre 80 et 90 pays différents - soit la moitié du nombre de pays que compte la planète - et dont une grande partie de la population connaît des problèmes humanitaires", a déclaré Mukesh Kapila, directeur technique du Programme commun des Nations unies pour le VIH  /SIDA   (Onusida  .

"En conséquence, il s’agit d’un problème de grande envergure", a-t-il dit.

Mukesh Kapila dirige un groupe de neuf agences onusiennes qui cherchent à éliminer les obstacles organisationnels et techniques qui empêchent les populations d’accéder aux services VIH  /SIDA  .

Ce groupe se bat pour que les programmes humanitaires et de développement prennent en compte les besoins spécifiques de ces populations, et qu’ils s’intéressent plus particulièrement à la protection des femmes et des jeunes filles contre la violence sexuelle.

"Nous avons vu que même dans les circonstances les plus difficiles il était possible de proposer de services de soins et de traitement sûrs et fiables", a souligné M. Kapila.

"Les coût d’accessibilité à ces services par les populations vulnérables a considérablement baissé au fil des années...au point que nous pouvons envisager de les prendre en charge".

Les conflits, les déplacements, l’insécurité alimentaire et la pauvreté rendent les populations affectées encore plus vulnérables au VIH  /SIDA  .

Les soins et les traitements permettent d’aider non seulement les victimes à surmonter le traumatisme causé par une catastrophe, mais ils peuvent également servir à la société dans son ensemble.

Dans une publication conjointe, intitulée ’Stratégies pour la prise en charge des besoins relatifs au VIH   des réfugiés et populations hôtes’, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HRC) et l’Onusida   soulignent que l’inaccessibilité des réfugiés aux services VIH  /SIDA   "affecte l’efficacité des programmes de prévention et de soins menés auprès des populations des pays hôtes".

"Sachant que les populations réfugiées restent actuellement en moyenne 17 années dans leur pays d’accueil, les conséquences sont sérieuses tant pour les réfugiés et que les populations hôtes", explique le document.

Proposer des traitements antituberculeux - une disposition systématique - ou des thérapies antirétrovirales (ARV  ) dans un contexte d’urgence humanitaire présente à la fois des points communs et des différences.

"Le diagnostic du VIH   et le suivi du patient séropositif sont très complexes. Contrairement à un traitement antituberculeux, la thérapie ARV   est un traitement à vie, qui coûte très cher", a expliqué Paul Spiegel, responsable du programme VIH  /SIDA   pour le HCR, dans une étude qui a permis d’aborder la question du VIH  /SIDA   et des populations vulnérables sous un angle nouveau.

Avant d’envisager de mettre en place des programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant ou de distribution d’ARV  , il est important de proposer des services de base, comme le traitement des infections sexuellement transmissibles, la distribution de préservatifs et des programmes de sensibilisation au VIH  /SIDA  , a-t-il rappelé.

"Bien que tout le monde ait le droit d’accéder à un traitement, cela ne signifie pas qu’une personne séropositive doit débuter systématiquement une thérapie ARV  ", a déclaré M. Kapila, représentant spécial de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour le VIH  /SIDA  .

"Il faut adapter les interventions aux populations visées", a-t-il dit.

Proposer des services VIH  /SIDA   aux populations vulnérables présente des avantages en terme de développement. Les camps de réfugiés sont généralement éloignés des villes où sont menés les programmes de sensibilisation.

"L’amélioration des interventions sur le VIH  /SIDA  , de façon globale, pour les réfugiés et les populations d’accueil environnantes améliorera sans aucun doute les services pour les deux communautés", a noté M. Spiegel dans son étude intitulée ’Le VIH  /SIDA   au sein des populations de victimes de conflits et des populations déplacées’.

Les réfugiés et les familles déplacées sont sensibilisés au VIH  /SIDA   pendant des années. Ainsi, lorsqu’ils sont rapatriés, ils ont entre les mains des outils qui peuvent servir éventuellement à modifier les comportements.

"Les conflits et les catastrophes permettent d’établir de nouveaux modèles et modes de penser", a affirmé M. Kapila.

Cependant, proposer des médicaments ARV   aux populations victimes de conflits pose de graves problèmes à la fois sur le plan de l’éthique et de la sécurité.

En effet, lorsque le conflit prend fin, les populations sont souvent rapatriées dans des pays où les hôpitaux ont été pillés ou détruits, et où les gouvernements ne sont pas en mesure de proposer des services sociaux de base.

En conséquence, les personnes séropositives rapatriées sont obligées d’interrompre leur traitement et développent des résistances aux médicaments.

Une des solutions consisterait à proposer des protocoles de traitement simplifiés et des programmes communautaires de distribution d’ARV  , mais soutenir les programmes nationaux de lutte contre le VIH  /SIDA   et encourager l’intégration à plus long terme des populations rapatriées posent encore problème.

"Les pays hôtes, les organismes humanitaires et de développement et les donateurs doivent continuer à rechercher des solutions qui tiennent compte du caractère transfrontière de l’épidémie de sida  ", a souligné l’étude conjointe de l’Onusida   et de l’Unicef.

Cependant, les besoins des populations vulnérables ne pourront être couverts que si l’un des bailleurs consent à faire un important effort financier.

"Nous, qu’il s’agisse des agences des Nations unies, des ONG et des personnes travaillant dans des contextes d’urgence, devons parler d’une seule et même voix et encourager, avec l’aide des bailleurs de fonds, la distribution d’ARV   de manière appropriée et durable", a affirmé Laurie Bruns, coordinatrice régionale du HCR pour le VIH  /SIDA   en Afrique australe.

"Les objectifs internationaux d’accès universel aux traitements ARV   ne pourront être atteints tant que les populations victimes de conflits et les personnes déplacées ne sont pas prises en charge", a-t-elle conclu.

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