Plus de 2 300 cas de trisomie 21 tous les ans

L’INVS publie un dossier inédit sur les malformations congénitales et anomalies chromosomiques

Publié le 18 avril 2014 sur OSIBouaké.org

Libération - Eric Favereau - 14 avril 2014 -

« On doit le savoir, c’est une information qui me paraît relever de la démocratie sanitaire », explique la chercheuse Véronique Goulet, de l’Institut de veille sanitaire (INVS), qui vient de publier un article sur « le nombre de nouveau-nés ou de fœtus porteurs d’anomalies congénitales » en France. Combien sont-ils ? Est-ce que les chiffres évoluent ? Y a-t-il des différences selon les régions ? Personne, jusqu’à présent, ne savait répondre à ces questions. C’est la première fois que l’INVS publie un dossier complet sur la question, avec des données inédites.

Chaque année, il y a environ 20 000 nouveau-nés vivants porteurs d’anomalies génétiques ou chromosomiques, auxquels il faut ajouter 400 morts-nés et 7 000 interruptions médicales de grossesse. La prévalence totale des nouveau-nés ou fœtus porteurs d’anomalies congénitales en France est ainsi estimée à 3,3 cas pour 1 000 naissances, soit environ 27 000 cas par an.

Dépistage. Parmi ces anomalies, c’est la trisomie 21 qui domine, avec 2 370 cas. Mais on enregistre seulement 530 nouveau-nés vivants porteurs de ce handicap  . Cela en raison d’un dépistage prénatal systématique, avec un test sérique accompagné de mesures échographiques dès le premier trimestre de la grossesse, « dispositif proposé à toute femme enceinte, quel que soit son âge ».

Vingt autres anomalies congénitales ont été sélectionnées « sur des critères de gravité, de fréquence et de prise en charge », avec l’idée d’une possible prévention ou d’un dépistage. Sont concernés : les hypospadias (qui se manifeste par l’ouverture de l’urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité : 1 700 cas), les fentes labiales et palatines (dont le bec-de-lièvre, 1 300 cas), les malformations du tube neural, une partie du système nerveux (520 cas d’anencéphalie, une atteinte grave du cerveau, et 510 cas de spina bifida) et les malformations cardiaques (400 cas de transposition des gros vaisseaux, 330 hypoplasies du ventricule gauche et 280 cas de tétralogie de Fallot). Des surprises ? « Non, ce sont des données qui correspondent à ce que nous attendions, elles sont similaires aux autres pays occidentaux », remarque Véronique Goulet.

Registres. Comment ces résultats ont-ils été obtenus ? Il existe en France sept registres de périnatalité : en Alsace, aux Antilles, en Auvergne, en Bretagne, à Paris, à la Réunion et en Rhône-Alpes. Ils couvrent près d’une naissance sur quatre. Ces registres sont apparus, pour la plupart, à la fin des années 60, en réponse à l’épidémie causée par le Thalidomide, un médicament prescrit aux femmes enceintes et à l’origine de malformations graves entre 1958 et 1962.

Depuis, les autorités sanitaires ont voulu se donner des outils pour détecter au plus tôt des phénomènes similaires, qu’ils soient liés à des médicaments, à la pollution ou à un mode de vie. « Ces registres régionaux coûtent cher et demandent beaucoup de temps », analyse Véronique Goulet. C’est pourquoi il n’y en a que sept. Toutes les données ont d’abord été rassemblées, avant de donner lieu à une projection au niveau national.

« Ce qui nous a poussés à entreprendre ce travail, c’est que ces données sont publiques », insiste la chercheuse, avant d’ajouter : « Ces projections nous paraissent fiables, car nos extrapolations se font à partir d’un quart des naissances. » Y a-t-il des éléments étonnants ? « Il n’y a pas de variation significative selon les régions, sauf peut-être sur la trisomie 21 en Ile-de-France. Mais on explique aisément cette prévalence plus forte dans la mesure où les Franciliennes font des enfants plus tard. Or l’âge de la mère est un facteur clair de risque. » Et y a-t-il une évolution ? « C’est difficile à dire, poursuit la chercheuse, car si on laisse de côté la trisomie 21, les autres anomalies sont rares. »

Si la France semble être dans la moyenne européenne, reste une interrogation : pourquoi y a-t-il davantage de cas d’anencéphalie à la Réunion ? « Aux Antilles, nous sommes vigilants sur les pesticides, en particulier le chlordécone, qui ont pu engendrer des cas plus importants de malformations. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas. »

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