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Enfants porteurs du VIH : le poids des mots, le risque du secret



Catherine Dollfus - huffingtonpost - 31 Mars 2012 - Dans mes consultations, l’importance des mots est cruciale. Il convient de faire clairement la distinction entre VIH   et sida  , terme employé souvent à tort, par excès, alors que le mot VIH   est mal connu. Le VIH  , c’est l’infection virale par le virus de l’immunodéficience humaine et le sida  , c’est le stade ultime de gravité de la maladie, qui est le syndrome de l’immunodéficience acquise. Or, si les enfants que je reçois sont effectivement infectés par le VIH  , ils passent très rarement par la phase du Sida  .

Cette précision est primordiale parce que le mot sida   reste angoissant et stigmatisant, associé à un risque de mort prochaine alors qu’aujourd’hui une personne séropositive (porteuse du VIH  ) qui suit bien son traitement peut escompter une espérance de vie presque normale. En grandissant, les enfants infectés par le VIH   devront comprendre pourquoi ils sont suivis, et prennent des médicaments alors même qu’ils ne se sentent pas malades.

Secret familial

Le VIH   chez l’enfant est une maladie familiale, fréquemment alourdie par la honte, la culpabilité, le secret. Certaines mères n’osent pas informer leur conjoint ou leurs autres enfants séronégatifs de leur maladie. Ce qui complique encore plus la délivrance de l’explication à l’enfant infecté. Le poids de ce secret va avoir un effet négatif sur lui, notamment sur la régularité de son traitement et sa scolarité.

Une prévention efficace

95% des infections à VIH   de l’enfant résultent d’une transmission périnatale de la mère à son enfant. Si les enfants développent très rarement le sida  , c’est grâce au suivi attentif des mères séropositives, et des nouveau-nés. Elles sont prises en charge tout au long de leur grossesse. Une fois l’enfant né, la détection de l’éventuelle infection est précoce, suivie de la mise en route immédiate du traitement. De ce fait, les enfants n’ont pas de raison d’expérimenter le moindre symptôme lié au virus.

La médecine a beaucoup progressé sur cette situation de la transmission de la mère à l’enfant. Depuis dix ans, le taux de transmission avoisine 1% seulement, grâce à la bonne prise du traitement anti-rétroviral par la mère pendant la grossesse, voire même avant la conception. Ensuite, le nouveau-né suit un traitement préventif pendant un mois et la mère ne doit pas l’allaiter. Ce système est extrêmement efficace. Les transmissions résiduelles résultent le plus souvent d’une prise en charge trop tardive ou d’un traitement mal pris.

Expliquer sans mensonge

Parfois, les diagnostics se font en cours de vie, à l’occasion de complications, ou bien de la découverte tardive d’une séropositivité chez la mère, ou encore d’enfants arrivant de pays de forte endémie (Afrique, Asie Centrale, ex-URSS...).

Là encore, la manière de parler aux enfants, en âge de comprendre est capitale. Il faut leur expliquer leur maladie petit à petit, en l’adaptant à leur âge. Sans mensonge. Par exemple, ne pas dire à un enfant qu’il est malade alors qu’il n’a pas de symptômes, ou parce qu’il tousse et c’est pourquoi il doit prendre des médicaments, alors qu’il ne tousse plus depuis longtemps. Le travail des médecins et de toute l’équipe de soins est d’arriver à lui faire comprendre qu’il a une sorte de "microbe" dans son sang, qui peut fragiliser ses défenses immunitaires. Grâce aux médicaments prescrits, le microbe ne peut pas se multiplier. Ainsi, il reste en bonne santé. Soulignons néanmoins que des progrès restent à faire pour les traitements du VIH   chez les enfants, traitements multiples, mauvais goût des sirops, grande taille des comprimés...

L’adolescence est toujours un âge vulnérable. La lassitude du traitement au long cours, l’envie d’etre autonome, le besoin d’être comme les autres sans la contrainte du traitement expose les adolescents atteints de maladies chroniques à des refus ou oublis de traitements. Les soignants sont confrontés alors à des situations difficiles lorsque la non prise du traitement met le jeune en danger. C’est le cas lorsque la révélation du diagnostic à l’adolescent a été trop tardive entrainant révolte absolue, déni et refus de la maladie et du traitement. Cela peut prendre parfois des années avant que tout ne rentre dans l’ordre.

Valoriser le travail en équipe

Enfin, je conclurai ainsi : la prise en charge multidisciplinaire est indispensable. Médecins, infirmiers, psychologues, assistantes sociales doivent travailler de concert, en cohérence avec les équipes qui prennent en charge les parents, et les associations. Cette prise en charge globale est indispensable et prend du temps. Or, elle n’est pas du tout valorisée sur le plan financier ni reconnue ! On nous parle de restrictions budgétaires, de non renouvellement ou non remplacement de personnels.

Le suivi des adolescents qui ne respecte pas toujours le cadre de la consultation nécessite une grande disponibilité, peu valorisée, mais seule garante d’un suivi de qualité et d’une réduction des perdus de vue.

Catherine Dollfus - Pédiatre, responsable de l’unité VIH   en hématologie et pédiatrie de l’hôpital Trousseau


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 8 avril 2012

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