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RDC : La rue, terrain propice au VIH/SIDA

un exemple des vulnérabilités multiples que subissent les enfants


LUMUMBASHI, 24 juillet

Nick avait sept ans lorsqu’il a été accusé de sorcellerie et s’est enfui de son village. Arrivé seul par un train de nuit à Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), l’un de ses premiers combats d’enfant des rues a été d’apprendre à se défendre contre la violence.

« Les plus grands [des enfants des rues] nous embêtent, ils nous arrachent notre argent, nos vêtements, notre nourriture et puis ils veulent nous forcer à ‘faire les rapports sexuels’. Les soldats aussi nous embêtent », raconte ce garçon frêle âgé aujourd’hui de 10 ans, qui flotte dans son tee-shirt délavé barré d’un ‘Luttons contre le sida   et la séparation familiale’, souvenir de la Journée de l’enfant africain le 16 juin dernier.

Il porte encore les cicatrices des brûlures et sévices que sa mère lui a infligés pour lui faire avouer son rôle dans la disparition « mystérieuse » d’une casserole.

Peu après son arrivée, Nick s’est rendu chez des religieuses qui l’ont orienté vers la maison Bumi (‘La vie’, dans l’une des langues locales), une ONG qui accueille les « shegue », surnom donné aux enfants des rues par l’artiste congolais Papa Wemba.

La majorité des quelque 5 000 enfants qui auraient trouvé refuge dans les rues de la capitale du Katanga, une région très touchée par des années de guerre, a été chassée par leur famille, qui les ont accusé de sorcellerie pour mieux pouvoir s’en séparer, faute de pouvoir les nourrir.

« Mais peu à peu, on s’est rendu compte qu’il y avait aussi le problème des maladies chroniques, comme le sida  , on chasse les enfants [infectés au VIH  ] parce qu’ils coûtent trop cher, ou, même s’ils ne sont pas séropositifs, parce leurs parents sont morts du sida   et que les familles veulent récupérer l’héritage », a dit Thérèse Ilunga, co-fondatrice avec son mari, de Bumi.

A leur arrivée à la maison Bumi, ces enfants bénéficient d’un contrôle médical général dans le centre sanitaire que gère l’association. En cas de doute, le test de dépistage du VIH   est proposé aux plus grands, et fait d’office aux plus petits : sur les quelque 140 enfants que Bumi accueillait en juillet, environ 10 d’entre eux étaient séropositifs.

Bumi assure leur suivi médical, en contrôlant leur alimentation et les éventuelles parasitoses. L’ONG congolaise Amocongo prend ensuite en charge les infections opportunistes liées au VIH  /SIDA   — elle soutient environ 1 500 orphelins du sida   au Katanga.

Pour ceux qui ont besoin de traitements antirétroviraux (ARV  ), la situation est plus délicate : seuls quelques enfants bénéficient d’ARV   pédiatriques à Lubumbashi, aux frais de leur famille ou de ceux qui les prennent en charge.

En attendant l’arrivée des ARV   pédiatriques financés par le Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme, espérée pour la fin de cette année, Amocongo doit se limiter à faire des prescriptions pour des médicaments génériques, disponibles à un prix variant entre 40 et 60 dollars par mois.

La rue, lieu d’exposition au VIH  /SIDA  

S’il est souvent difficile de savoir dans quelles circonstances a eu lieu la contamination au VIH  , en revanche une chose est certaine : les conditions de vie dans la rue exposent les « shegue » au virus, surtout les filles.

« Les filles des rues sont quasiment toutes contraintes à se prostituer pour survivre, elles le font pour leur copain, pour le groupe qui les entoure et pour les clients », a constaté Bony, chargé de la protection pour le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) à Lubumbashi.

Et les violences que ces enfants, garçons ou filles, subissent, sont courantes. Parmi les 300 à 400 enfants des rues qui fréquentent quotidiennement le centre Bakanja, fondé par les pères salésiens, dans le centre-ville, beaucoup finissent par reconnaître qu’ils en ont été témoins ou victimes.

A 19 ans, Franklin, qui a passé la moitié de sa vie dans les rues de Lubumbashi, est l’un d’entre eux. Comme Nick et les autres, en majorité des enfants âgés entre six et 18 ans, il vient au centre dans la journée pour faire sa lessive, préparer son repas et jouer au football avec d’autres enfants ; et la nuit pour dormir et ainsi se mettre à l’abri des violences.

« Les grands [ont] des rapports sexuels avec les petits, beaucoup, surtout la nuit, ils leur offrent un repas et après ils disent qu’il faut ‘faire des rapports’ », a-t-il expliqué, affirmant qu’il y avait toujours échappé. « Je me suis fait beaucoup taper mais maintenant j’ai grandi, je tape aussi, je me défends. »

Car lorsqu’il s’agit de se protéger, ces enfants sont souvent livrés à eux-mêmes. Les agresseurs bénéficient même de la complaisance des forces de l’ordre, a affirmé Franklin. « Un grand qui avait violé un petit a été arrêté par la police, mais après, les amis [de l’agresseur] sont venus, ils ont payé et le grand est sorti de prison ».

Les autorités locales reconnaissent cette réalité, contre laquelle elles essayent de lutter avec le soutien de partenaires tels que l’Unicef, la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), les ONG, les leaders religieux et traditionnels, et les structures étatiques.

Des séances de sensibilisation sur les violences sexuelles sont menées, notamment auprès des forces de sécurité ; celles-ci sont régulièrement montrées du doigt, soit parce qu’elles ferment les yeux sur ces violences, soit parce qu’elles y participent.

L’Unicef a soutenu l’ouverture de centres d’information sur le VIH  /SIDA   pour les jeunes, qu’ils viennent de la rue ou non. Quatre de ces centres ont été mis en place à Lubumbashi, où ils proposent des activités ludiques et des informations sur l’épidémie, ainsi que des préservatifs.

Surtout, pour tous les acteurs humanitaires travaillant avec les enfants des rues, le meilleur moyen de les protéger des violences et d’une éventuelle infection au VIH   est de retisser les liens familiaux ou communautaires qui ont été rompus par la guerre, la pauvreté ou la maladie.

« Nous essayons d’établir des liens de confiance avec les enfants des rues pour connaître leurs vrais problèmes », a expliqué le frère Pascal Mukendi, l’un des responsables du centre Bakanja. « A partir de là, nous faisons un travail d’identification des familles : où elles sont, pourquoi leurs enfants sont dans la rue. »

Dans un contexte où le nombre d’enfants des rues ne cesse d’augmenter, ce travail est nécessaire, a conclu Mme Ilunda, de Bumi. « Si nous n’agissons pas au niveau des familles et si nous acceptons de prendre [tous les enfants] sans rien dire, nous aurons toute la ville. »


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 24 juillet 2006

 

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