Adoption : “Agir dans la précipitation serait absolument catastrophique”

Publié le 20 janvier 2010 sur OSIBouaké.org

Blog Le Monde - Haïti après le séisme - par Sylvie Chayette - 18 janvier 2010

La situation est complexe et inextricable. Les parents se sentent incompris, et les internautes touchés, agacés, voire outrés (voir les commentaires de cette note) face à cette question : comment prendre en charge les petits Haïtiens en cours d’adoption ? Où situer l’urgence ? Question éthique et technique car les dossiers d’adoption ont probablement été perdus pour la plupart dans la catastrophe du 12 janvier. Les familles adoptantes, de leur côté, qu’elles soient américaines, françaises ou hollandaises réclament une accélération du protocole pour sortir leurs petits du chaos. Selon leur origine, les gouvernements répondent ou non aux demandes de ces parents en mal d’enfants.

Un avion affrété par les Pays-Bas est parti lundi pour Haïti afin de rapatrier 109 enfants en cours d’adoption par des familles néerlandaises. “Visiblement un pays est moins frileux que le nôtre”, écrit Phil, commentant la décision du Quai d’Orsay, qui n’envisage pas le rapatriement d’urgence des enfants haïtiens pour lesquels une procédure d’adoption a été engagée. Egiron trouve, lui, la décision du gouvernement français “logique et raisonnable” : “Si les enfants sont déjà adoptés, ils sont dès lors citoyens français, et la question ne se pose pas, ils sont automatiquement rapatriés”, explique-t-il. Pas si simple, car un jugement haïtien ne fait pas automatiquement des enfants des citoyens français. “En raison de la situation inquiétante en Haïti, le ministre (de la justice hollandais) Hirsch Ballin a décidé, ce week-end, d’admettre les enfants sans qu’ils disposent de documents de voyage en règle”. 44 dossiers devaient encore être approuvés par le gouvernement haïtien, même s’ils étaient déjà attribués à des parents hollandais. Selon le gouvernement hollandais, les enfants seront rapatriés d’abord, et l’approbation des autorités haïtiennes viendra après.

Aux Etats-Unis, selon CNN, trois cents enfants haïtiens sont en instance d’être adoptés par des familles américaines. Six d’entre eux ont retrouvé leurs parents dimanche soir, en Floride, sept autres enfants sont arrivés à Kansas City (dans le Missouri). “Nous faisons tout pour trouver et identifier ces enfants qui sont déjà adoptables. ils ont des parents qui les attendent, une nouvelle famille dans notre pays. Nous essayons d’accéler autant que possible les dossiers pour qu’ils puissent rejoindre leurs nouvelles maisons”, a ainsi déclaré Hillary Clinton à CNN.

Cependant, dans la vidéo ci-dessous, à l’orphelinat Bresma de Port-au-Prince, tenu par deux Américaines, 150 enfants sont orphelins mais seulement 30 sont en instance d’adoption aux Etats-Unis. Pour ces 120 restants, la situation est moins claire.

Souhaitant que Bernard Kouchner suive l’initiative hollandaise, une cinquantaine de personnes ont défilé dimanche devant le ministère des affaires étrangères à Paris.“Les enfants haïtiens nous préoccupent, déclarait ce matin le ministre des affaires étrangères sur France Info, pas seulement les enfants adoptés.” Le Quai d’Orsay ayant préalablement annoncé que les enfants en voie d’adoption ne seront pas rapatriés en France pour l’instant.

Presqu’en même temps, le secrétaire d’Etat à la coopération Alain Joyandet assure que tous les enfants haïtiens en cours d’adoption par des familles françaises, et dont les dossiers sont complets, seront évacués d’Haïti vers la France. “Pour tous les enfants qui ont des papiers, pour lesquels il n’y a pas d’interrogation, nous allons accélérer leur prise en charge” pour les amener aux parents, a-t-il déclaré sur Europe 1.

Appel à la vigilance

Au Canada, le Secrétariat à l’adoption internationale appelle d’abord à la vigilance : “Avant de penser à la solution qu’est l’adoption internationale, il faut tout mettre en œuvre pour retrouver les familles des enfants qui en ont été séparés.” Les demandes d’adoption se multiplieront certainement, or, c’est la porte ouverte “aux fraudes, abus et trafic”, affirment les Services pour l’enfance américains (JCICS), craignant le même effet pervers qu’en 2004, après le tsunami en Asie du Sud-est.

L’Unicef a appelé à éviter toute “précipitation” concernant les adoptions d’enfants haïtiens par des familles françaises et a évalué à “environ deux millions” le nombre d’enfants touchés, directement ou indirectement, par le séisme.

“La position de l’Unicef, c’est de dire ‘pas de précipitation’ : on est dans une phase de réponse à une urgence qui est absolument catastrophique et qui a déstabilisé, destructuré toutes les autorités du pays”, a expliqué sa porte-parole, Bénédicte Jeannerod, sur France Info. “Agir dans la précipitation (…) ce serait absolument catastrophique.”

“Même si un enfant a perdu un de ses parents ou ses deux parents, on l’a vu, ils sont pris en charge par le collectif. Il est extrêmement important de voir si ses enfants sont seuls au monde.” Pour les enfants qui ont un dossier d’adoption, la prudence est également de mise afin d’éviter des erreurs qui s’avéreraient dramatiques.

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