Accueil >>  VIH/Sida >>  Accès aux ARV et aux soins

Le Sud court toujours après les médicaments

Cinq ans après la promesse de l’OMC de favoriser les génériques, c’est le statu quo.


mardi 14 novembre 2006 - Par Christian LOSSON

Les médicaments au Nord, les malades au Sud : l’apartheid sanitaire se poursuit. « Cinq années de promesses trahies », disent les ONG qui se battent pour un accès aux soins (notamment antisida) dans les pays les plus pauvres. Cinq années de quasi statu quo, voire de retour en arrière, loin des déclarations d’intention des pays développés ? C’était le 14 novembre 2001. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) était alors à Doha, au Qatar, pour relancer le round du cycle du développement, aujourd’hui ensablé dans les lagunes des questions agricoles. A l’époque, la communauté internationale avait assoupli les textes régissant la propriété intellectuelle et la santé. Le droit à la santé allait-il primer sur le droit des brevets ? En cas d’ « urgence sanitaire », les pays en développement se voyaient offrir la possibilité de copier des médicaments (génériques) plus accessibles. Il leur suffisait de recourir à une « licence obligatoire » (une loi) pour importer des génériques sans l’accord du laboratoire propriétaire du brevet. Mais, en pratique, l’adoption de licences obligatoires, très compliquées et très longues, est rarissime. En partie à cause de la vacuité des gouvernements du Sud et des pressions politico-économiques de ceux du Nord... Résultats : seule une poignée d’Etats (Cameroun, Philippines, Zimbabwe, etc.) ont osé franchir le pas. Mais, « au Niger, par exemple, il existe huit molécules antirétrovirales disponibles, quand bien même sept existent ailleurs sous version générique », dénonce Khalil Elouardighi d’Act Up. La dynamique s’est enrayée. L’Organisation mondiale de la santé (OMS  ) reconnaît que 74 % des médicaments antisida demeurent sous monopole. Que 77 % des Africains n’ont toujours pas accès aux antirétroviraux. Que 30 % de la planète n’a pas un accès régulier aux médicaments essentiels. Si la propriété intellectuelle n’explique pas tout, elle joue le rôle d’entrave. Les Etats-Unis ont même durci leur politique par le biais d’accords de libre-échange dans lesquels ils ont déjà musclé, dans une quinzaine de pays, la propriété intellectuelle. Ou font pression indirectement. Pionnier dans la fourniture de traitements à ses malades, le Brésil a tenté, en vain, de passer une licence obligatoire. Car, confronté au prix de nouveaux traitements, plus performants, couverts par des brevets, « le pays a vu le coût moyen d’un traitement passer de 1 300 dollars en 2003 à 2 500 en 2005, raconte ainsi Pedro Chequer, ex-directeur du programme antisida brésilien, cité par Act Up . Mais Washington a menacé de représailles et la licence a été abandonnée ». Les firmes pharmaceutiques ne sont pas en reste. « Au Pérou, des multinationales ont payé des malades pour qu’ils dénoncent la qualité des génériques », rappelle Germán Velásquez de l’OMS  . En Inde, « Novartis est en procès contre le gouvernement pour qu’ils stoppent un générique d’un médicament contre le cancer, le Glivec », dit Céline Charveriat, de l’ONG Oxfam. Au Philippines, Pfizer ferraille contre le gouvernement qui veut produire une version générique de Novarsc (dans le top 10 des ventes mondiales), dont le brevet expire fin 2007. La bataille fait rage. Même au sein d’Unitaid  , nouvelle centrale d’achat de médicaments promue par la France et financée par la taxe sur les billets d’avion. Objectif des ONG : que la question de la propriété intellectuelle figure dans les statuts de l’organisation en cours de rédaction. Et qu’un soutien logistique aux pays du Sud leur soit apporté afin qu’ils puissent recourir à des licences obligatoires...


VOIR EN LIGNE : Libération
Publié sur OSI Bouaké le samedi 18 novembre 2006

 

DANS LA MEME RUBRIQUE