En Côte d’Ivoire, les élections plongées dans le noir

Publié le 24 mars 2010 sur OSIBouaké.org

Libération - Africa.blogs - 23/03/2010 - Par Thomas Hofnung

En Côte d’Ivoire, le débat frelaté sur la date des élections est provisoirement occulté, ces temps-ci, par un problème qui empoisonne la vie quotidienne de la population depuis plusieurs semaines : les délestages. L’ancienne "locomotive" économique de l’Afrique de l’Ouest "expérimente" ce que bien des pays de la région, à commencer par la Guinée-Conakry, vivent depuis des années. Et le choc est rude.

Un habitant de Bouaké, dans le centre du pays, se plaint de coupures pouvant durer "de 8 à 36 heures" ! L’approvisionnement en eau est gravement perturbé, les pompes étant à l’arrêt ; ce qui pose de graves problèmes dans les établissements scolaires, par exemple. A la faveur de l’obscurité, l’insécurité augmente. Les vols se multiplient. Ainsi, toujours à Bouaké, le responsable d’un collège a découvert à l’aube le vol de câbles téléphoniques. Résultat, plus de téléphone, ni d’internet.

"On se croirait revenu aux heures les plus chaudes de la crise !", dit-il. La presse ivoirienne de ces derniers jours est remplie d’articles consacrés à ce qui est perçu comme un signe de plus du délitement du pays. Au niveau économique, les PME sont les plus pénalisées. Pour elles, le coût d’un générateur est prohibitif. Déjà passablement difficile, la vie quotidienne se complique pour les Ivoiriens. Dans les banques, les distributeurs de billets ne répondent plus. Silencieux sur le sujet, comme tétanisé, le président Laurent Gbagbo a récemment promis la fin des délestages, liés à une défaillance de la centrale thermique d’Azito. Celle-ci ne produit plus que 150 mégawatts (MGW), soit la moitié de sa capacité normale. Le chef de l’Etat a assuré qu’elle serait bientôt réparée. Mais le problème est plus profond : la demande, indexée sur la croissance exponentielle de la population, est en constante augmentation, mais l’offre d’énergie, elle, ne progresse pas. Un petit manque d’anticipation, peut-être...

Exportatrice en temps normal d’électricité, la Côte d’Ivoire doit désormais en importer du Ghana voisin. Le Ghana ! Ce pays qui, au moment des indépendances, avait critiqué le choix d’Houphouët-Boigny de rester dans le giron de l’ancienne puissance coloniale française pour construire son développement et qui, aujourd’hui, fait figure de modèle dans la région, comparé à une Côte d’Ivoire enlisée. A Abidjan, les délestages pourraient faire une autre victime : l’élection. Alors qu’aucune date n’a encore été fixée par la nouvelle Commission électorale indépendante, certains analystes notent que Laurent Gbagbo n’a pas intérêt à précipiter les choses tant l’exaspération est forte au sein de la population. Mais, comme chacun sait, c’est la Commission qui fixe la date du scrutin, pas le chef de l’Etat ivoirien.

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