Paludisme, rougeole ou choléra : des épidémies plus meurtrières que le Covid-19 sévissent aujourd’hui en Afrique

Le continent doit faire face à plusieurs défis sanitaires en même temps, ralentis par la lutte contre le coronavirus.

Publié le 21 mai 2020 sur OSIBouaké.org

Le Monde, le 20 mai 2020 - De nombreux pays d’Afrique subsaharienne, de par leurs climats tropicaux et la fragilité de leurs infrastructures médicales, connaissent des épisodes épidémiques réguliers : une situation sanitaire délicate aggravée par la propagation du coronavirus, mais à laquelle les spécialistes du continent savent adapter leur réponse.

Le paludisme continue de faire des ravages sur la quasi-totalité du continent. La tuberculose et le VIH   sont particulièrement prévalents en Afrique australe ; la typhoïde, la rougeole ou le choléra sont endémiques dans de nombreuses régions ; et « la ceinture de la méningite » s’étend du Sénégal jusqu’en Ethiopie.

Certains pays, comme la République démocratique du Congo (RDC) ou le Nigeria sont particulièrement exposés et font face actuellement à plusieurs épidémies graves sur leur sol sans même tenir compte du coronavirus. A leur climat chaud et humide propice au développement de maladies s’ajoutent des facteurs aggravants : la négligence des autorités envers leur système de santé, une forte pression démographique, une urbanisation accélérée et les changements climatiques.

La fièvre hémorragique de Lassa a fait cette près de 200 morts au Nigeria cette année pour quelque 5 000 cas suspectés : des chiffres qui ne cessent d’augmenter d’année en année. En RDC, Ebola a tué près de 3 000 personnes dans l’est du pays depuis sa déclaration officielle le 1er août 2018. Depuis janvier 2019, plus de 6 600 enfants sont morts de la rougeole dans ce même pays, et rien que cette année plus de 50 000 cas ont été recensés, selon Médecins sans frontières (MSF  ).

« Dur choix »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS  ) et de nombreuses ONG craignent que l’arrivée du coronavirus sur le continent vienne perturber l’acheminement de l’aide médicale, du personnel ou les distributions de moustiquaires imprégnées.

L’ONU   a annoncé la semaine dernière que le nombre de morts du sida   en Afrique australe pourrait d’ailleurs doubler pendant la pandémie, passant de 470 000 à près d’un million de victimes, si la crise actuelle entravait l’accès aux traitements anti-rétroviraux.

Les campagnes de vaccination souffrent également de cette nouvelle fragilisation des systèmes de santé, jusque dans les zones d’habitude plutôt épargnées, mais qui peuvent être rapidement des foyers très importants de contamination.

A Lagos par exemple, mégalopole économique du Nigeria de 20 millions d’habitants, les taux d’immunisation frôlent les 90 % de la population, grâce aux campagnes de vaccination massives. « Mais de nombreux hôpitaux ont fermé ou les gens ont désormais peur de s’y rendre à cause du Covid-19   », note le docteur Anisur Rahman Siddique, responsable des programmes d’immunisation pour l’Unicef au Nigeria.

« Nous restons très vigilants », notamment aux foyers potentiels de rougeole, explique-t-il dans une interview à l’AFP.

De nombreux dirigeants sur le continent se sont également inquiétés que l’accent soit « mis entièrement sur le Covid-19   ». Un député angolais a demandé au gouvernement « d’améliorer l’assainissement de base, des actions de fumigation » dans les quartiers pour continuer la lutte contre le paludisme.

Au Niger aussi, le ministre de la santé, Illiassou Maïnassara, a promis la distribution de 8 millions de moustiquaires et que 4,2 millions d’enfants bénéficieront d’un traitement préventif cette année.

Le Nigeria, l’un des derniers pays au monde à avoir présenté des cas de poliomyélite sauvage ces dernières années avec l’Afghanistan et le Pakistan, devait être certifié « polio free » en juin.

Mais 2 500 personnels de l’OMS   et de ses partenaires au Nigeria, bien qu’ils conservent les activités de surveillance de la polio, ont dû faire le « dur choix » d’arrêter les campagnes de vaccination en porte à porte, déjà mises à mal par le passé par la situation sécuritaire.

« Notre quotidien »

Néanmoins, grâce à leur réseau établi sur tout le territoire et aux laboratoires spécialisés, ils participent désormais à la traçabilité du coronavirus dans les zones reculées, des personnes contacts, et au dépistage.

Dans ces régions régulièrement confrontées aux épidémies, les mécanismes de protection des populations et les équipes sont déjà bien en place, ce qui représente une force importante et rapide de réponse. L’est du Congo, par exemple, enregistrait une vingtaine de cas de coronavirus à la mi-mai, mais sa propagation semble ralentie, notamment dans les Kivu, depuis le début de l’épidémie.

« La riposte contre le Covid-19   à l’est de la RDC semble avoir porté ses fruits (…). L’expérience puisée contre Ebola y est pour beaucoup », pouvait-on lire dans un rapport de conseil des ministres congolais début mai.

Pour le professeur Christian Happi, directeur de l’Institut pour les maladies infectieuses à Redeemer’s University à Osogbo, dans le sud-ouest du Nigeria, le coronavirus, c’est le « train-train habituel ». L’Afrique subsaharienne dispose de peu de technologies ou de ressources financières, « mais le personnel médical est habitué, on connaît les gestes barrières, il y a moins de panique », affirme l’épidémiologiste. « Le continent fait preuve de résilience dans sa bataille contre le Covid-19  , conclue le professeur Happi. Malheureusement, les épidémies font déjà partie de notre quotidien. »

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