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RDC : Avec la fin des opérations militaires, de nombreux viols sont le fait de civils


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Bunia, 23 janvier 2008 (IRIN)

Malgré la fin des opérations militaires et le désarmement des miliciens dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), les viols et autres violences sexuelles restent fréquents, selon la communauté humanitaire.

Si la plupart de ces actes étaient auparavant imputables aux hommes en uniformes, aujourd’hui, bon nombre des auteurs de viols sont des civils.

« Les violeurs courent les rues ; la coutume [locale] veut qu’ils paient une chèvre [pour dédommager la famille de la victime] sans purger de peine de prison. Pire encore, certains de ces violeurs sont séropositifs ou vieux, et violent des filles de 12 à 13 ans pour, pensent-ils, être guéris [d’une maladie] ou vivre plus longtemps », a dit Marie Pacuryema, coordinatrice de l’organisation non-gouvernementale (ONG) locale Solidarité féminine pour la paix et le développement intégré en Ituri (SOFEPADI).

Selon le rapport de Médecins sans frontières-Suisse, publié en novembre 2007, chaque mois depuis 2003, 30 à 500 patients déclarent avoir été victimes d’une agression sexuelle en Ituri. Au moins 2 708 personnes ont été violées en 18 mois, et plus de 7 000 en quatre ans, peut-on lire dans le rapport.

« Les statistiques ne sont pas conformes à ce qui se passe sur le terrain », a affirmé Marie-Louise Uronya, chef du Bureau Genre, famille et enfant en Ituri.

« Beaucoup de personnes violées ont peur de se présenter par honte, par peur des représailles, par peur d’être rejetées par la société, ou pour d’autres raisons », a expliqué Mme Uronya.

« Pour le moment, des mères violées il y a trois ou quatre ans continuent de venir nous voir », a-t-elle ajouté.

Si auparavant les victimes étaient violées par deux agresseurs ou plus, et parfois en présence de tierces personnes, depuis le début de l’année 2007, le viol est le fait d’un seul agresseur.

« Ça ne semble pas s’arrêter ; nous pensons que les violeurs d’hier, qui ont été démobilisés de l’armée et réinsérés dans la communauté, n’ont pas mis fin à leur pratique », a affirmé Francine Mangaza, chargée de la protection de l’enfance au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le district de l’Ituri.

Le Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR) a permis de démobiliser et de réinsérer dans la communauté au moins 23 000 anciens combattants et plus de 11 000 enfants-soldats.

Les auteurs de viol sont principalement des militaires, des agents de police, des civils, des anciens combattants et même des enfants.

« Les militaires et les agents de police sont censés connaître la loi, qui est bien expliquée dans les centres de formation. Mais je me suis rendu compte qu’ils violaient pour défier la loi. Aucun n’a prétendu ignorer la loi. Au cours des jugements, ils disent plutôt ignorer l’âge des victimes, ce qui n’est pas vrai car une fillette de 13 ans est facilement reconnaissable par sa morphologie », a dit le Major Innocent Mayembe, président du tribunal militaire du district de l’Ituri, à Bunia, la capitale régionale.

De lourdes peines

Selon les magistrats, les formes d’agressions sexuelles actuelles sont beaucoup plus violentes et dangereuses qu’auparavant.

En février 20w07, François Molessa, alias Bozizé, commandant d’un bataillon des forces armées de la RDC (FARDC), et quelques-uns de ses éléments à Bavi, une ville située 60 kilomètres au sud de Bunia, ont été condamnés à la perpétuité pour avoir tué trente civils, avant de les enterrer dans une fosse commune. Parmi les victimes, les femmes et les fillettes avaient toutes été violées avant d’être tuées.

« Vous verrez l’auteur de viol se comporter comme un animal. L’agresseur se transformer en bête. Il s’attaque et s’empare de la victime comme d’une proie [.], le violeur abandonne la victime après être repu », a dit le Major Mayembe.

Des propos confirmés par une jeune femme de 18 ans, violée par des soldats en mars 2007.

« Vers deux heures du matin, mon mari a entendu quelqu’un pousser la porte. Nous avons pensé à des bandits. Ils continuaient de pousser la porte pendant que nous tentions de la bloquer de l’intérieur », a-t-elle raconté.

« Mon mari a ouvert la porte en brandissant un couteau, mais l’agresseur était armé d’un fusil. Il a menacé mon mari en lui disant que c’était la fin de sa vie et lui a tiré une balle dans le cou. Mon mari est tombé et est décédé sur le champ ».

« Nous avons crié pendant longtemps pour demander de l’aide mais personne n’a osé sortir. Quand mon mari est tombé, j’ai ouvert la porte ; j’ai vu un soldat des FARDC, armé d’un fusil et en uniforme militaire ».

« Il m’a dit qu’il me tuerait si je refusais de coucher avec lui. Il m’a violée puis m’a demandé à manger. J’ai mal au bas-ventre ; j’ai trop de soucis car mon mari avait de l’argent et cet homme a tout pillé. Je suis restée veuve ».

L’agresseur a été condamné à mort pour meurtre et viol par le tribunal militaire de Bunia.

« Nos verdicts sont très sévères pour dissuader les hommes en uniformes. Pour les cas de viol, nous les renvoyons de l’armée, les condamnons à la perpétuité, en cas de décès de la victime. Nous refusons toutes circonstances atténuantes telles que les provocations de la victime ou les mours légères de cette dernière pour justifier le viol », a expliqué le Major Mayembe.

mais peu d’avancées

Toutefois, l’impact de ces lourdes sanctions n’est pas très significatif puisque très peu d’affaires sont jugées par le tribunal par rapport au nombre de victimes enregistrées, a constaté le Major Mayembe.

« Il est difficile de dire objectivement s’il y a des avancées car les statistiques [sur les viols] sont restées constantes en termes d’affaires jugées. En 2007, le tribunal militaire n’a jugé que 17 cas de viol. Il est difficile pour la justice militaire de déceler tous les cas de violences sexuelles », a-t-il déploré.

Dans la lutte contre les viols et autres violences sexuelles, la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) enquête sur tous les cas de viol commis par des agents de l’Etat (agents de police, miliciens, soldats des FARDC) et traduit en justice les auteurs de ces délits. En outre, la mission mène une campagne de sensibilisation auprès des militaires.

Selon la division des droits de l’homme de la MONUC, le nombre de viols commis par des agents de l’Etat est en diminution. Actuellement, les cas de viol concernent le plus souvent des civils et des mineures.

À la prison centrale de Bunia, sur les 30 garçons emprisonnés, 14 à 15 d’entre eux sont des enfants détenus pour viol.

Culture de l’impunité

L’une des causes de la persistance des viols est la culture de l’impunité, a fait remarquer Mme Mangaza de l’UNICEF.

L’UNICEF a accompagné au moins 110 victimes de viols en Ituri, mais 80 jugements n’ont pas été rendus.

Pour Mme Mangaza, cette situation encouragerait les violeurs potentiels qui penseraient alors pouvoir échapper à de lourdes peines ou au paiement d’une amende.

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Bunia, le conflit en Ituri, qui a éclaté en 1999 et a duré plus de cinq ans, a fait au moins 50 000 morts et 150 000 déplacés, qui ne sont pas encore retournés chez eux, pour des raisons de sécurité.


Publié sur OSI Bouaké le lundi 28 janvier 2008

 

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