« Mystère Alexina », ou les pièges de l’assignation identitaire

En 1985, René Féret adapte au cinéma le « Journal d’Herculine Barbin »

Publié le 27 août 2012 sur OSIBouaké.org

OSI Bouaké - 25 août 2012 – SD -

De son premier film (« Histoire de Paul », 1975, Prix Jean Vigo) jusqu’au dernier (« Madame Solario », 2012), René Féret filme les errances de l’identité, ses fausses-trappes, ses double-fonds, ses richesses, ses pièges et sa complexité. Né dans le Pas-de-Calais, sur une terre à la fois façonnée par le social et le politique, lui-même enfant re-né (voir l’article « L’enfant de remplacement »), interné en asile psychiatrique après une tentative de suicide (sujet évoqué dans son premier film), il croise le chemin de Michel Foucault qui lui parle d’Herculine Barbin (ce que René Féret raconte en voix off de la bande annonce du film).

Cinéaste des perturbations de l’identité, ses films - fidèles à ce qui caractérise l’identité, agencement personnel à l’articulation du subjectif et du collectif – sont à la fois introspectifs et profondément ancrés dans le sociopolitique. C’est le cas du « Mystère Alexina » (1985, Sélection Officielle Cannes ‘Un certain regard’), tiré du journal d’Herculine Barbin, dont Michel Foucault avait exhumé la mémoire quelques années plus tôt (« Herculine Barbin dite Alexina B. », présenté par Michel Foucault, Gallimard, 1978).

Née hermaphrodite, Alexina a été élevée en femme, tombe amoureuse d’une autre jeune femme, et se trouvant prise au piège, choisit de devenir un homme, espérant ainsi être autorisée à vivre cet amour au grand jour. Féret filme subtilement la manière dont cette assignation au genre masculin a pour but de mettre fin au scandale moral que représente une relation amoureuse entre deux femmes, vivant dans un environnement fortement religieux. Ainsi la thèse qui sous-tend le film, fruit d’une lecture fine de cette histoire, tend à montrer que la normativité sociale qui conduit à l’assignation d’Alexina au genre masculin entre en contradiction avec le genre social féminin dans lequel elle a vécu ses vingt premières années, et produit une identité conflictuelle, invivable, inhabitable, conduisant la personne au suicide. Lecture sensible que nous ne pouvons que partager du journal d’Herculine Barbin (à télécharger ci-dessous).

L’intégralité de l’œuvre de René Féret est maintenant disponible en vidéo à la demande (en VOD sur Universciné). Du côté des thèmes qui concernent plus particulièrement OSI Bouaké, nous vous recommandons également « Comme une étoile dans la nuit » (2007), qui raconte l’histoire d’un jeune couple confronté à la maladie de Hodgkin.

Photo : Philippe Vuillemin dans le rôle d’Alexina

Pour aller plus loin :

  • Le site de René Féret
  • Son œuvre intégrale sur Universciné. Ne pas rater l’entretien vidéo passionnant que le cinéaste donne sur le site.
  • Actuellement sur les écrans : « Madame Solario », de René Féret, avec Marie Féret, Cyril Descours, Salomé Stévenin, Harry Lister Smith et Andrei Zayats. Sortie le 22 août 2012. Le site du film.
  • Le journal d’Herculine Barbin, à télécharger ci-dessous.

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