Côte d’Ivoire : Il faut plus de casques bleus, disent les analystes

Publié le 22 mai 2010 sur OSIBouaké.org

Abidjan, 18 mai 2010 (IRIN) - Une unité de police et des troupes supplémentaires devraient venir en renfort de la force de maintien de la paix des Nations Unies en Côte d’Ivoire, qui compte 8 500 effectifs, pour mener des opérations de paix dans l’ouest, ont dit International Crisis Group (ICG) et des responsables humanitaires.

Les travailleurs humanitaires interrogés par IRIN et le public soutiennent cet appel.

Le mandat de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (UNOCI) devrait être renouvelé le 31 mai et une mission d’évaluation technique du département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a récemment visité le pays pour évaluer la situation. Elle doit donner ses recommandations au Conseil de sécurité des Nations Unies à la fin du mois de mai.

L’attention politique accordée à l’identité ivoirienne et la détérioration de la situation économique se sont ajoutées à la présence de « groupes armés et de milices, le retour d’un discours xénophobe et une situation économique difficile pour créer un environnement explosif, qui menace la stabilité du pays », a écrit ICG dans un communiqué de presse.

« Si les responsables politiques ne se décident pas immédiatement à accélérer le rythme du processus électoral et à abandonner les discours incendiaires ; si l’ONU   et les autres partenaires étrangers de la Côte d’Ivoire ne mettent pas rapidement en place les mécanismes politiques et sécuritaires à même de prévenir la violence, le processus de paix ivoirien risque de dérailler avec des conséquences graves pour la Côte d’Ivoire et ses voisins », indique ICG.

ICG recommande, entre autre, au Président ivoirien et à son parti de renoncer à l’utilisation d’un discours stigmatisant les « étrangers », les « ennemis de la Côte d’Ivoire » et consistant plus généralement à faire porter la responsabilité actuelle de la crise ivoirienne à des puissances étrangères et à certaines communautés ivoiriennes ou ouest-africaines. Le ministère de l’Intérieur doit augmenter la présence de ses forces de sécurité dans l’ouest et Guillaume Soro, Premier ministre et secrétaire général des Forces Nouvelles, doit accélérer le processus de désarmement dans l’ouest et le nord, qui sont sous le contrôle de son mouvement.

Recrudescence des incidents violents

Des violences ont éclaté dans l’ouest du pays en février 2010 à l’approche d’élections programmées qui n’ont jamais eu lieu. Elles ont fait sept victimes et 22 blessés. Les combats faisaient suite à la dissolution de la Commission électorale indépendante et du gouvernement par le président Laurent Gbagbo. Celle-ci avait entraîné le blocage du processus électoral.

Selon Fatou Dieng Thiam, coordinatrice de la division des droits de l’homme de l’UNOCI, le nombre d’incidents violents déclarés a augmenté dans l’ouest entre janvier et avril 2010, par rapport aux mois précédents.

D’après l’ONUCI, les incidents comprennent des violences liées au processus électoral, des restrictions de la liberté de mouvement, des extorsions, des actes de torture, des traitements inhumains et dégradants et des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que 58 attaques à l’encontre de civils.

Une population « de plus en plus désespérée »

La détérioration des conditions de vie rend également la population « de plus en plus désespérée », a dit Julie Bélanger, responsable du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires à Abidjan, la capitale.

Alors que les indicateurs humanitaires tels que la malnutrition aiguë sévère se sont légèrement améliorés et que 89 000 des 120 000 personnes déplacées des régions de l’ouest sont revenues, de nombreux indicateurs de développement sont au point mort ou en baisse, la pauvreté augmente et le taux de chômage est élevé, a-t-elle dit.

« La transition perpétuelle a des effets néfastes sur les conditions de vie de chacun... Elle nous empêche de tirer parti des progrès humanitaires réalisés et de les consolider », a-t-elle dit à IRIN.

« Plus le processus de transition est long, plus le risque de retomber dans une situation [de crise] humanitaire est élevé, car les vulnérabilités augmentent ».

Le gouvernement doit prendre des mesures d’urgence pour améliorer les conditions de vie et, notamment, assurer un approvisionnement constant en électricité et en eau potable, qui se détériore dans la capitale, a dit à IRIN Ben Abdul, un expert des droits de l’homme d’Abidjan.

Paralysie

Un travailleur humanitaire qui a demandé l’anonymat a dit à IRIN que de nombreux ministères fonctionnaient au ralenti, car tout le monde se concentrait sur les événements politiques futurs. « À cause de la paralysie générale, nous [les organisations humanitaires] ne pouvons pas nous rattacher aux structures gouvernementales comme il le faudrait maintenant que les humanitaires sont partis ». Le gouvernement récemment constitué sait qu’il n’est peut-être pas au pouvoir pour longtemps, c’est pourquoi il ne s’y établit pas solidement, a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, la seule réalisation concrète en faveur des élections a été la liste électorale qui identifiait 6,3 millions d’électeurs, mais le gouvernement a mis un million de ces personnes, dont la nationalité n’a pas été confirmée, sur une deuxième liste, ce qui a provoqué une polémique entre le parti au pouvoir et l’opposition.

Le président, M. Gbagbo, et le chef de l’opposition et ancien président, Henri Konan Bédié, ont participé à un débat, le 10 mai, pour discuter du blocage du processus électoral.

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