Planifier la « Décennie de l’Afrique »

ou l’avenir de l’Afrique vu par la Banque Mondiale...

Publié le 18 septembre 2005 sur OSIBouaké.org

Parmi tous les défis que pose le développement, celui de l’Afrique est probablement le plus difficile à relever. La population du continent est ravagée par le VIH  /SIDA  , ainsi que par les conflits régionaux et leurs conséquences. Malgré le retour de la croissance dans certains pays, le nombre d’africains pauvres a doublé au cours des deux dernières décennies. Au rythme actuel des progrès, l’Afrique ne pourra pas réaliser ses Objectifs de développement pour le millénaire pour 2015. Malgré ce tableau très sombre, deux facteurs clés offrent aujourd’hui au continent une occasion unique de réussir une stratégie africaine : une attention renouvelée de la communauté internationale aux besoins de l’Afrique, et un changement considérable dans l’engagement des leaders africains au développement de leurs pays. Le Plan d’action pour l’Afrique est une réponse à ces évènements et à cette opportunité.

Le 9 septembre de 2005 - Le Plan d’action pour l’Afrique (« Relever le défi posé par le développement de l’Afrique : Un Plan d’action du Groupe de la Banque mondiale » ) , présenté au Conseil d’administration le 6 septembre dernier, apparaît à point nommé. L’ « Année de l’Afrique » vient d’être annoncée ; le continent et ses besoins sont au cœur des préoccupations de la communauté du développement. Le président de la Banque mondiale, M. Paul Wolfowitz, a fait de l’Afrique une priorité du développement. Et à Gleneagles, en Écosse, les dirigeants du G-8, le club des pays les plus riches du monde, se sont engagés à soutenir le développement de l’Afrique.

Le Plan d’action pour l’Afrique est le fruit d’une demande adressée en avril 2005 par le Conseil d’administration de la Banque mondiale à la région Afrique afin que celle-ci présente au Comité de développement un plan d’action qui fournisse les détails de sa stratégie pour ce continent.

Ce plan est également une réponse à l’appel de Gleneagles pour une assistance internationale accrue et bien coordonnée à l’Afrique en vue de l’aider à réaliser ses Objectifs de développement pour le millénaire. M. Gobind Nankani, le Vice-président de la région Afrique, compare ce plan d’action à « un document de travail, qui nous permettra de mieux appuyer les efforts entrepris sous la direction des pays eux-mêmes pour améliorer les résultats, promouvoir la croissance partagée, construire des États plus solides et encourager des partenariats en faveur de l’Afrique aux niveaux national, régional et mondial. »

Cette pression pour l’obtention de résultats fait partie intégrante du Plan. « Les résultats sont importants pour tous, » dit M. Nankani. « Les populations exigent de leurs dirigeants des améliorations de leurs conditions de vie, et les donateurs veulent s’assurer que les ressources supplémentaires qu’on leur demande se traduiront en résultats. »

Renforcer les « moteurs de croissance » et « ne laisser personne sur le carreau »

Le Plan souligne que les populations pauvres et marginalisées devront recevoir les bénéfices d’une croissance partagée. Il contient 25 initiatives et 133 recommandations d’action dans 3 grands domaines considérés comme prioritaires :

  • Construire des États capables et améliorer leur gouvernement.
  • Renforcer les moteurs de croissance, c’est-à-dire assurer l’existence d’un secteur privé dynamique, accroître les exportations, investir dans l’infrastructure, augmenter la productivité de l’agriculture ; mais aussi investir dans l’éducation, la santé et l’accès des couches pauvres de la population aux opportunités économiques.
  • Augmenter l’impact des partenariats entre gouvernements, pays donateurs et agences de développement.

Pour de nombreux pays africains, une relance des exportations agricoles reste le moyen privilégié pour se remettre sur une trajectoire de croissance soutenable, et se lancer à l’assaut des marchés ouverts aux produits africains. Plusieurs pays jouissent de conditions climatiques qui les mettent en position favorable sur le marché mondial. C’est le cas, par exemple, du Kenya et de l’Éthiopie avec les fleurs coupées, et du Sénégal avec les produits horticoles. Mais surtout, l’agriculture reste la principale source d’emploi et de subsistance pour 70 pour-cent des africains. Le plan d’action pour l’Afrique considère l’agriculture comme un puissant moteur de croissance. Il confère à la Banque le soin d’aider à assurer un environnement commercial adéquat, par le biais de ses travaux analytiques qui permettent de dégager les coûts et les avantages des exportations africaines. Ces travaux, d’ailleurs, ne doivent pas se limiter aux pays de l’OCDE, mais s’étendre également aux marchés asiatiques .

Le Plan d’action pour l’Afrique prend des engagements précis, comme celui d’accroître l’appui financier en faveur d’un enseignement primaire gratuit dans 15 pays, et les financements d’infrastructures routières, énergétiques et autres.

Il propose également d’élargir de 150 pour-cent le programme de lutte antipaludique de la Banque mondiale dans 17 pays, d’accroître les programmes de prêt en faveur de la lutte contre le VIH  /SIDA   dans 10 pays, et d’augmenter les investissements susceptibles d’accélérer la réalisation des Objectifs de développement pour le millénaire.

Il offre aussi son soutien au Consortium africain pour l’infrastructure en mobilisant des ressources destinées à des projets d’infrastructure régionaux, qu’il s’agisse de projets ne faisant intervenir qu’un seul pays, ou de projets multi-pays.

Les scénarios de croissance varient selon les pays, et sont construits sur les stratégies nationales contenues dans les documents stratégiques de lutte contre la pauvreté. Ces derniers offrent un « menu » d’actions parmi lesquelles le Plan d’action choisira celles qui correspondent à des domaines prioritaires. Par exemple, le Plan d’action considère que le VIH  /SIDA   est un véritable fléau pour tous les pays d’Afrique. Mais il reconnaît également que, dans certains pays d’Afrique centrale et occidentale, le paludisme pose un problème tout aussi grave en termes de son impact sur la santé et sur le PIB.

Partenariats

Les relations entre les partenaires n’ont pas toujours été au beau fixe, à cause de la fragmentation des interventions des donateurs, de la complication des processus, et du manque de clarté dans la définition des rôles des différents acteurs. Le Plan d’action pour l’Afrique met l’accent sur la nécessité d’une simplification et d’une harmonisation des procédures, tout d’abord au sein du Groupe de la Banque mondiale, et ensuite parmi l’ensemble des partenaires au développement.

La stratégie prend en compte le fait que la Banque n’est qu’un partenaire parmi de nombreux autres au développement de l’Afrique. M. Nankani résume ainsi cette perspective : « Il faut que notre réflexion dépasse le programme de prêt de l’IDA. Le fait de travailler avec des partenaires tels la Banque africaine de développement, la Commission européenne, ou la Banque européenne d’investissements offre des possibilités de partage des capacités techniques et de connaissance du pays qui nous aideront à renforcer la cohésion dans l’intervention parmi tous les partenaires. » Le Plan d’action pour l’Afrique propose également des actions concrètes visant à renforcer les partenariats créés pour mettre en œuvre l’IDA 14, où les pays eux-mêmes ont le rôle de chefs de file.

Lorsqu’un pays est capable de jouer un rôle majeur dans son développement , la cohésion entre tous les partenaires se renforce. La Tanzanie offre un bon exemple de cette cohésion et de cette coordination des donateurs. Le gouvernement, qui s’est clairement établi comme chef de file, collabore avec sept partenaires au développement, dont la Banque mondiale, pour préparer de façon conjointe une stratégie nationale de partenariat. On voit apparaître des initiatives semblables en Ouganda et au Nigeria. Comme le dit M. Nankani : « Les résultats doivent dicter notre comportement. Il faut que nous marchions tous dans la même direction. »

... et intégration.

Les dirigeants africains ont bien compris que certains problèmes ne peuvent être résolus que par des actions au niveau régional. Comme l’explique l’économiste en chef de la région Afrique, M. John Page, « si vous êtes un exportateur au Mali ou au Burkina Faso, les solutions à vos problèmes de coûts et de compétitivité devront venir des pays voisins. Elles sont en effet liées à la façon dont le port fonctionne sur la côte, et aux tarifs, compétitifs ou non, que vous offrira le chemin de fer. »

L’intégration régionale ne s’applique pas qu’aux seules questions d’infrastructure. « Les moustiques ne connaissent pas de frontières, » dit M. Page ; « comme d’ailleurs, les camionneurs. Et, bien évidemment, la mobilité de ces derniers constitue une des principales raisons de la propagation du VIH  /SIDA  . »

Le plan d’action pour l’Afrique appuie donc des investissements à caractère régional en faveur de l’infrastructure et de la santé. S’il insiste sur la nécessité d’une surveillance des maladies organisée de façon transnationale, il recommande aussi des enquêtes sur les coûts de transport dans les corridors d’exportation. L’éducation, aussi, est un volet de cette rubrique régionale, avec un appui offert à la création de centres régionaux d’excellence.

Un plan qui veut développer les capacités et reconstruire les sociétés

La priorité de toute stratégie d’assistance à l’Afrique est de renforcer les institutions et les services publics. Dans ce domaine, les actions envisagées par le Plan d’action se feront pays par pays. En particulier, le Plan appuiera la collaboration d’un pays et de ses partenaires au renforcement de la fonction statistique, et au développement des capacités de suivi et d’évaluation.

Les conflits représentent une triste réalité du continent africain : un tiers des pays en sont le théâtre. Le plan d’action souligne la nécessité pour les stratégies de développement de refléter les besoins particuliers des pays qui sortent d’un conflit, de façon à les aider à faire la transition entre une culture de guerre et une société productive.

Un programme pour le changement

L’Afrique est aussi le théâtre d’une évolution importante : l’appropriation de plus en plus visible des programmes de développement par ses dirigeants et sa société civile, avec pour résultat une amélioration de la performance économique, institutionnelle et sociale dans plusieurs pays. Les donateurs ont répondu à cette nouvelle situation : l’aide s’est accrue, la dette a été annulée, et les questions de commerce d’investissement sont au cœur des discussions.

Le plan d’action pour l’Afrique définit les priorités et les directions qui devront se traduire dans des interventions et travaux spécifiques à chaque pays. Il reviendra ensuite à chaque pays d’assurer la direction de sa stratégie propre et de son exécution.

Pour le vice-président de la région Afrique, M. Nankani, la mise en œuvre est aujourd’hui le principal défi à relever. « Il faut pouvoir atteindre les Objectifs de développement pour le millénaire en 2015. Il nous reste 10 ans. Nous parlons aujourd’hui ‘d’une année de l’Afrique’, alors que nous devrions parler d’une ‘décennie de l’Afrique.’ La conjonction d’un leadership engagé en Afrique et d’un appui renouvelé de la communauté internationale nous offre aujourd’hui une opportunité extraordinaire de collaboration avec tous nos partenaires pour aider chaque pays à réaliser ces objectifs. »

Le Groupe De Banque Mondiale

PS : vous trouverez en document joint le document complet en anglais...

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