Des universités des États-Unis accaparent des terres en Afrique

Publié le 30 août 2011 sur OSIBouaké.org

Article de John Vidal et Claire Provost. The Guardian, mercredi 8 juin 2011 - Traduction Amis de la Terre - Des institutions comme les universités Harvard et Vanderbilt utilisent des hedge funds pour acheter des terres, ce qui pourrait chasser les paysans de leurs terres.

Une nouvelle étude montre que Harvard ainsi que d’autres grandes universités états-uniennes travaillent par l’intermédiaire d’un hedge fund britannique et de spéculateurs financiers européens à acheter ou louer de vastes étendues de terres agricole africaines, ce qui dans certains cas pourrait provoquer l’expulsion de milliers d’Africains.

Pour les auteurs de l’étude les investisseurs étrangers tirent profit de cet « accaparement des terres » qui n’apporte pas souvent de créations d’emplois, ni le développement promis, mais au contraire, peut entraîner des problèmes sociaux et écologiques dans les pays les plus pauvres de la planète.

Ce rapport sur les acquisitions de terres dans sept pays africains laisse entendre que Harvard, Vanderbilt et de nombreuses autres universités états-uniennes possédant des fonds de dotations importants, ont lourdement investi, ces dernières années, dans le foncier africain. Une bonne partie de cet argent passe par le canal de Emergent, entreprise londonienne de gestion de patrimoine, qui gère un des fonds d’acquisition de terres en Afrique les plus importants, dirigé précédemment par la banque d’affaires JP Morgan and Goldman Sachs.

Les chercheurs de l’ Oakland Institute, basé en Californie, pensent que les clients états-uniens d’Emergent ont investi jusqu’à 500 millions de dollars dans certaines des terres les plus fertiles, dans l’espoir d’obtenir des retours d’investissements de 25%.

Emergent a affirmé que les contrats sont passés de façon responsable. Un porte-parole nous dit : « Oui, des fonds de dotations des universités et des fonds de pension sont des investisseurs à long terme. Nous investissons dans l’agriculture africaine, établissons des entreprises et donnons de l’emploi aux gens. Nous le faisons de façon responsable. ( …) Les sommes sont importantes. Il peut s’agir de centaines de millions de dollars. Il n’y a pas d’accaparement de terre. Nous voulons augmenter la valeur des terres. Le fait d’être grand, nous permet d’avoir un impact et les économies d’échelle peuvent être plus productives ».

Jusqu’à maintenant, on avait pointé du doigt les Chinois et les pays du Moyen Orient comme étant les accapareurs de grandes étendues de terres dans les pays en voie de développement, afin de produire à bas prix de la nourriture pour leurs populations. En fait, l’Oakland Institute constate que derrière de nombreux contrats - et parmi les plus importants - on trouve des fonds occidentaux.

La compagnie qui gère les fonds d’investissements de Harvard a refusé tout commentaire. Un porte-parole a simplement dit : « C’est la politique de la compagnie de gestion de Harvard de ne discuter ni des investissements, ni des stratégies d’investissements. Je ne peux donc confirmer le rapport ». L’université de Vanderbilt a aussi refusé tout commentaire.

Pour l’Oakland Institute, les investisseurs surestiment les bénéfices des contrats pour les populations concernées. « Les compagnies ont réussi à créer un empilement complexe de compagnies et filiales, afin éviter le contrôle de faibles autorités de régulation ». Pour Anuradha Mittal, la directrice de l’Oakland Institute, « L’analyse des contrats révèle que la plupart d’entre eux ne fourniront que peu d’emplois et vont expulser des milliers de personnes de leurs terres ».

En Tanzanie, le gouvernement local et l’entreprise de développement agricole états-unienne, AgriSol Energy, qui travaille avec la Iowa University, ont passé un protocole d’accord. Il stipule que les deux emplacements principaux pour leurs projets – les camps de réfugiés de Katumba et Mishamo qui comptent 162 000 personnes - devront être fermés avant que le projet d’une valeur de 700 millions de dollars ne commence. Les réfugiés ont pourtant cultivé ces terres pendant 40 ans.

En Ethiopie, un processus de « villagisation » mené par le gouvernement, déplace des dizaines de milliers de personnes de leurs terres traditionnelles vers de nouveaux centres, tandis que gros contrats fonciers sont conclus avec des compagnies internationales.

Le plus gros contrat conclu au Soudan - où, d’après des analystes norvégiens, près de 9% du territoire ont été achetés en quelques années - a été conclu entre une firme texane, Nile Trading and Development et une coopérative locale gérée par des chefs locaux absents. Il s’agit d’un bail de 49 ans, d’une surface de 400 000 ha dans la région de Central Equatoria, pour un montant de 25 000 dollars et qui autorise la compagnie à exploiter toutes les ressources naturelles y compris le pétrole et le bois. Cette compagnie dirigée par l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, Howard Eugene

Douglas, a l’intention de solliciter des crédits carbone - système soutenu par les Nations-Unis - ce qui pourrait lui rapporter des millions d’euros annuellement.

Dans le rapport, on peut lire qu’au Mozambique, où près de 7 millions d’ha de terre sont potentiellement disponibles pour les investisseurs, des hedge funds occidentaux travaillent conjointement avec des compagnies sud-africaines pour acheter de vastes étendues de terres agricoles et de forêts pour des investisseurs en Europe et aux Etats-Unis. Les contrats montrent que le gouvernement renonce à lever des taxes parfois pendant 25 ans, mais peu d’emplois seront créés.

Pour Obang Metho du Mouvement de Solidarité pour une Nouvelle Ethiopie, « Personne ne peut croire que ces investisseurs viennent pour nourrir les Africains qui meurent de faim, ou pour créer des emplois et améliorer la sécurité alimentaire. Ces accords – dont beaucoup sont en place pour 99 ans – ne représentent aucun progrès pour les populations locales et ne vont pas remplir leurs estomacs de nourriture. Par contre, ils remplissent de dollars les poches des dirigeants corrompus et des investisseurs étrangers ».

Pour Mittal « L’ampleur des accords fonciers conclus est choquante. Les petites fermes et les forêts africaines sont transformées en stratégie d’investissement à haut rendement, basée sur le patrimoine naturel. Cela peut provoquer la hausse des prix alimentaires et une aggravation des risques de bouleversements climatiques. »

Des études menées par la Banque Mondiale et d’autres organisations montrent que près de 60 millions d’ha, soit la surface de la France, ont été achetés ou louées par des compagnies étrangères en Afrique, ces trois dernières années.

Toujours d’après le rapport, « La plupart de ces accords sont caractérisés par leur opacité, malgré les implications profondes que pose une consolidation du contrôle qu’exercent les compagnies financières sur les marchés alimentaires mondiaux et les ressources agricoles. »

Frederic Mousseau, le directeur des politiques de l’Oakland Institute, ajoute : « Nous avons vu des spéculateurs s’emparer de terres agricoles et traiter les petits paysans comme des squatteurs que l’on expulse de force, sans compensation. Cela provoque une insécurité sur le système alimentaire mondial qui pourrait être une menace pour la sécurité mondiale, bien plus importante que le terrorisme. Plus d’un milliard d’humains vivent avec la faim au ventre. La majorité des pauvres de la planète dépendent toujours de petites fermes pour leur subsistance et les spéculateurs les leur prennent en leur promettant un progrès qui ne vient jamais ».


Article Original - 8 Juin 2011 - The Guardian -John Vidal and Claire Provost

US universities in Africa ’land grab’

Institutions including Harvard and Vanderbilt reportedly use hedge funds to buy land in deals that may force farmers out.

Harvard and other major American universities are working through British hedge funds and European financial speculators to buy or lease vast areas of African farmland in deals, some of which may force many thousands of people off their land, according to a new study.

Researchers say foreign investors are profiting from "land grabs" that often fail to deliver the promised benefits of jobs and economic development, and can lead to environmental and social problems in the poorest countries in the world.

The new report on land acquisitions in seven African countries suggests that Harvard, Vanderbilt and many other US colleges with large endowment funds have invested heavily in African land in the past few years. Much of the money is said to be channelled through London-based Emergent asset management, which runs one of Africa’s largest land acquisition funds, run by former JP Morgan and Goldman Sachs currency dealers.

Researchers at the California-based Oakland Institute think that Emergent’s clients in the US may have invested up to $500m in some of the most fertile land in the expectation of making 25% returns.

Emergent said the deals were handled responsibly. "Yes, university endowment funds and pension funds are long-term investors," a spokesman said. "We are investing in African agriculture and setting up businesses and employing people. We are doing it in a responsible way … The amounts are large. They can be hundreds of millions of dollars. This is not landgrabbing. We want to make the land more valuable. Being big makes an impact, economies of scale can be more productive."

Chinese and Middle Eastern firms have previously been identified as "grabbing" large tracts of land in developing countries to grow cheap food for home populations, but western funds are behind many of the biggest deals, says the Oakland institute, an advocacy research group.

The company that manages Harvard’s investment funds declined to comment. "It is Harvard management company policy not to discuss investments or investment strategy and therefore I cannot confirm the report," said a spokesman. Vanderbilt also declined to comment.

Oakland said investors overstated the benefits of the deals for the communities involved. "Companies have been able to create complex layers of companies and subsidiaries to avert the gaze of weak regulatory authorities. Analysis of the contracts reveal that many of the deals will provide few jobs and will force many thousands of people off the land," said Anuradha Mittal, Oakland’s director.

In Tanzania, the memorandum of understanding between the local government and US-based farm development corporation AgriSol Energy, which is working with Iowa University, stipulates that the two main locations – Katumba and Mishamo – for their project are refugee settlements holding as many as 162,000 people that will have to be closed before the $700m project can start. The refugees have been farming this land for 40 years.

In Ethiopia, a process of "villagisation" by the government is moving tens of thousands of people from traditional lands into new centres while big land deals are being struck with international companies.

The largest land deal in South Sudan, where as much as 9% of the land is said by Norwegian analysts to have been bought in the last few years, was negotiated between a Texas-based firm, Nile Trading and Development and a local co-operative run by absent chiefs. The 49-year lease of 400,000 hectares of central Equatoria for around $25,000 (£15,000) allows the company to exploit all natural resources including oil and timber. The company, headed by former US Ambassador Howard Eugene Douglas, says it intends to apply for UN-backed carbon credits that could provide it with millions of pounds a year in revenues.

In Mozambique, where up to 7m hectares of land is potentially available for investors, western hedge funds are said in the report to be working with South Africans businesses to buy vast tracts of forest and farmland for investors in Europe and the US. The contracts show the government will waive taxes for up to 25 years, but few jobs will be created.

"No one should believe that these investors are there to feed starving Africans, create jobs or improve food security," said Obang Metho of Solidarity Movement for New Ethiopia. "These agreements – many of which could be in place for 99 years – do not mean progress for local people and will not lead to food in their stomachs. These deals lead only to dollars in the pockets of corrupt leaders and foreign investors."

"The scale of the land deals being struck is shocking", said Mittal. "The conversion of African small farms and forests into a natural-asset-based, high-return investment strategy can drive up food prices and increase the risks of climate change.

Research by the World Bank and others suggests that nearly 60m hectares – an area the size of France – has been bought or leased by foreign companies in Africa in the past three years.

"Most of these deals are characterised by a lack of transparency, despite the profound implications posed by the consolidation of control over global food markets and agricultural resources by financial firms," says the report.

"We have seen cases of speculators taking over agricultural land while small farmers, viewed as squatters, are forcibly removed with no compensation," said Frederic Mousseau, policy director at Oakland, said : "This is creating insecurity in the global food system that could be a much bigger threat to global security than terrorism. More than one billion people around the world are living with hunger. The majority of the world’s poor still depend on small farms for their livelihoods, and speculators are taking these away while promising progress that never happens."

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