CÔTE D’IVOIRE : Un livre sur le sida, la mort et le rejet pour les ’moins de 11 ans’

Fatou KEITA consacre son talent à la lutte contre le sida

Publié le 10 mars 2005 sur OSIBouaké.org

ABIDJAN, 10 mars 2005 (PLUSNEWS) - Le sida   est sûrement le dernier thème qui vient en tête quand on s’apprête à écrire un livre pour enfants. Mais pour Fatou Keita, dont le dernier ouvrage, ’Un arbre pour Lollie’, raconte l’histoire d’une fillette infectée par le virus, il n’y a rien d’étrange à cela.

"Je n’ai pas inventé le sida  ", a dit Keita. "Les enfants sont tout le temps confrontés à ce sujet. Ils entendent les grandes personnes en parler, ils regardent les séries télévisées et les spots publicitaires sur l’utilisation des préservatifs".

Fatou Keita, qui semble beaucoup plus jeune que les 48 ans qu’elle annonce, est une romancière très populaire en Côte d’Ivoire, spécialisée dans les livres pour enfants. ’Un arbre pour Lollie’ est son onzième livre et sa couverture colorée, joyeuse, tranche avec la gravité du sujet abordé : le rejet.

Lollie, un nom créé de toutes pièces pour qu’aucune personne réelle ne puisse se reconnaître, est une maigrelette fillette africaine qui vient d’intégrer une nouvelle école.

Très rapidement, tous les élèves l’apprécient...jusqu’à ce qu’ils découvrent qu’elle a le sida  . Ses deux nouvelles amies sont tellement terrifiées qu’elles se dépêchent de rentrer chez elles pour prendre une douche. Lollie devient une paria.

La peur que Lollie les contamine se dissipe quand leur professeur invite deux gentils médecins qui donneront aux enfants quelques notions élémentaires sur la pandémie.

Les élèves comprennent alors que ceux qui vivent avec le sida   "ne sont pas des monstres qui font des choses stupides", comme le raconte la narratrice, une fillette du nom d’Aicha.

Le premier livre pour enfants qu’a écrit Fatou Keita relate l’histoire d’un petit garçon à la peau bleue qui vit dans un village africain. A la fin du livre, après l’avoir rejeté avec cruauté pendant des mois, les villageois se sont tellement habitués à son étrange couleur de peau qu’ils ne la voient même plus.

L’auteur a réservé à Lollie un destin plus tragique. La fillette meurt. Mais d’une voix douce Fatou Keita explique que ce n’est pas une fin si triste.

"Les enfants plantent un beau flamboyant en sa mémoire", a-t-elle dit. "La mort est aussi un thème que je voulais aborder", a -t-elle ajouté. "Avec ce livre, je fais d’une pierre deux coups".

Elle parle de la mort, du sida   mais un sujet tout aussi sensible est occulté : la sexualité. Keita aurait pu obtenir un financement des Nations Unies si elle avait, au moins, évoqué les contraceptifs. Mais elle ne l’a pas fait.

"J’ai eu des discussions avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), mais la procédure pour obtenir un financement me paraissait si longue que j’ai finalement laissé tomber", a dit Keita.

"Pire encore, ils voulaient que j’écrive quelques lignes sur la sexualité et l’usage des préservatifs. ’Un arbre pour Lollie’ est destiné aux enfants de six à 11 ans : je ne voulais pas parler de sexe dans ce livre. Je n’en ai pas eu envie".

La Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus affectés par l’épidémie de VIH  /SIDA   en Afrique de l’Ouest. Selon les statistiques de l’Onusida  , sept pour cent des 16 millions d’habitants sont porteurs du virus. De source officielle, le taux de prévalence atteint 9,5 pour cent de la population, mais les travailleurs sanitaires craignent que ce chiffre ne reflète pas la réalité, beaucoup plus grave dans ce pays coupé en deux depuis deux ans.

"C’est dramatique", a dit Keita. "Je me demande souvent si les gens se rendent compte que nous allons droit vers une catastrophe ".

Keita écrit des livres parce que c’est sa passion, a-t-elle dit. Mais parce que ça ne rapporte pas suffisamment pour pouvoir en vivre, elle est chef du département d’anglais de l’Université de Cocody, un campus situé en plein coeur de la capitale économique Abidjan.

Le marché des livres pour enfants en Côte d’Ivoire se porte bien, comparé aux voisins francophones, moins riches. La demande pour de tels ouvrages dépasse les ventes de livres pour adultes, ceux sur la religion mis à part. La plupart des livres de Keita a été tirée entre 5 000 et 10 000 exemplaires et beaucoup sont aujourd’hui épuisés.

Keita a dit que ’Un arbre pour Lollie’ a été salué par les membres du festival littéraire Etonnants voyageurs qui s’est tenu le mois dernier à Bamako, au Mali.

"Tous les parents sont préoccupés par le sida  . Personne n’aimerait que son enfant l’attrape. Ce livre leur offre une opportunité d’en parler avec eux", a-t-elle dit. "De toute façon, ça reste une belle histoire".

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