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« Dévaster vingt ans de lutte contre le sida »



Libération, 19/03/2009 - Recueilli par Christian Losson

Interview - Quatre responsables d’associations africaines de lutte contre la maladie, outrées par les paroles du souverain pontife.

Que pense l’Afrique subsaharienne du message anticapote du pape ? Où 22 millions de personnes vivent avec le sida   et autant en sont mortes. Où huit pays ont une prévalence supérieure à 15 %. Où on compte 11,5 millions d’orphelins, principalement en raison du sida   ? Libération a interrogé quatre actrices de la lutte.

Margaret Songa (Cameroun), présidente de Swaa, association qui travaille auprès des femmes :

« C’est terrible, cruel et injuste. Le pape arrive dans mon pays en disant qu’il veut prendre l’Afrique dans ses bras, parler de la lutte contre la pauvreté, et il fusille notre combat contre la première cause de pauvreté : le sida  . Le sida  , ça a sapé nos solidarités, ça a sacrifié une génération entière, ça a plongé notre continent dans la misère. Cette croyance aveugle en un dogme de l’abstinence est juste destructrice. On ne dit pas que le préservatif est la solution contre la pandémie. Mais sans préservatif, on n’y arrivera pas. »

Rebecca Hodes (Afrique du Sud), directrice de la recherche de Treatment action campaign :

« C’est délirant, rageant et écœurant. Dire que les préservatifs aggravent le problème, c’est dire que la religion est plus importante que la vie : la définition même de l’obscurantisme. C’est négationniste aussi, car les enquêtes scientifiques montrent que la seule prévention basée sur l’abstinence et la fidélité marche moins bien que la prévention par les capotes. En Afrique du Sud, on vit avec les limites des programmes ABC (Abstinence, Be Faithful - soyez fidèle -, use a Condom - utilisez une capote). On a encore 1 000 infections par jour. Des femmes violées, forcées, trompées, ou qui tarifent leurs relations. Des femmes forcément dégoûtées par la nouvelle trahison de l’église. »

Martine Somda (Burkina Faso), présidente de REVS (RESPONSABILITé- ESPOIR-VIE-SOLIDARITé +) :

« Le Vatican vit hors du temps. Loin de la réalité. Loin des hommes et des femmes que l’église prétend guider. Comment fait-on quand on est contaminé par le virus ? On sauve une vie en mettant un condom ou on est criminel, et on contamine l’autre ? Si on est chrétien, on met un préservatif, non ? La capote, c’est un don de Dieu. Ici, d’ailleurs, les religieux l’ont presque tous compris. Ils l’utilisent ou meurent du sida  . Même ceux qui font vœux d’abstinence n’arrivent pas à le respecter. Ils sont encore plus déchirés que nous par la cécité du pape. »

Dembélé Bintou Keita (Mali), directrice de Arcad sida  

« Si on veut dévaster vingt ans de lutte contre le sida  , on fait ce que vient de dire le pape. On proscrit le seul outil qui peut bloquer la chaîne de transmission du VIH  . Et on ruine les efforts des ONG et des gouvernements qui ont mis tellement de temps à travailler ensemble. Même le président, Amadou Toumani Touré, a montré une capote à la télé… Les autorités locales musulmanes, au moins, sont plus intelligentes. Elles parlent rarement du sida  , préfèrent fermer les yeux et ne condamnent pas l’usage du préservatif. Normal, avec la polygamie, un homme peut légalement contaminer quatre femmes. »


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 22 mars 2009

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