Désorceler, de Jeanne Favret-Saada

Ce qui n’était pas dit dans "Les Mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage"

Publié le 3 mai 2009 sur OSIBouaké.org

« Le jour où un ancien ensorcelé m’annonça que j’étais “prise”, que mes symptômes et l’état de ma voiture en témoignaient à l’évidence, et qu’il me demanderait un rendez-vous chez sa désorceleuse, Madame Flora, j’en fus presque soulagée. »

L’anthropologue et psychanalyste Jeanne Favret-Saada rapporte dans Désorceler la suite de ses travaux sur la sorcellerie dans le Bocage de l’Ouest français. Dès ses premiers livres publiés chez Gallimard, les travaux de Jeanne Favret-Saada ont frappé les esprits en ce qu’ils s’opposaient à la doxa anthropologique ainsi qu’à un usage conventionnel de la psychanalyse : l’auteur s’était en effet laissé impliquer dans les processus qu’elle étudiait et, bon gré mal gré, elle était devenue désorceleuse. Presque trente ans ont passé et la démarche comme le travail de l’anthropologue n’ont rien perdu de leur originalité. Le présent livre est donc un retour sur les matériaux relatifs au désorcèlement - description des éléments empiriques, étude du désorcèlement comme thérapie du collectif des habitants d’une ferme, description de l’invention de cette thérapie au cours du XIXe et du XXe siècle, illustration du travail (très inquiétant) de Madame Flora, magicienne-thérapeute, etc.-, et pose la question de savoir comment le fait d’« être affecté(e) » permet paradoxalement de construire un discours scientifique … ici sur la sorcellerie.

Bref, un ouvrage…envoûtant, accessible à tous et, au sens propre, extra-ordinaire.


Jeanne Favret-Saada est anthropologue. Elle a été connue dès ses premiers livres Les Mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage (1977, Gallimard, « Bibliothèque des Sciences humaines ») et Corps pour corps. Enquête sur la sorcellerie dans le Bocage (1981, Gallimard, « Témoins », journal de terrain relatif au premier, écrit avec Josée Contreras). Elle a depuis publié d’autres ouvrages dont Le Christianisme et ses juifs : 1800-2000 (Le Seuil, 2004), en collaboration toujours avec Josée Contreras, Algérie 1962-1964 : essais d’anthropologie politique (Bouchene, 2005) et, l’an dernier, Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins (Les prairies ordinaires, 2007).


Jeanne Favret-Saada, Desorceler, Editions de l’Olivier, Collection Penser/Rêver, Avril 2009, 18,50€


Pour aller plus loin (bibliographie détaillée etc.), nous vous renvoyons à la page qui est consacrée à Jeanne Favret-Saada, sur le site de France Culture :

"A voix nue"

Emission coordonnée par Jean Lebrun, du lundi au vendredi de 20h à 20h30 - Lundi 13 avril 2009 : entretien de Martin Quenehen avec Jeanne-Favret Saada, réalisation Bruno Sourcis

Jeanne Favret-Saada est célèbre pour son travail ethnographique sur la sorcellerie dans le bocage de Mayenne, publié en 1977 sous le titre Les mots, la mort, les sorts. Trente ans après, le charme n’est pas rompu : elle vient de publier Désorceler. Mais, sur le vaste terrain de sa carrière d’ethnologue, Jeanne Favret-Saada a aussi rencontré des paysans berbères, des psys, Max Weber, Salman Rushdie, des Papes et même quelques imams danois désireux de régir le village planétaire… Née dans une Tunisie colonisée, Jeanne Favret-Saada passe l’agrégation de philosophie à Paris – faute d’avoir pu faire les Beaux Arts, où sa famille craignait qu’elle perde sa virginité ! Sans religion, elle entre en ethnologie, et débute ses recherches ethnographiques dans l’Algérie en ébullition d’après l’indépendance. En Mai 68, elle est en France et restera ensuite longtemps dans le bocage mayennais, ensorcelée. À l’orée des années 1990, elle passe de l’anthropologie des thérapies à celle des blasphèmes et devient directrice d’études en sciences religieuses à l’EPHE. Résolument « féministe et laïque », Jeanne Favret-Saada a opéré, il y a quelques années, un retour historique sur la trace de l’antisémitisme catholique, et récemment mené une enquête à rebondissements autour des caricatures de Mahomet… Regardant en face les contradictions de notre jeune XXIe siècle, elle poursuit aujourd’hui son œuvre – comme elle – engagée, corps et âme

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