« Nous, acteurs de la lutte, savons ce qu’il faut faire : décider et agir »

Publié le 17 juillet 2010 sur OSIBouaké.org

Libération - 17/07/2010 - Eric Favereau

« Nous avons aujourd’hui les moyens de faire régresser l’épidémie de VIH   en France par des politiques globales et des stratégies ciblées sur les groupes de personnes les plus concernés par la transmission du virus. Face à ces potentialités, les pouvoirs publics restent dans l’indécision et diffèrent la mise en œuvre d’une politique courageuse capable de faire régresser l’épidémie. Ils font perdre du temps à la lutte contre le sida  . Or aujourd’hui, nous, acteurs de cette lutte, savons ce qu’il faut faire : décider et agir !

« Traiter, c’est soigner ; traiter, c’est prévenir ; traiter, c’est d’abord dépister. Il s’agit donc avant tout de dépister et traiter plus précocement et plus intelligemment.

« Dépister : préserver le caractère volontaire du dépistage, proposer à chacun d’être testé au moins une fois dans sa vie, et aux populations fortement exposées de se dépister régulièrement. C’est un changement de paradigme que les professionnels de santé et les individus sont capables d’entendre et de mettre en œuvre.

« Soigner : on dispose aujourd’hui de traitements efficaces, qui permettent de réduire considérablement la transmission du VIH  , tout en améliorant la qualité et l’espérance de vie des personnes atteintes. Mais le stigmate des personnes séropositives n’a pas disparu. Il convient donc de soutenir les personnes vivant avec le VIH   dans tous les aspects de la vie, de renforcer leurs droits, de garantir à tous une prise en charge de qualité au long cours et de soutenir les associations de personnes atteintes : tout ceci est d’utilité publique. Nous avons tous intérêt à ce que les séropositifs aillent bien.

« L’épidémie de VIH   est désormais relativement contenue dans la population générale et de vraies politiques de santé sexuelle et reproductive, notamment chez les jeunes, permettront de maintenir ou d’améliorer cette situation. Elles manquent toujours. Parallèlement, quatre types de populations ont besoin de stratégies fortes avec une réelle concentration des ressources :

- Les gays : il faut susciter et soutenir l’innovation dans l’action communautaire - particulièrement dans le champ du dépistage et de la prévention - pour transformer les pratiques sexuelles dans le sens de moins de risque, implanter les centres de santé sexuelle gay ou LGBT, poursuivre la lutte contre l’homophobie et la lutte pour l’égalité des droits.

- Les migrants originaires d’Afrique : il faut cesser les politiques et les discours de stigmatisation et de criminalisation des immigrés, qui les éloignent de la prévention et des soins, renforcer les programmes ciblés, garantir l’accès au dépistage, à la médecine et aux traitements, y compris dans le cadre de l’aide médicale de l’Etat, et soutenir les communautés pour lutter contre les discriminations des séropositifs en leur sein.

- La Guyane : il faut tenir enfin compte du contexte d’épidémie généralisée et du caractère artificiel des frontières. Mettre en place des services innovants allant au devant d’une mosaïque de communautés pour atteindre toutes les populations. Renforcer les services sociaux et de santé et rendre effectif l’accès aux droits pour assurer la continuité de la prise en charge.

- Les usagers de drogues : il faut oser une politique de promotion des droits quand les politiques répressives limitent les potentialités de la prévention. Il faut continuer et renforcer la réduction des risques pour que les acquis de la lutte contre le VIH   profitent également à la lutte contre le virus de l’hépatite C. Bref, réaffirmer le primat de la santé sur la répression.

« Enfin, dans un contexte mondialisé, l’épidémie ne pourra régresser sans l’adoption d’une politique globale de prévention, d’accès aux soins, d’accès aux droits et de promotion des droits des femmes et des minorités, gays et trans en particulier. La France doit donc maintenir un engagement international fort : poursuivre sa contribution auprès du Fonds mondial, accroître les moyens de la recherche française et plaider fermement pour un accès universel aux traitements et à la prévention. C’est aussi plaider pour la révision des conventions internationales sur les drogues et pour un meilleur respect des droits des personnes séropositives dans le monde.

« Chaque année d’une politique publique qui hésite se traduit en France par plusieurs milliers de nouvelles contaminations VIH  . Cette tergiversation est d’autant plus incompréhensible qu’on sait aujourd’hui avec précision quelles mesures mettre en place pour réduire de façon drastique la transmission du VIH  . Il est maintenant de la responsabilité des pouvoirs publics d’agir sans plus tarder. »

Premiers signataires

Chercheurs en science sociales : Nathalie Bajos, Benjamin Coriat, William Dab, François Dabis, Didier Fassin, Didier Jayle, Jean Paul Moatti, France Lert, Geneviève Paicheler.

Cliniciens-chercheurs : Cédric Arvieux, Eric Billaud, Dominique Costagliola, Pierre-Marie Girard, Christine Katlama, Jacques Moreau, Jade Ghosn, Erik de Mautort, Thierry May, Yves Levy, Marialuisa Partisani, Gilles Pialoux, Thierry Prazuck, Pascal Pugliese, David Rey, Christine Rouzioux.

Personnalités du monde associatif : Bertrand Audoin, Elisabeth Avril, Patrick Beauverie, Pierre Berton, Joelle Brunerie Kauffmann, Claire Bougaran, Emmanuelle Cosse,Donald de Gagné, Daniel Defert,Camille Cabral, Carinne Favier, Eric Fleutelot, Gaëlle Krikorian, Pierre Lascoumes, Didier Lestrade, Christophe Martet, Alain Molla, Philippe Mangeot, Fabrice Olivet, Georges Point, Jean Luc Roméro, Béatrice Stambul, Guy Sebbah, Michel Ohayon, Christian Saout, Bruno Spire, Arnaud Weisse…

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