Zimbabwe : Sur les grand-parents pèse la responsabilité des orphelins

Publié le 29 septembre 2005 sur OSIBouaké.org

HARARE, 29 septembre 2005 (PLUSNEWS) - Chaque matin, Ndanda Ncube se lève pour ses six petits-enfants : les tâches ménagères, la corvée de bois et la préparation du petit déjeuner sont les nouvelles responsabilités de ce monsieur de 80 ans, empêché par l’épidémie de VIH  /SIDA   de prendre sa retraite.

Parce qu’un nombre croissant d’enfants perd un ou ses parents à cause du sida  , la famille traditionnelle est débordée et ce sont les grand-parents qui en dernier recours s’occupent des orphelins, estimés à plus d’un million par les autorités.

A Emphandeni, dans le district de Mangwe à environ 150 kilomètres de Bulawayo, le désespoir se lit sur les visages des villageois.

“Ma fille aînée est morte du sida   en septembre 2002 ; deux de ses frères sont morts un peu plus tard cette année-là, me laissant d’un coup six orphelins à charge. Nous n’avions jamais pensé devoir nous occuper d’enfants à nos âges mais il n’y a rien d’autre à faire”, a dit M. Ncube à PlusNews.

C’est un combat que de nourrir et de scolariser les enfants dans un pays comme le Zimbabwe, frappé par une crise économique de grande ampleur depuis la décision du gouvernement de redistribuer les terres : le carburant et la nourriture sont rares et les ruptures d’approvisionnement fréquentes. Régulièrement, des périodes de sécheresse interrompent les récoltes et minent les recettes d’exportation du pays.

“Je suis vieux et las maintenant. C’est difficile pour moi d’aller au champ il faut donc que j’achète de quoi manger. Des fois, la situation devient si difficile que nous ne pouvons même pas acheter une mesure de bouillie de mais pour les enfants. Notre dernière fille est partie au Bostwana et elle nous a laissé son fils, Lyton”, a raconté M. Ncube.

“Les frais de scolarité sont aussi un problème majeur. J’ai vendu tout mon bétail pour qu’ils puissent au moins aller à l’école, mais je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir vendre la prochaine fois”, a-t-il dit.

Le docteur Neddy Matsalaga, auteur de l’ouvrage “Les grand-mères et la prise en charge des orphelins au Zimbabwe”, a reconnu que les grand-parents manquaient souvent des ressources nécessaires pour entretenir de telles familles.

“La plupart des communautés rurales du Zimbabwe dépend de l’agriculture de subsistance, qui exige beaucoup de travail de la part des adultes. Le principal défi auquel ces foyers doivent faire face c’est justement l’absence de main d’oeuvre pour produire de quoi manger”, a expliqué le docteur Matsalaga.

Mais des experts ont révélé que ces foyers, s’ils étaient aidés correctement, pouvaient être une bonne alternative pour la prise en charge des orphelins et des enfants vulnérables.

“Je pense que ’le phénomène des grand-mères’ est dominant pour le moment en Afrique de l’est et australe. Il est issu d’arrangements légitimes entre membres de famille étendue et, d’une façon générale, les enfants, liés à l’un ou à l’autre, sont heureux ainsi”, a dit Stephen Lewis, l’envoyé spécial des Nations Unies pour le sida   en Afrique.

”Quand les enfants sont placés dans des communautés plus larges que le cercle familial, c’est souvent le résultat de solutions provisoires auxquelles les enfants ont dû mal à se faire”, a dit M. Lewis.

Le docteur Matsalaga partage le même sentiment : “Les foyers tenus par les grand-parents devraient être aidés parce que c’est une structure familiale légitime - les grand-parents sont les seuls adultes que ces enfants fréquentent. Il y a aussi une réciprocité dans la relation entre les enfants et les grand-parents, qui savent pouvoir compter sur les petits”, a-t-il observé.

M. Ncube a dit néanmoins craindre le futur de ses petits-enfants, quand il ne sera plus là pour s’occuper d’eux. “Je suis vieux et je m’en irai bientôt. Qui va prendre soin des enfants, les nourrir ? Les temps sont durs, personne ne va vouloir s’occuper des enfants des autres.”

Une étude menée dans deux districts du pays en 2000 a montré que M. Ncube est loin d’être le seul grand-père dans cette situation : au moins les deux-tiers des foyers qui ont perdu une femme clé dans l’organisation familiale se sont désintégrés puis dispersés ; les chances de survie des enfants se sont dramatiquement réduites tandis que les stratégies qu’ils trouvent pour continuer à grandir mettent bien souvent leur vie en danger.

Rubem Musarandega, de la Société de protection des enfants du Zimbabwe, n’a cessé d’appeler à plus d’aide et de soutien pour les foyers dirigés par les grand-parents, qui, dans l’incapacité d’aller au champ, font travailler les enfants plutôt que de les envoyer à l’école.

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