Côte d’Ivoire : Tenir compte des déplacés dans la réforme foncière

Publié le 23 décembre 2009 sur OSIBouaké.org

Dakar, 3 décembre 2009 (IRIN) - La réforme foncière en Côte d’Ivoire doit prendre en compte les personnes déplacées par les conflits, selon un rapport du Centre de suivi des déplacements internes (IDMC).

Tous les regards étant braqués sur les élections présidentielles en suspens, qui sont perçues comme un moyen de sortir de la crise, les conflits fonciers de longue date restent non résolus, menaçant la stabilité, en particulier dans l’ouest, région productrice de cacao et de café. Et les importants déplacements de populations n’ont fait que compliquer la question, d’après l’IDMC.

Le gouvernement appliquant une loi foncière rurale datant de 1998 - dont l’exécution a été entravée par le conflit et par le manque de ressources mobilisées, d’après l’IDMC - cela ne doit pas pénaliser les personnes forcées à quitter leurs foyers, a dit l’IDMC, un organisme créé par le Norwegian Refugee Council.

« Certaines dispositions de la loi, qui seraient normalement insignifiantes, ont un impact négatif sur. les déplacés, et il est essentiel d’adapter la loi à leurs situations spécifiques, afin d’éviter la discrimination », d’après le rapport.

La rébellion de 2002 et les affrontements qui se sont ensuivis ont forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leurs foyers - certaines étant des citoyens ivoiriens, d’autres des cultivateurs immigrés qui ont fui les plantations, principalement dans l’ouest, où ils bénéficiaient de droits coutumiers d’accès à la terre. Bon nombre de déplacés ayant tenté de rentrer chez eux ces dernières années ont trouvé leur terre occupée par d’autres ; des habitants de l’ouest ont dit à l’IDMC que les affrontements liés à des questions de propriété foncière étaient courants.

« La loi de 1998 fournit des grandes lignes pour le règlement des litiges fonciers », a dit à IRIN Marzia Montemurro, analyste pays de l’IDMC en Afrique de l’Ouest. « Mais le conflit et les déplacements de populations qui se sont ensuivis ont modifié la dynamique, et cela doit être pris en compte ».

En l’absence d’un système d’indemnisation des déplacés, la loi de 1998 - qui vise à convertir les droits coutumiers en des actes de propriété ou des contrats formels - est le seul cadre juridique permettant de régler les litiges, a dit l’IDMC dans un communiqué du 30 novembre. « Il est donc essentiel que les déplacés puissent avoir accès à ses mécanismes. »

Communication

Pour Mme Montemurro, toute réforme foncière doit être intégralement et clairement expliquée à toute personne affectée. Des informations déformées et des idées fausses sur la loi circulent souvent, alimentant les tensions entre les différentes communautés, a-t-elle indiqué.

Gnonsékan Martin, préfet du district de Bloléquin, dans l’ouest, a exprimé un avis similaire.

« Il est essentiel qu’il y ait des campagnes de sensibilisation et que les communautés - à la fois allogènes et autochtones - aient amplement l’occasion de discuter des questions foncières », a-t-il dit à IRIN. « Tous les acteurs doivent être impliqués dans les décisions concernant l’accès à la terre et la propriété ».

L’IDMC estime que des centaines de milliers de personnes sont encore déplacées en Côte d’Ivoire, mais dit que l’on ne connaît pas leur nombre exact actuel. D’après Mme Montemurro, pour avancer sur la question foncière, il est nécessaire de mener une étude pour déterminer le nombre de déplacés et les schémas des déplacements et des retours.

Dans plusieurs recommandations adressées au gouvernement, aux Nations Unies, à d’autres partenaires internationaux, à la société civile et aux donateurs, l’IDMC aborde la question des non-Ivoiriens et de l’accès à la terre, disant notamment que le gouvernement devrait mettre en place des baux à long terme pour les agriculteurs qui ne peuvent pas devenir propriétaires fonciers.

Selon la loi de 1998, seuls les citoyens ivoiriens peuvent être propriétaires de terres rurales ; les personnes n’ayant pas la nationalité ivoirienne ont accès à la terre via des accords de location ou des baux à long terme.

D’après une évaluation semestrielle réalisée en 2009 par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) en Côte d’Ivoire, de nombreuses zones sont encore problématiques pour les personnes qui tentent de rentrer chez elles.

L’accès aux plantations de cacao et de café est l’un des problèmes fondamentaux suscitant des tensions communautaires incessantes, et parfois même des violences, d’après OCHA.

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