Procès Firmin Mahé : pas de prison ferme pour les militaires

Le dossier de Libération sur le procès

Publié le 9 décembre 2012 sur OSIBouaké.org

Libération - 7 décembre 2012 -

Les proches et parents de Firmin Mahé, le 4 décembre au palais de justice de Paris. (Photo Francois Guillot. AFP)

Trois des quatre militaires français jugés pour le meurtre du criminel ivoirien présumé Firmin Mahé ont été condamnés à de la prison avec sursis. Un autre a été acquitté.

La cour d’assises de Paris a prononcé ce vendredi un acquittement et trois peines de prison avec sursis au procès des quatre militaires français jugés pour le meurtre en 2005 d’un criminel ivoirien présumé, Firmin Mahé.

Le colonel Eric Burgaud, qui avait transmis l’ordre de tuer Mahé, est condamné à cinq ans avec sursis, l’adjudant-chef Guy Raugel, qui l’a étouffé avec un sac plastique, à quatre ans avec sursis, le brigadier-chef Johannes Schnier, qui le maintenait, à un an avec sursis. Le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule blindé où se sont déroulés les faits, a été acquitté.

Le prononcé du verdict a été accueilli par des cris de protestation des Ivoiriens présents dans la salle. « Scandaleux », « honte à la France », ont-ils lancé. Ces condamnations sont inférieures aux réquisitions prises la veille par l’avocate générale, qui avait demandé respectivement cinq ans ferme, cinq ans dont trois ferme, deux à trois ans avec sursis et six mois avec sursis. Les réquisitions étaient néanmoins bien inférieures au maximum encouru pour un tel crime, soit 30 ans de réclusion, au vu du caractère « extraordinaire » de cette affaire impliquant des militaires.

La cour a estimé que leur geste avait « gravement porté atteinte aux valeurs de la République », mais considéré que la « situation exceptionnelle » qui prévalait dans la région ivoirienne qu’ils étaient chargés de surveiller était « de nature à atténuer leur responsabilité ».

Dans leurs dernières déclarations vendredi matin, les accusés avaient demandé à la cour clémence et compréhension pour « les difficultés rencontrées sur le terrain ».

(AFP)


Le procès pour le meurtre de Firmin Mahé à l’heure des réquisitions

Libération - 6 décembre 2012 - AFP -

Des peines de prison de cinq ans ferme à six mois avec sursis ont été requises jeudi à l’encontre des quatre anciens militaires français jugés par la cour d’assises de Paris pour le meurtre en 2005 de l’Ivoirien Firmin Mahé.

L’avocate générale, Annie Grenier, a demandé 5 ans ferme contre le colonel Eric Burgaud qui a transmis l’ordre de tuer Mahé, 5 ans dont 3 ferme contre l’adjudant-chef Guy Raugel qui l’a étouffé avec un sac plastique, 2 à 3 ans avec sursis contre le brigadier-chef Johannes Schnier qui le maintenait, et 6 mois avec sursis contre le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule blindé où se sont déroulés les faits.

Pour elle, il s’agit d’un « meurtre commis de sang froid par des militaires » qui étaient « là pour protéger les populations ». Elle a souligné la « responsabilité extrêmement lourde de la hiérarchie », tout en rappelant que « le devoir d’un militaire, c’est de refuser d’exécuter un ordre illégal ».

Mahé, 29 ans, était considéré par les militaires français comme un « coupeur de route », un bandit terrorisant les populations dans la « zone de confiance » qu’ils étaient chargés de surveiller, dans un pays coupé en deux par une guerre civile.

Les accusés appartenaient à la force Licorne, déployée en soutien de l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). La famille de la victime, dont trois membres sont venus au procès en tant que partie civile, affirme qu’il n’était pas un criminel.

Les débats, entamés le 27 novembre, n’ont pas permis de trancher ce point, mais l’avocate générale elle-même s’est rangée à ce propos du côté des militaires. « Je pense effectivement que c’était un individu dangereux, un criminel », a déclaré Annie Grenier dans son réquisitoire.

Les plaidoiries de la défense sont prévues jeudi après-midi, le verdict est attendu vendredi.


Affaire Firmin Mahé : le général Poncet nie toute responsabilité

Libération - 5 décembre 2012 - Par Thomas Hofnung -

A la barre, le colonel Burgaud et trois autres soldats doivent répondre d’un crime commis en 2005. Ils affirment en avoir reçu l’ordre en haut lieu.

Parole contre parole. La confrontation entre le colonel Eric Burgaud et son ancien commandant, le général Henri Poncet, était attendue comme le moment clé du procès de l’affaire Firmin Mahé. Depuis une semaine, quatre anciens militaires français - dont le colonel Burgaud - comparaissent devant la Cour d’assises de Paris, où ils doivent répondre du meurtre de cet Ivoirien, étouffé avec un sac plastique dans un véhicule blindé français le 13 mai 2005 sur la route de Man (ouest de la Côte d’Ivoire).

Ordre illégal

La semaine dernière, le colonel Burgaud - qui commandait à l’époque les forces d’interposition françaises déployées dans cette zone - avait reconnu avoir donné l’ordre à l’adjudant Raugel de liquider Firmin Mahé, considéré comme l’auteur de plusieurs meurtres et viols dans la « zone de confiance » séparant le Nord aux mains des rebelles du Sud contrôlé par les troupes loyalistes. Mais le haut gradé avait aussitôt précisé avoir répercuté un « ordre illégal » transmis - selon lui - par son supérieur hiérarchique, le général Poncet.

Ce mardi, l’ancien patron de la force Licorne (2004-2005) en Côte d’Ivoire a campé sur sa position : il a maintenu n’avoir jamais donné un tel ordre, imputant la décision de supprimer Mahé à un « décrochage moral » du colonel Burgaud. Henri Poncet a détaillé les facteurs sous-tendant ce type de « décrochage » : « excès d’estime de soi et d’empathie pour les populations, la rencontre avec la mort » sur le terrain... « Quand on n’est pas totalement préparé, cela peut faire des dégâts », a-t-il dit.

Totale responsabilité

La réponse de Burgaud a été cinglante :« Je ne savais pas avoir été commandé par un psychiatre, je pensais avoir été commandé par un chef, je m’aperçois que ce n’est pas le cas. J’affirme devant vous que le général Poncet ici présent m’a bien donné l’ordre dont j’assume la totale responsabilité de l’avoir transmis, moi, mais pas cet homme-là. » Durant l’instruction, le général Poncet, ancien patron des forces spéciales, a été un temps mis en examen pour « complicité d’homicide volontaire » avant de bénéficier d’un non-lieu. Mardi, devant la Cour, il a assuré que Mahé l’intéressait « vivant » afin d’obtenir du « renseignement » et de solliciter l’aide de l’ONU   pour restaurer un semblant d’état de droit dans la zone de confiance, où les soldats français tentaient seuls d’enrayer la violence.

Pourquoi a-t-il décidé de « couvrir » le meurtre de Mahé, dont il dit avoir pris connaissance au lendemain des faits ? « Pour ne pas ajouter la crise à la crise », répond-il, expliquant craindre une exploitation politique de la part du camp de l’ancien président Laurent Gbagbo contre les intérêts français. Le général Poncet a récolté un blâme de la part du ministère de la Défense (la sanction disciplinaire la plus élevée) et a été poussé vers la sortie des armées. « J’ai pris mes responsabilités, les sanctions sont normales », a-t-il conclu, sans avoir été mis véritablement en difficulté lors de cette audience.

Un supérieur « pousse au crime »

Lui succédant à la barre du tribunal, son ancien adjoint en Côte d’Ivoire, le général Malaussène, n’a pas mâché ses mot. Il s’est livré à un virulent réquisitoire contre Henri Poncet, qualifié de « colérique », d’« impulsif » et de « pousse au crime ». Il a surtout réaffirmé devant la Cour sa conviction que l’ordre de liquider Mahé avait bel et bien été donné par Poncet au colonel Burgaud. Mais, selon l’ancien numéro deux de la force Licorne, Poncet serait « protégé » en haut lieu. Renaud de Malaussène, dont les relations avec le général Poncet étaient notoirement mauvaises à Abidjan, assure ainsi que l’enquête interne de l’armée - qui a précédé en octobre 2005 l’enquête judiciaire - a escamoté son témoignage : il aurait évoqué alors « l’ordre implicite » donné par Poncet au colonel Burgaud. Une information occultée dans les conclusions de l’enquête interne. Le général Malaussène s’est ensuite tourné vers les jurés, implorant leur indulgence vis-à-vis des soldats impliqués dans le meurtre de Mahé : « Ils n’ont jamais tué d’innocents, ils n’ont fait que protéger des innocents. »

Entendue en toute fin de journée, la ministre de la Défense à l’époque des faits, Michèle Alliot-Marie, a quant à elle dénoncé des « faits inacceptables, contraires à la loi et à l’éthique des armées. » Tout en évoquant des « circonstances particulières » : l’absence de toute autorité politique dans la zone de confiance, l’impunité des coupeurs de routes et la sollicitation par la population de la protection des soldats français. Le verdict est attendu le 7 décembre au soir.


L’honneur perdu d’un colonel

Libération - 5 décembre 2012 - Par Thomas Hofnung et Violette Lazard -

Jugé aux Assises de Paris pour le meurtre de l’Ivoirien Firmin Mahé en Côte-d’Ivoire, en 2005, Eric Burgaud assume sa responsabilité mais dénonce sa hiérarchie. Verdict demain.

Droit dans son costume sombre, le colonel Eric Burgaud s’avance devant la cour d’assises de Paris, où il est jugé depuis le 27 novembre pour le meurtre de Firmin Mahé, un « coupeur de routes » achevé dans un blindé français en Côte-d’Ivoire en mai 2005. « Je n’ai pas toujours fait preuve de dignité dans cette affaire », débute-t-il, d’une voix douce, presque timide. A 50 ans, cet ancien officier dans les chasseurs alpins, issu de la prestigieuse école de Saint-Cyr, a décidé de tout dire. Pour sauver ce qui peut l’être. A commencer par son honneur perdu.

Devant le tribunal, il « assume avoir donné un ordre illégal ». Celui d’ôter la vie à un homme accusé par les militaires de l’opération Licorne de terroriser la population à coups de meurtres et de viols dans l’ouest de la Côte-d’Ivoire, la zone la plus troublée du pays alors en pleine guerre civile. Un ordre qu’il dit avoir reçu de son supérieur hiérarchique, le général Henri Poncet, lequel dément catégoriquement. Burgaud assume aussi, « et c’est le plus dur, précise-t-il, avoir été lâche ». Car, durant de longs mois, le colonel, qui a quitté l’armée en 2008, n’a rien dit. Puis, quand l’affaire a éclaté au grand jour, cinq mois après les faits, suite aux rumeurs circulant dans l’armée, l’officier supérieur a d’abord nié, pendant que l’exécutant du crime, l’adjudant-chef Guy Raugel, passait aux aveux avant d’être incarcéré. « L’officier que j’étais a été tué en trois jours, dit Eric Burgaud. Il restait l’homme, le père de famille, de deux enfants. J’avais peur, peur d’aller en prison, peur que la famille que j’avais parte avec tout ça. »

Derrière lui, assis à une petite table, l’adjudant-chef Raugel attendait ce moment depuis longtemps. Tout comme les deux autres prévenus : le brigadier-chef Johannes Schnier - qui a maintenu Firmin Mahé, blessé et alors inconscient, tandis que l’adjudant-chef lui mettait un sac sur la tête pour l’étouffer -, et le chauffeur du véhicule blindé léger, Lianrifou ben Youssouf. Tous ont depuis quitté l’uniforme.

« On ne juge pas ses chefs »

Le 29 novembre, devant la cour, l’adjudant Raugel, cheveux ras, bras croisés, avait lancé d’une voix ferme : « Je me suis dit que ça aurait plus de gueule si on venait, tous debout, et qu’on dise tous : "Voilà, on l’a fait, et voilà pourquoi on l’a fait." » Durant des heures, le même Raugel a tenté d’expliquer comment il en est arrivé là, lui, le soldat « dans l’âme », unanimement loué par ses subordonnés pour ses qualités de chef, et très bien noté par ses supérieurs. D’abord, a-t-il dit, parce qu’il n’a pas pu désobéir à un ordre. Il aurait pu, reconnaît-il. « Mais on ne juge pas ses chefs, pas chez nous. Quand on reçoit un ordre, la réponse est "reçu". » Pour lui, Eric Burgaud n’était pas qu’un simple chef, mais un guide qu’il aurait pu « suivre jusqu’en enfer, il suffisait qu’il [lui] montre la route ».

Le 13 mai 2005, en fin de journée, quand il reçoit l’ordre du colonel de se débarrasser du « coupeur de routes » (bandit de grands chemins) Firmin Mahé, l’adjudant-chef Raugel ne demande pas pourquoi. « Je savais qu’en remplissant cette mission, je pouvais sauver des vies », insiste-t-il. Mais il se demande comment. « La méthode, c’est la seule initiative que j’ai prise. Le colonel Burgaud m’a suggéré de simuler une tentative d’évasion pour lui tirer dessus », poursuit Raugel - ce que le colonel n’a jamais confirmé. Mais, précise l’ancien adjudant, « c’était impossible, Mahé était inconscient ». Activement recherché depuis des semaines par les forces françaises, il avait été blessé par des hommes de Licorne dans la matinée du 13 mai, alors qu’il tentait de s’enfuir. Avec l’accord du général Henri Poncet, le colonel Burgaud mobilisait alors un hélicoptère pour tenter de le retrouver. En fin de journée, le coupeur de routes était finalement repéré et embarqué par des soldats de Licorne.

Seul face à ses responsabilités dans le véhicule blindé, l’adjudant Raugel se débat avec l’ordre reçu de son colonel. Il imagine abattre son prisonnier avec son arme. Puis renonce, de peur de « blesser un de [ses] hommes » dans l’habitacle. Derrière le siège du conducteur, il aperçoit un sac-poubelle et décide de s’en saisir pour étouffer le prisonnier, à l’aide de ruban adhésif de déménageur. Arrivé à Man, la principale ville de l’Ouest ivoirien, Firmin Mahé est mort. L’adjudant Raugel est soulagé. Il s’en explique, montrant à la cour des clichés des victimes imputées à la « bande à Mahé » : une main aux doigts coupés, le cadavre d’une femme enceinte, d’autres corps mutilés.

Autant d’exactions commises en toute impunité dans la bien mal nommée « zone de confiance », qui séparait durant le conflit en Côte-d’Ivoire (2002-2011) le Nord, tombé aux mains des rebelles, du Sud, contrôlé par le régime du président Laurent Gbagbo. Sur place, face à des Casques bleus totalement passifs, la population locale implorait les soldats de la force Licorne de la protéger. Mais arrêtés et remis aux autorités de leur région d’origine, les coupeurs de route étaient souvent relâchés sans jugement.

Ce même soir du 13 mai, l’adjudant-chef Raugel a dîné à la table des officiers « pour la première et la dernière fois », sur invitation du colonel Burgaud, note-t-il, car « la mission était accomplie ». Le président Olivier Leurent le questionne : « L’ordre vous semblait donc légitime ? » « Vous avez vu les photos ? répond-il. J’étais soulagé que cet homme ne fasse jamais plus de victime […] Monsieur Raugel n’aurait pas fait ça le 13 mai. L’adjudant-chef Raugel avait reçu un ordre, il fallait faire quelque chose. Monsieur Raugel aurait dit stop, ça va trop loin… »

Ce 29 novembre, c’est au tour du colonel Burgaud de dire sa vérité devant la cour. Au début du procès, le président du tribunal a détaillé le parcours de cet officier promis à un avenir brillant. Celui d’un fils de bonne famille, catholique pratiquant, élevé dans les Yvelines au sein d’une fratrie très soudée, présente dans la salle du tribunal. Celui, aussi, d’un saint-cyrien qui, de l’avis de ses frères d’armes, avait « une très haute idée de son métier de militaire » et avait choisi les chasseurs alpins par amour pour la montagne. « C’était le dernier que j’aurais pu imaginer dans une telle situation, témoigne sous couvert d’anonymat un ancien camarade de promotion. Il était droit et respectueux, et même volontiers donneur de leçons. »

Son dossier militaire est un long catalogue d’appréciations toutes plus élogieuses les unes que les autres. Pourtant, c’est bien ce même homme qui a ordonné, en mai 2005, à l’adjudant-chef Raugel de se débarrasser de son encombrant prisonnier. « La journée du 13, c’est un combat de valeurs, dit Burgaud. Face à l’inacceptable, qu’est-ce que vous faites ? Il y a la légitimité, la légalité… Il fallait faire des choix, parce que toutes les valeurs ne vont pas ensemble. Eliminer Firmin Mahé, c’était la moins pire des solutions. Le confort, c’est de pouvoir choisir entre le bien et le mal. Ce n’est pas celui d’un soldat. »

Chef jusqu’au bout, le colonel Burgaud prévient le médecin de l’unité de l’adjudant-chef Raugel pour qu’il veille sur la santé morale des hommes impliqués dans le meurtre de Firmin Mahé. Ainsi que l’aumônier de la force Licorne.

Sept ans plus tard, le colonel Burgaud reconnaît les faits mais refuse d’endosser seul la responsabilité du donneur d’ordre. Il assure avoir répercuté la consigne délivrée par son supérieur hiérarchique, le général Henri Poncet. Prévenu de l’arrestation de Firmin Mahé, le patron de la force Licorne lui aurait transmis ce message : « Roulez doucement, vous m’avez compris. » N’aurait-il pas pu dire non au général Poncet, interroge le président de la cour. « Aujourd’hui je vous dirais oui, répond Burgaud. Mais vu les exactions qu’avaient commises Firmin Mahé, cet ordre était entendable. » Et peut-être même souhaité par un colonel pris entre les appels désespérés d’une partie de la population et les pressions de son commandant à Abidjan, le général Poncet.

Un goût du secret

Parachutiste de formation, ce dernier semble être l’exact opposé du colonel Burgaud. Au sein des armées, cet homme colérique est connu pour ses méthodes expéditives. Après plusieurs missions en Afrique, il a dirigé les très secrètes forces spéciales. En 1994, c’est lui qui a supervisé, en plein génocide, l’évacuation des Français au Rwanda. Décrié par certains pour son goût du secret et son mode de commandement - il s’appuie sur une poignée d’hommes entièrement dévoués -, il a longtemps été protégé par le chef d’état-major des armées de l’époque, le général Henri Bentégeat, qui l’a nommé chef de la force Licorne en juin 2004. En novembre de cette année-là, le général Poncet était à la manœuvre lors de la crise qui a suivi la mort de neuf hommes de Licorne dans le bombardement d’un campement à Bouaké par un avion ivoirien. Une réussite sur le plan strictement militaire : attaqués par les partisans de Gbagbo, 8 000 Français ont été évacués sains et saufs en quelques jours. Mais une soixantaine d’Ivoiriens ont trouvé la mort lors de ces événements.

Quand, en octobre 2005, l’affaire Mahé éclate, le général Poncet est mis sur la touche à Paris et subit un blâme (la plus haute sanction disciplinaire au sein des armées) de la part de sa hiérarchie pour avoir falsifié les comptes rendus sur les conditions du décès du « coupeur de routes ». « J’ai couvert parce que je ne voulais pas ajouter la crise à la crise », a-t-il expliqué devant la cour, le 4 décembre, craignant que le régime de Gbagbo n’exploite l’affaire pour faire à nouveau monter la pression sur la France. Entendu comme témoin lors du procès, il a démenti catégoriquement avoir transmis au colonel Burgaud l’ordre d’éliminer Mahé. Au début de l’instruction, Poncet avait pourtant été mis en examen pour « complicité d’homicide volontaire », avant de bénéficier d’un non-lieu. En l’absence d’ordre écrit, aucune charge n’a été retenue contre lui.

Reste le soupçon, alimenté par son ex-adjoint à Abidjan, le général Malaussène pour qui Poncet serait « protégé » en haut lieu. Interrogé sur les raisons qui ont pu conduire le colonel Burgaud à liquider Mahé, l’ex-patron de Licorne a évoqué un « décrochage moral » chez son subordonné, imputable à « un excès d’empathie [pour les populations locales, ndlr] » et au choc des exactions commises contre les civils. A la barre, le colonel Burgaud a alors répliqué : « Je ne savais pas avoir été commandé par un psychiatre, je pensais avoir été commandé par un chef, je m’aperçois que ce n’est pas le cas. J’affirme devant vous que le général Poncet ici présent m’a bien donné l’ordre dont j’assume la totale responsabilité de l’avoir transmis, moi, mais pas cet homme-là. » Quelques applaudissements ont fusé dans la salle du tribunal.

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