Et Naomi Campbell ressuscita le procès Taylor

Le dernier sujet du 20h remontait à...janvier 2008

Publié le 9 août 2010 sur OSIBouaké.org

Arrêt sur images - 06/08/2010 par Laure Daussy

On avait oublié le procès de ce sanguinaire dictateur, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité durant la guerre au Sierra Léone de 1990 à 2001. Jusqu’à ce que les JT diffusent, tous, ce jeudi, des sujets de reportage sur l’audition de la top model Naomi Campbell, entendue au procès, qui renaît ainsi de ces cendres médiatiques. L’audience se poursuit depuis plus de deux ans, dans l’indifférence des journaux télévisés.

Un sujet sur France 2, sur France 3, sur TF1. Jeudi soir, chacune des « grandes chaînes » n’a pas manqué de traiter du procès de Charles Taylor. Il a même eu l’honneur des titres du journal, pour France 2, et France 3. La raison de cet engouement soudain ? La venue de la top model Naomi Campell, appelée à témoigner. Celle-ci a raconté un épisode qui date de 1997, lorsqu’elle était invitée avec le président Taylor, chez Nelson Mandela. Elle avait reçu alors la visite de deux hommes qui lui avaient offert des diamants.

Naomi Campbel est sur toutes les chaînes

Un témoignage clé, destiné à prouver que Taylor a bien eu des diamants en sa possession, alors qu’il s’en est toujours défendu. Car ces diamants "de sang" auraient servi de monnaie d’échange dans la vente d’armes aux rebelles de Sierra Léone. Ce seigneur de guerre sanguinaire, élu président du Libéria en 1997, doit répondre de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis durant cette guerre civile qui a ravagé la Sierra Leone entre 1991 et 2002, et qui a fait, selon l’AFP, 120 000 morts. Il est accusé d’avoir soutenu les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni, à qui il fournissait armes et munitions en échange d’un accès aux ressources, notamment en diamants et bois précieux. Une guerre marquée par de nombreuses atrocités, tueries, esclavage sexuel des femmes, et enrôlement d’enfants soldats. Il s’agit du premier chef d’Etat africain à comparaître devant un tribunal international.

Un procès hors norme, donc, qui pourrait donc attirer logiquement l’attention des médias. Mais le procès, même s’il se déroule à la Haye, concerne l’Afrique, un continent traditionnellement peu couvert par les médias français, qui, de leur côté, se retranchent derrière le fait que peu de téléspectateurs seraient intéressés. @si s’est penché sur les 20h de TF1, France 2, et France 3, depuis 2006...

Ainsi, le dernier sujet sur Taylor remonte à … la réouverture du procès, en janvier 2008, après que Taylor avait demandé en août 2007 un report pour préparer sa défense. Il s’agit d’un sujet de TF1, et d’un autre, de France 3. Rien, en revanche, dans les 20 heures de France 2.

Regardez ces sujets

France 2 s’y intéressait dans un 20 heures, pour la dernière fois, en juin 2007, lors de l’ouverture officielle du procès, avec seulement un off. Les autres grandes chaînes ont traité de cette ouverture également avec des offs. TF1, de son côté, à réalisé un reportage sur les enfants soldats du Libéria le 3 juin. Avant le procès, chacune des chaines avaient diffusé, en mars 2006, des offs au sujet du transfert de Taylor à la Haye.

Très peu de sujets, donc, concernant le procès en lui-même. Certes, il n’y a eu, jusque-là, aucune révélation fracassante. Mais plusieurs épisodes de l’audience auraient pu tout de même intéresser les journaux télévisés. Ils ont d’ailleurs été traités par la presse écrite.

Dès juin 2007, après son ouverture, le procès fait parler de lui dans la presse, commeici dans le Figaro.fr. Taylor refuse alors de comparaitre devant les juges. Il dénonce, dans une lettre lue à l’ouverture de son procès par son avocat, l’inégalité des moyens entre l’accusation et la défense, et demande un report afin d’avoir le temps de préparer sa défense. "J’en suis arrivé à la conclusion que je ne bénéficierai pas d’un procès équitable devant le Tribunal spécial à ce stade et je dois refuser d’assister aux audiences", cite Le Monde. Puis le procès est ensuite ajourné jusqu’au 3 juillet.

Finalement, le procès ne reprend qu’en janvier 2008, comme le précise notamment cet article de Libération, date à laquelle des JT ont réalisé des sujets. Mais, dès janvier, un témoin clé est entendu, au sujet des liens entre le président du Libéria et le Front révolutionnaire uni (RUF), les rebelles de Sierra Leone. Un épisode dont on ne trouve aucune trace dans les JT. Il s’agit d’un proche de Taylor, Varmunyan Sherif, qui, à la demande du président du Libéria, rejoint en 1997 les rangs des services spéciaux de sécurité (SSS). "A son poste, il sera témoin direct et acteur de l’alliance entre le président libérien et les rebelles de Sierra Leone, pays voisin en proie à la guerre civile", écrit Le Monde. Ses dépositions sont intéressantes pour l’avancée du procès. Selon lui, le président du Liberia avait remis de l’argent liquide et un téléphone satellite au commandant du RUF. Le témoin fait aussi état de communications entre Monrovia et les rebelles, par radio ou par satellite, et de nombreuses livraisons d’armes, présentant quelques photos au tribunal. Il évoque un arrivage à l’aéroport de Monrovia, alors que le Liberia était sous embargo," explique le journal.

En mars 2008, la cruauté de Taylor est dévoilée au grand jour. Dans un article du Monde,il apparait qu’il encourageait ses hommes, selon un témoin, à pratiquer le cannibalisme. "Zigzag, ex-commandant d’un escadron de la mort de Charles Taylor, a raconté à la barre des témoins que l’ancien président libérien "nous a dit que nous pouvions même manger les Blancs des Nations unies, il disait que nous pouvions les utiliser comme des porcs, et les manger". "Pendant la guerre", ajoute-t-il, les ennemis étaient promis au même sort", cite le journal.

En janvier 2009 c’est la fin de la première étape du procès, au cours de laquelle le procureur a présenté 91 témoins au total. Une étape qui aurait pu être l’occasion, pour les journaux, de faire le point et de revenir sur les interventions les plus intéressantes, comme l’a fait notammentLe Monde dans cet article.

Un peu plus tard, en juillet 2009, alors que c’est au tour de Taylor d’expliquer et de présenter ses propres témoins, il plaide non coupable, et rejette les 11 chefs d’inculpation prononcés contre lui. Libération.frle Monde, etle Figaro, traitent notamment de cet épisode.

Quelques jours après, le 16 juillet, dans un élan de cynisme et de cruauté, il déclarait "qu’il n’avait "rien vu de mal" au fait que ses troupes exposent des crânes humains à des postes de contrôle durant sa "révolution"."Les crânes étaient un symbole de mort. Des soldats ennemis avaient été tués et leurs crânes utilisés. Je le savais et cela ne me dérangeait pas," citait l’AFP.

En janvier 2010, Taylor nie toujours tout en bloc, et se dit même "victime d’un complot’. Des propos relatés dansun article du Monde : "Tout ce qui se joue dans cette affaire est fondé sur un complot, avec des acteurs clés, des responsables majeurs de gouvernements et de services de renseignement". Ils devaient trouver "un bouc émissaire", et "je suis censé être le crétin auquel les gens apportaient des diamants dans des pots de mayonnaise !", cite le journal. Dans le même article, la journaliste relate la révélation, lors du procès, d’un compte secret ouvert au nom de Taylor, alimenté par 14 milions de dollars pendant trois ans.

Autant d’épisodes du procès qui auraient pu faire l’objet de sujets télévisés. Mais tout n’est pas perdu : l’actrice américaine Mia Farrow sera entendue également en tant que témoin lundi prochain. Peut-être une autre occasion de rattrapage. (Montages et repérage des sujets JT, Lucie Desvaux)

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