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Suicides en prison : Michèle Alliot-Marie « n’a pas le souci de sauver des vies »



LibéOrléans - 18/08/2009

Après les mesures annoncées ce mardi par Michèle Alliot-Marie et destinées à lutter contre le suicide en prison, le psychiatre Louis Albrand est profondément indigné. Il est l’auteur du rapport rendu en avril à Rachida Dati et exhumé ce mardi par la nouvelle ministre de la Justice. A l’époque, il avait boycotté la remise de son rapport, estimant qu’il avait été édulcoré par l’Administration pénitentiaire. Sa colère a redoublé. (Lire la suite...)

Les mesures annoncées aujourd’hui par Michèle Alliot-Marie n’ont pas l’air de vous satisfaire…

Pas du tout, la ministre ressort la version édulcorée du rapport… La version light, pas celle que j’avais remis en décembre au ministère. Je suis triste, déçu et inquiet. J’espérais que Michèle Alliot-Marie, avec sa réputation de gaulliste, ait du courage politique. Elle prend à nouveau le problème des suicides dans les prisons par le petit bout de la lorgnette. Et pendant ce temps, des jeunes se suicident dans nos prisons. Si la ministre avait la volonté politique d’adopter les mesures que je préconise, des vies auraient pu être sauvées. Je n’ai pas peur de le dire : aujourd’hui, la ministre n’a pas le souci de sauver des vies.

Que préconisez-vous ?

Tout est écrit dans le pré-rapport que j’ai remis au ministère en décembre. Il faut par exemple réduire la durée du mitard (les cachots d’isolement, ndlr) de 45 à 25 jours. Il y a sept fois plus de suicides là qu’ailleurs, il faut agir. De la même manière, la décision d’envoyer un détenu au mitard doit être prise par un juge indépendant et pas par le directeur de la prison.

Autre mesure : permettre aux détenus de téléphoner dès les premiers jours de leur incarcération, et pas – comme c’est le cas aujourd’hui – au bout d’un mois. Il faut humaniser les prisons pour réduire le choc carcéral. Les détenus ont besoin d’être en contact avec leur femme, savoir si leurs enfants sont en bonne santé. Les parloirs doivent aussi être ouverts dès la première semaine d’incarcération. Aujourd’hui, il faut attendre 3-4 semaines, parfois 3 mois, entre toutes les autorisations administratives.

Vous évoquez aussi le déficit de prise en charge psychiatrique des détenus à risque.

Un chiffre : dans 70% des cas, le risque suicidaire avait été diagnostiqué. Comment expliquer que ces détenus à risque ne soient pas placés en hôpital psychiatrique ? Les directeurs de prisons attendent plusieurs tentatives de suicides avant de procéder à des placements d’office. Il faut que cela change. Car aujourd’hui, au nom de l’obsession sécuritaire, on tue des jeunes. Nicolas Sarkozy parle de « honte de la République », alors qu’il agisse.

Que comptez-vous faire ?

Faire pression. On vient de créer un groupe de travail indépendant avec l’ancien ministre de la Justice Albin Chalandon (1986-1988). Vont travailler avec nous d’importantes personnalités, influentes au sommet de l’Etat. Je ne peux pas vous en dire plus, mais il y aura l’ancien avocat général Guénot, des journalistes qui ont du poids, des spécialistes. Ce sera le plus gros lobby jamais créé pour défendre les prisonniers. Recueilli par Marie Piquemal


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 20 août 2009