Une société d’Etat française "empoisonne" des pauvres

Ou quand Areva met en danger la vie des Nigériens

Publié le 2 mai 2010 sur OSIBouaké.org

Paris, Julio Godoy , 15 avril 2010 (IPS) - Des études menées récemment par Greenpeace affirment que les déclarations publiques de décontamination des zones peuplées près des mines d’uranium au Niger, faites par la société d’Etat française Areva, sont fausses.

Une forte radioactivité existe toujours dans les villes et les zones rurales à proximité des mines, touchant environ 80.000 personnes, selon l’ONG.

Lorsque l’uranium a été découvert dans cet Etat pauvre d’Afrique de l’ouest dans les années 1960, beaucoup pensaient que ce minéral radioactif – indispensable comme combustible pour les centrales nucléaires et matière première pour les bombes atomiques – serait la panacée pour toutes les souffrances sociales et économiques qui minent l’ancienne colonie française au cœur de l’Afrique.

Toutefois, comme le montrent plusieurs rapports récents des organisations environnementales et des chercheurs indépendants, les mines d’uranium du Niger constituent un cadeau mortel pour le pays, tant pour sa santé publique que pour sa politique.

Aujourd’hui, le Niger est considéré comme le pays le plus pauvre au monde. Il est classé dernier sur l’Indice de développement humain, et est confronté à une crise politique provoquée par des allégations de corruption et de conflits environnementaux – tous liés aux mines d’uranium.

Selon un rapport publié le 30 mars par l’organisation mondiale de protection de l’environnement Greenpeace, une forte radioactivité peut toujours être détectée sur le terrain près des mines d’uranium du Niger, notamment dans les villes minières d’Arlit et d’Akokan, situées à environ 850 kilomètres au nord-ouest de Niamey, la capitale du pays.

Environ 80.000 personnes vivent dans ces villes et dans la région voisine. Les mines sont exploitées par la société d’Etat française Areva, qui se décrit comme étant "la première au monde dans l’industrie de l’énergie nucléaire". La France, qui exploite les mines d’uranium au Niger depuis 45 ans, est le principal investisseur étranger au Niger.

Dans un entretien accordé à IPS, Rianne Teule, une militante contre l’énergie nucléaire de Greenpeace International, a expliqué que l’équipe de recherche du groupe a visité les mines d’uranium du Niger en novembre dernier afin de vérifier si Areva respecte les normes fondamentales de santé et de travail.

"Nous avons trouvé des niveaux dangereux de radiation dans les rues d’Akokan", a rapporté Teule à IPS. "Nous avons découvert également une forte concentration d’uranium dans quatre des cinq échantillons d’eau potable d’Arlit, à des doses dépassant les limites établies par l’Organisation mondiale de la santé", a indiqué Teule.

"Areva avait déclaré au début qu’une telle radiation avait été identifiée et que ses sources avaient été prises en considération", a dit Teule.

Dans certains cas, la radioactivité mesurée par les chercheurs de Greenpeace à Akokan était 500 fois plus élevée que les niveaux normaux.

"Une personne passant moins d’une heure par jour dans ces endroits serait exposée à une quantité plus élevée que la dose de radiation annuelle maximale admissible recommandée par la Commission internationale sur la protection radiologique et mise en application par la législation pour le public dans la plupart des pays", a affirmé Teule.

Les conclusions de Greenpeace confirment les premiers rapports publiés par d’autres groupes écologistes français qui ont dénoncé le manque de responsabilité d’Areva dans l’exploitation des mines d’uranium au Niger.

En 2007, une inspection effectuée par la commission d’enquête indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) et l’organisation nigérienne de protection de l’environnement Aghir In’Man a découvert des niveaux élevés de radiation dans les rues d’Akokan.

Dans les environs immédiats de l’hôpital d’Akokan, la CRIIRAD a mesuré des niveaux de radiation 100 fois plus élevés que les valeurs de base normales. La CRIIRAD a également identifié la source de la radiation puisque les déchets radioactifs proviennent des mines qui avaient été utilisées pour la construction des routes.

"Nous avons donné nos conclusions au conseil d’administration d’Areva et aux autorités locales nigériennes et nous avons demandé une enquête radiologique globale et la dépollution du village", a dit à IPS, Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et directeur de recherches à la CRIIRAD.

La CRIIRAD a également constaté une contamination radioactive de l’eau potable et de la ferraille dans les villes minières.

Les conséquences de l’exploitation de l’uranium sur la santé publique ne représentent qu’une partie des nombreux problèmes soulevés par l’industrie extractive au Niger.

Alain Joseph, un hydrogéologue français travaillant dans ce pays d’Afrique de l’ouest, a confié à IPS que "l’économie pastorale est en voie de disparition dans le nord-est du Niger à cause des dizaines de projets miniers installés dans la région et qui y exploitent les rares ressources en eau".

En 2009 seulement, le Niger a autorisé 139 projets de recherche sur l’uranium menés par des entreprises venues d’Australie, du Canada et de Chine.

Joseph a déclaré que ces projets sont en train de drainer l’eau depuis Agadez, la seule source d’eau de la région. "L’exploitation de l’uranium est non seulement en train de décimer l’environnement et la santé publique du Niger, mais elle est aussi sur le point de détruire les fondements économiques des Touaregs, des Foulas, des Kountas et d’autres éleveurs nomades dans le nord du pays", a-t-il souligné.

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