IST et VIH/SIDA : le point sur la situation sanitaire en Côte d’Ivoire

Publié le 4 octobre 2005 sur OSIBouaké.org

Le tableau n’est guère reluisant. Le système sanitaire ivoirien est à la recherche de son lustre d’antan. Il a été fortement dégradé, suite au déclenchement de la crise du 19 septembre 2002. Plus de 400 établissements sanitaires, selon le ministère d’Etat, ministère de la Santé et de la Population, ont été pillés et saccagé dans les zones sous contrôle des Forces nouvelles. Cette situation a provoqué la fuite du personnel de santé des zones ex-assiégées vers les zones gouvernementales. Occasionnant ainsi l’engorgement des structures d’accueil de ces zones. Ces trois années de crise ont eu un impact négatif sur le profil épidémiologique des populations et entraîné la résurgence des maladies à potentiel épidémique. Telles que la rougeole, la fièvre jaune, le choléra, la méningite, la Fièvre typhoïde... Et la prévalence des infections sexuellement transmissibles (IST) et du VIH  /SIDA  . Les menaces liées aux maladies telles la tuberculose, le paludisme, la poliomyélite, la grippe aviaire, l’ulcère de burili et l’asthme sont réelles. A cela s’ajoutent les infections respiratoires aigues, la malnutrition et les problèmes de santé de la mère et de l’enfant. Concernant les vaccinations, la non-organisation des journées nationales de vaccination (JNV) contre la polio en 2002, 2003 et leur partielle exécution, en 2004, sont à la base de l’augmentation des cas. Ainsi, entre décembre 2003 et juillet 2004, 17 cas de poliomyélite ont été détectés sur l’ensemble du territoire national.

Résurgence des malades épidémiologiques

Les maladies à potentiel épidémiologique ont refait surface, au début de la crise. Dans les différents districts sanitaires, les statistiques livrées par le ministère de la Santé révèlent que 7,4 % des enfants souffrent d’une malnutrition sévère avec une gravité particulière dans l’Ouest du pays. L’UNICEF a fait remarquer que la malnutrition sévit, durant ces trois années de crise, dans les zones contrôlées par l’ex-rébellion. Selon cette institution, en fin 2004, les résultats d’une enquête indiquent que le taux de prévalence, de la malnutrition aiguë des enfants de 0-59 mois est de 11,9 % dans les zones du Nord et 7,3 % au niveau national. La malnutrition chronique est de 20,8 % au niveau national contre 30,6 % dans l’Ouest. Quant à l’insuffisance pondérale (relative au poids des enfants), elle est de 30,1 % au nord. Et 17,2 % au niveau national. 36 formateurs des CHU d’Abidjan et des hôpitaux régionaux ont été formés à la prise en charge de la malnutrition sévère par l’UNICEF. 240 enfants malnutris sévères ont été traités dans les Centres de nutrition thérapeutique (CNT) et ACF à Zouan-Hounien avec l’appui en produits thérapeutiques et médicaments essentiels de l’organisation des Nations Unies pour l’enfance. Il est bon de noter que la rupture de la chaîne du froid, entraîné par les coupures d’électricité et l’absence de maintenance à la suite de la confusion des premiers jours de crise, a entraîné la perte d’un grand nombre de vaccins conservés en zone ex-assiégés. Le système de surveillance des maladies épidémiques a été abandonné. Les activités, dites de routine, assurant le suivi médical de base des enfants se sont interrompues. Ainsi, selon l’UNICEF, les évaluations de fin juin 2003, montrent que 1.300.000 enfants n’ont pas été vaccinés de façon régulière contre la tuberculose, la poliomyélite et le tétanos. Et ces enfants n’ont pas bénéficié de ‘’la supplémentation’’ en vitamine A. Ces facteurs ont dégradé la santé des populations des zones des Forces nouvelles avec, en prime, la recrudescence des maladies infectieuses, parasitaires et des épidémies de rougeole et de méningite.

Les taux des IST et VIH  /SIDA   en hausse

Les taux des Infections sexuellement transmissibles (IST) et VIH  /SIDA   sont en hausse. Une étude récente, menée par « Médecin sans frontière holland », a révélé que le taux des personnes infectées par les IST dans les zones Forces nouvelles, tourne autour de 30 %. Les taux de femmes violées, dans la zone de l’ex-rébellion et celle contrôlée par le gouvernement sont également en progression. La direction de la coordination du Programme de la santé de la reproduction et de planification a fait état de 123 cas de viols au sein des populations déplacées par la guerre, au premier semestre de cette année, et 6 cas à Yamoussoukro. Soit un total de 129 cas signalés, avec une fréquence de 21 cas de viol par mois. Quant à la prévalence au VIH  /SIDA  , elle s’est accrue. Et est de 7 % au Plan national, selon l’ONUSIDA   et l’OMS  . Une autre étude a révélé récemment que plus de 18 % des donneurs de sang à l’Ouest sont infectés par le VIH  /SIDA  . La Côte d’Ivoire compte 570 000 séropositifs dont 78 000 ont besoin de traitement Antirétroviraux (ARV  ). Pour avoir un impact sur le profil de l’épidémie, il faut en traiter la moitié. Soit 39000 séropositifs. D’ici fin 2005, le Fond global, le PEPFAR  , les ONG internationales et les Agences du système des Nations Unies entendent prendre en charge et mettre sous ARVS plus de 35 000 malades du Sida  . Soulignons que le nombre total de malades, sans Antirétroviraux, est passé de 2.105, en 2003, à 4.350 en 2004.

Besoins en personnel

La crise a accentué le besoin en personnel de santé en Côte d’Ivoire. Ce besoin est plus criant dans les zones ex-assiégées. A ce jour, ce manque est estimé à environ 4000 agents de santé dont 18 chirurgiens- dentistes, 290 médecins, 28 pharmaciens, 1131 infirmiers diplômés d’Etat, 640 sages femmes et 207 techniciens supérieur de santé. Avant la guerre, 3500 agents étaient en fonction dans les zones des Forces nouvelles. 2417 agents déplacés se sont faits enregistrer à la Direction des Ressources humaines du ministère d’Etat, ministère de la Santé et de la Population. Et 1220 Agents ont été redéployés dont 217 de façon définitive. Selon le ministère de la Santé 27 % du personnel de santé ont regagné leur poste. Le Comité national de pilotage de redéploiement de l’Administration (CNPRA) a enregistré 17000 hommes, en personnel de santé et enseignants, qui doivent être redéployés dans les zones Nord et Ouest.

Relance du système sanitaire ivoirien

Le système sanitaire pourra avoir un nouveau dynamisme. Et ce, grâce au projet de relance du système sanitaire, financé par l’Union européenne et exécuté par l’UNICEF. Le projet a démarré en octobre 2004. Il vise à réhabiliter les centres de santé (au centre, au nord et à l’ouest) du pays affectés par la crise. 31 centres de santé, de toutes tailles, (districts sanitaires, PMI)... ont été réhabilités, à ce jour. Grâce à ce programme, à en croire l’UNICEF, 86 % des centres de santé sont déjà fonctionnels et ouverts au public avec une accessibilité de 75 % aux populations situées à moins de 5 kilomètres (km)ou à une heure de marche. Pour faire face à l’insuffisance de personnel qualifié, le projet a formé et recyclé, depuis 2004, en matière de gestion des soins de santé primaire, des agents de santé : 41 jeunes médecins, 338 infirmiers et sages-femmes ; 769 aides-soignants ; 26 régisseurs de pharmacies, 312 agents de santé communautaires et 68 accoucheuses traditionnelles dans les 27 districts sanitaires du projet. Plus de 2000 kits, des lots de médicaments antipaludéens, antipyrétiques, antibiotiques et des moustiquaires imprégnées ont été distribués. Une deuxième phase de ce projet jugé « satisfaisant » par le ministère d’Etat, ministère de la Santé et de la Population, est en cours de négociation. Au cours de cette phase, il est prévu, entre autres, la réhabilitation physique d’au moins 52 structures sanitaires dégradés, y compris l’amélioration du système d’approvisionnement en eau et d’évacuation des déchets et le renforcement des activités de vaccination de routine. Malgré ce projet des Nations Unies, beaucoup reste à faire. Il faut retenir que le CHU de Bouaké, le CHR de Korhogo et de Man n’ont toujours pas reçu de budget de fonctionnement, depuis le retour de quelques médecins dans ces zones. Le Comité national de pilotage pour le redéploiement de l’Administration (CNPRA) n’a pas encore commencé à restaurer les établissements sanitaires détruits par la guerre au Nord.

Le Patriote No. 1798 du Mardi 27 Septembre 2005

imprimer

retour au site