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"Le Secret de Chanda" : une histoire simple contre l’omerta autour du sida


Mots-Clés / Film

Le Monde - Critique | 30.11.10 | 17h05

C’est une sorte de film à suspense. La question n’est pas de savoir ce qu’il adviendra des personnages, une jeune fille et sa mère qui vivent dans une cité précaire d’Afrique du Sud. L’enjeu tient autour du moment où l’on osera prononcer un mot, "sida  ". Omniprésente, s’insinuant dans tous les moments de la vie quotidienne, la maladie n’est jamais nommée par les personnages qu’elle frappe - directement ou pas. Réalisé par Oliver Schmitz, qui fut l’un des premiers à braver l’apartheid une caméra à la main avec Mapantsula, en 1987, Le Secret de Chanda décrit la chape de silence qui pèse autour de cette pandémie, là où elle fait le plus de ravages.

En Afrique du Sud, le taux de séropositivité atteint presque 12 %. On a coutume d’employer à ce sujet le terme de "statistique effrayante". Mais l’effroi qui frappe à la lecture de ces chiffres n’est rien en comparaison de celui qui tétanise toute une société. Très simplement - car il s’adresse à tout le monde, des préadolescents aux vieillards -, Oliver Schmitz montre les vies ravagées par les conséquences de la double peine que s’inflige l’Afrique du Sud, gouvernée au plus fort de la pandémie par un homme, Thabo Mbeki, qui a toujours refusé de reconnaître la réalité et la gravité du sida  . On estime à 350 000 victimes supplémentaire le bilan de cet aveuglement.

Chanda (Khomotso Manyaka) vit entre pauvreté et misère avec sa mère et les enfants que celle-ci a eus d’un homme alcoolique et malade. La famille vit sous la bienveillante mais envahissante tutelle d’une pieuse femme, dont le fils est mort lors d’une agression- dit-elle. Chanda fréquente l’école et pourrait, si elle travaille bien, rentrer au lycée, mais sa mère s’affaiblit peu à peu et ne parvient plus à subvenir aux besoins du foyer.

A chaque étape, on devine tout de suite - et le scénario est agencé dans ce but - que le virus a frappé toutes ces victimes du sort, la mère de Chanda et son compagnon, le voisin "assassiné". Mais, dans ce faubourg peuplé de gens venus de leur village, la maladie reste d’abord une malédiction, la manifestation d’un esprit mauvais venu sanctionner quelque péché. Le syncrétisme entre animisme et christianisme évangélique que décrit Oliver Schmitz est proprement effrayant tant il nourrit l’ignorance tout comme l’est le mélange entre médecine traditionnelle et jargon new age qui permet à des charlatans de vendre très cher des "médicaments" qui, non seulement ne soignent pas mais favorisent la contagion.

Le Secret de Chanda est donc un film militant qui n’a pas honte de sa vocation pédagogique. Oliver Schmitz a suffisamment de métier et de confiance dans le cinéma pour que son histoire simple et tragique ne se réduise pas à un tract. Il filme avec clarté et sensibilité cet espace mal défini qui ressemble tantôt à un enfer urbain, tantôt à un village qui aurait trop vite grandi.

Il sait aussi saisir avec une précision quasi dickensienne ces personnages secondaires qui surgissent au fil du récit : une tante venue de la campagne avec ses préjugés, un entrepreneur de pompes funèbres qui est le seul à prospérer au milieu de la catastrophe. La figure de la meilleure amie de Chanda, Esther (Keaobaka Makanyane), est particulièrement frappante : petite orpheline du sida   qui tourne mal, objet de l’opprobre universel, elle est la descendante africaine des filles Thénardier.

LA BANDE-ANNONCE

Film sud-africain d’Oliver Schmitz avec Khomotso Manyaka, Lerato Mvelase, Keaobaka Makanyane. (1 h 46.) Thomas Sotinel


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 1er décembre 2010

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