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Seronet - 26 août 2012 -

Vieillir avec le VIH  . La question intéresse…de plus en plus : les personnes vivant avec le VIH  , au premier chef, mais aussi les militants, les chercheurs, les médecins, etc. La question peut être abordée de deux façons : l’ancienneté de la contamination par le VIH   et/ou une hépatite virale et le fait d’être séropositif et âgé. Aujourd’hui, les personnes parlent…les chiffres aussi. Quels sont les enjeux de l’avancée en âge avec le VIH   ? Seronet trace quelques pistes.

"Avez-vous des rapports sexuels : fréquemment, rarement, jamais ?", "Vous définissez-vous comme hétérosexuel, homosexuel, bisexuel ?" Directes, utiles, les questions du questionnaire sur la sexualité des seniors mis au point par l’antenne régionale de Sida   Info Service (SIS) et distribué par le Centre communal d’action social (CCAS) de Cannes dans trois foyers de retraités, ainsi qu’à des particuliers, ont suscité une polémique. A tel point que des élus s’en sont émus en conseil municipal : le questionnaire serait trop intime, aurait choqué certaines personnes. Conséquence : il a été retiré de la circulation par la municipalité de Cannes. L’affaire pourrait paraître anecdotique, mais elle est très révélatrice d’un état d’esprit… Comme s’il était impossible d’imaginer qu’à 70 ans on puisse encore avoir des désirs, une vie sexuelle, être exposé au VIH   ou aux infections sexuellement transmissibles. Et pourtant, l’avancée en âge n’enterre pas la vie affective et sexuelle ; pas plus que le passage à la retraite n’éloigne du risque d’être atteint d’une IST. Cette censure est d’autant plus surprenante que des études scientifiques pointent l’intérêt pour les personnes qui avancent en âge d’avoir une sexualité et que des données épidémiologiques indiquent que les personnes âgées sont aussi concernées par le VIH   et les IST.

Les chiffres parlent

"Nous avons remarqué qu’au niveau national, 4,7 % des découvertes de séropositivité concernaient les plus de 60 ans, alors que ce chiffre est de 7 % en région Provence Alpes-Côte d’Azur", explique à l’AFP le délégué départemental de SIS pour les Alpes- Maritimes, Stéphane Grondin. C’est une des raisons du lancement du questionnaire. Dans plusieurs pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne ou Canada) le nombre de nouveaux cas de syphilis, gonorrhée, chlamydia et d’infection par le VIH   a doublé parmi les plus de 50 ans ces dix dernières années. En Floride, les infections sexuellement transmissibles auraient progressé de 71 % en dix ans. L’Office fédéral de la santé publique en Suisse indique, qu’entre 2002 et 2011, les nouveaux diagnostics de chlamydia sont passés de 71 à 218, ceux de gonorrhée de 31 à 158 parmi les quinquas et les sexagénaires. Les cas de syphilis sont passés de 127 à 193 cas entre 2006 et 2011. Chez les personnes âgées de plus de 70 ans, les chiffres augmentent également, rappelle le journal Le Matin (9 juin 2012).

A leurs amours !

S’intéresser à une vie sexuelle lorsqu’on est âgé, est-ce normal ? "Le manque d’attention apporté par les institutions réservées aux personnes âgées aux besoins sexuels de leurs résidents est préoccupant, alors même que la sexualité et l’intimité jouent un rôle central dans la santé et le bien-être des individus jusqu’à un âge avancé", explique l’article d’une équipe de chercheurs australiens publié le 25 juin dernier par le Journal of Medical Ethics. Ces chercheurs, spécialistes du grand âge, dénoncent la politique instaurée par nombre d’établissements qui ont des attitudes très conservatrices sur la question. Ce qui conduit, de facto, à vouloir priver de relations sexuelles leurs pensionnaires âgés, quel que soit leur état de santé. "Les recherches montrent que les personnes âgées veulent une reconnaissance de leur sexualité et pensent que les professionnels devraient s’enquérir de leurs besoins", notent les auteurs de l’article cité par l’AFP. Et la situation n’est guère différente en France, en Suisse ou au Québec.

Des enjeux particuliers

Bien évidemment, le risque d’exposition au VIH   et aux IST comme la revendication d’une sexualité ne doivent pas cacher les enjeux très particuliers et majeurs que pose la question du vieillissement avec le VIH  . Il est possible d’aborder cette question de deux façons : l’ancienneté de la contamination par le VIH   et/ou une hépatite virale et le fait d’être séropositif et âgé. On trouve alors différents types de profils de personnes vivant avec le VIH   qui vieillissent : des personnes d’un âge déjà avancé qui sont ou ont été contaminées tardivement, des personnes qui vivent depuis longtemps avec le VIH   (parfois sans le savoir) et qui sont plus ou moins âgées. "Il y a vingt ans lorsqu’on m’a annoncé que j’étais séropositif. Je ne croyais pas que je vieillirais avec le VIH   (...) Affaibli, amaigri, émacié, j’étais convaincu que je ne verrais pas mes cinquante ans, que je ne verrais pas grandir mes trois enfants, encore moins mes petits-enfants (…) Toutes ces années m’ont appris que c’était et que ça demeure possible de vivre avec le VIH  , de vieillir avec le VIH  . Toutes ces années m’ont appris à profiter pleinement de la vie, à ré-espérer que le futur est possible bien qu’il faille vivre le moment présent. Toutes ces années m’ont appris qu’après l’hiver blanc viendra le printemps vert, il y aura un été fleuri, un automne de repos et que l’hiver reviendra", explique Jacques dans son témoignage écrit en mai 2012. Jacques vit au centre du Québec et se définit comme "personne vieillissant avec le VIH  ". C’est devant quelque soixante-dix personnes, venues assister à un débat sur "Vivre et vieillir avec le VIH  /sida   en 2012" organisé par les Elus locaux contre le sida   et Les Petits Bonheurs [1], que Michel, président d’honneur des Petits Bonheurs, prend la parole : "Je dois dire que je me porte bien. J’ai 76 ans. J’ai appris ma séropositivité il y a vingt-six ans. J’ai fait un très long parcours. Il faut de la chance. J’ai eu celle d’évoluer dans un milieu aussi peu stigmatisant que possible par rapport au VIH   : j’étais haut fonctionnaire au ministère de la Culture. Je suis suivi à la Pitié- Salpêtrière [un hôpital parisien, ndlr] où le suivi n’est pas exclusivement technique. Tout s’est correctement passé entre 1985 et 1995. En 1996, j’ai développé un kaposi, démarré une trithérapie. Depuis les choses ne sont pas faciles tous les jours (…) Je traîne aujourd’hui un handicap   à la marche qui affecte un peu ma vie, mais j’ai décidé de faire comme si cela allait".

Une conférence de consensus communautaire

Au démarrage de son intervention, Michel a expliqué que son expérience n’avait "de valeur que singulière", façon de dire qu’elle n’était pas transposable à d’autres situations. Ce témoignage porte pourtant une question qui semble partagée par tous : vieillir d’accord, mais comment ? Cette question de la qualité de vie est sous-jacente au projet sur lequel AIDES travaille. "Le projet Vieillissement que nous menons avec l’appui financier d’AG2R [mutuelle] est né d’une préoccupation grandissante des personnes rencontrées lors de nos actions quant à leur avenir", explique Franck Barbier, responsable Action thérapeutique et Santé à AIDES. "Les personnes ont intégré qu’elles vivront avec et vieilliront avec le VIH  . On le doit aux traitements actuels qui sont efficaces et qui, alliés à un suivi médical optimal, accessible, global et coordonné, permettent de tabler sur une espérance de vie proche de la population générale". Du coup, les personnes séropositives qui avancent en âge réfléchissent désormais à leur avenir, aux ressources qu’elles auront, à l’endroit où elles vivront, à l’entourage affectif et l’aide à la vie quotidienne dont elles disposeront au suivi médical que leur long parcours avec le VIH   nécessitera. En fait, se superposent les questions que tout le monde se pose lorsqu’on vieillit et celles, spécifiques, au fait de vieillir en vivant avec le VIH  . "Nous voulons réaliser un recueil des besoins", explique Franck Barbier, "qui sera la base de la conférence que nous proposerons en 2013. Il ne s’agit pas de faire un colloque de plus, mais une conférence de consensus communautaire qui réunisse les personnes concernées, les professionnels et militants, les médecins et chercheurs. L’objectif est de passer en revue tous les champs, d’identifier les problèmes, de faire des propositions concrètes et d’anticiper sur des solutions dans le système de soins, dans l’accompagnement, les droits sociaux, la vie quotidienne. L’idée est de produire des recommandations précises pour les autorités de santé, les médecins, les acteurs de la recherche, les décideurs politiques et institutionnels ; des recommandations qui soient aussi fortes que celles du Rapport Yeni sur la prise en charge du VIH  ".

On sait des choses !

Pour déterminant que soit le recueil des besoins actuellement conduit, il ne faut pas croire que la question du "Vieillir avec le VIH  " est une terre inconnue. Il y a des données produites depuis plusieurs années à l’étranger et des données plus récentes dont celles de l’enquête "VIH  , Hépatites et Vous" 2010. "Il existe des études anglo-saxonnes qui traitent du vieillissement avec le VIH   soit d’un point de vue épidémiologique, social ou économique. Il y a ainsi une étude pour laquelle 914 personnes de New York vivant avec le VIH   de plus de 50 ans ont été interrogées [étude ROAH en 2006], explique Daniela Rojas Castro, coordinatrice de recherche communautaire à AIDES. Pour la France, l’enquête VESPA 2 qui traite de la question du vieillissement nous donnera de nouvelles informations, d’autant plus intéressantes que les personnes qui ont répondu ce sont celles de l’enquête Vespa 1 [en 2004, ndlr] qui ont vieilli".

L’isolement en questions !

"La précarité financière et sociale, l’isolement matériel, les difficultés d’hébergement sont documentées à propos de la population générale", indique Adeline Toullier, responsable du Soutien juridique et social à AIDES. "Mais ces difficultés peuvent se poser avec une acuité particulière pour des personnes qui ne pensaient pas pouvoir vieillir et n’ont du coup, pas anticipé. En outre, le lien social ne fait pas l’objet de recherche particulière dans d’autres études existantes alors qu’il est apparu comme une dimension cruciale du vieillissement des personnes vivant avec le VIH  . Les résultats de "VIH  , Hépatites et Vous" 2010 indiquent un manque de soutien social important et interrogent la place de la personne séropositive vieillissante. On peut citer un chiffre : 32 % des personnes qui ont répondu n’ont jamais quelqu’un à qui parler en cas de besoin". L’isolement et ses conséquences tiendront une place particulière dans le projet conduit par AIDES. Pour de nombreuses personnes, vieillir est une chance ; une chance incroyable pour des personnes à qui on avait demandé de faire le deuil de leur avenir. Aujourd’hui, vieillir est possible. Reste à savoir comment, dans quelles conditions sociales et matérielles, avec quelle qualité de vie… Ces questions sont majeures aujourd’hui d’autant plus quand on sait (ce qu’indique une enquête officielle) [2] que si l’espérance de vie progresse toujours en France, la population se déclare diminuée de plus en plus tôt.

  • Remerciements à Guillemette Quatremer (AIDES) qui travaille sur le projet Vieillissement.

[1] Rencontre "Vivre et vieillir avec le VIH/sida en 2012" à Paris, janvier 2012

[2] Enquête de l’Institut national des études démographiques sur l’espérance de vie en bonne santé dans l’union européenne, avril 2012


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 30 août 2012

 

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