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Qui écrit, qu’est-ce qu’ils écrivent, les âges, la scolarité, la nomination des enfants, etc.

Formation continue des parrains et repères contextuels sur la vie de nos filleuls


Mots-Clés / CSAS

Paris, le 19 février 2004

Chers amis,

La bonne nouvelle est confirmée : nous avons atteint l’objectif que nous nous étions fixé en août dernier : trouver 24 parrains pour Bouaké. Cet objectif avait justifié la campagne d’alerte que nous menons sur notre action en Côte d’Ivoire (par voie de presse, sur notre site, par mail et par courrier). C’est grâce à votre engagement à tous que nous y sommes parvenus : grâce à votre ténacité, votre incroyable motivation et au soutien que nous apportons mutuellement dans les moments de découragement.

La mobilisation est cependant loin d’être terminée : le SAS nous sollicite pour poursuivre notre action en trouvant des parrains pour 5 aïeules et 4 enfants supplémentaires, parmi lesquels il y a 2 enfants contaminés (dont un sous trithérapie, et un autre plus grand, sans traitement et qui s’accroche pourtant). Ces demandes sont en attentes que nous ayons de nouveaux volontaires...

Ce mail s’appelle « formation continue des parrains » car voilà un moment que je souhaite vous apporter un certain nombre de points avec vous. Ce qui suit a pour but de vous permettre de mieux comprendre les relations que vous entretenez ou allez entretenir avec votre filleul.

1) Les lettres des enfants

a) Qui écrit ?

C’est le SAS qui sollicite les enfants pour nous envoyer des courriers. Marthe, leur référente, est chargée de ‘faire la ronde’ des concessions pour demander aux enfants et à leurs tuteurs d’écrire au parrain. Donc parfois, il est possible que ce soit un adulte qui écrit au nom de l’enfant dont il s’occupe, soit que l’enfant ne sache pas suffisamment bien écrire, ou qu’il voit mal, ou d’autres raisons encore. Je vous signale ce point parce qu’il peut arriver d’une lettre à l’autre, l’écriture de votre filleul change... Parfois, il arrive que Marthe rassemble les enfants dans les locaux du SAS pour les stimuler. Un adulte encadrant peut alors faire parler l’enfant et rédiger pour lui. Cette démarche ne nous pose pas de problème à partir du moment où le SAS est en contact avec les filleuls et nous garantit leur bien-être. Je vous rassure tout de suite, ces cas sont assez marginaux et vous le voyez bien vous-même, la plupart des enfants écrivent eux-mêmes (voir point suivant !).

b) Qu’est-ce qu’ils écrivent ?

Lire leurs lettres est toujours un vrai régal, tant du point de vue de l’expression que du contenu... Mais ne soyez pas traumatisés par tous ces enfants qui demandent un vélo à leur parrain : c’est-à-dire quasiment tous. Le vélo est ce qu’ils peuvent imaginer de plus beau et de plus précieux de la part de quelqu’un qui est perçu comme tout-puissant (et oui, c’est de vous dont il s’agit !). D’autres veulent des poupées, des habits de fêtes, venir en vacances en France etc. Tous les rêves leur sont permis puisqu’un adulte pense suffisamment à eux pour envoyer de l’argent tous les mois. Alors en plus si cet adulte vit en Europe... Après en avoir discuté avec Penda, nous avons décidé de laisser libres les enfants de rêver, et de ne pas les empêcher de formuler ces demandes. Néanmoins, il nous semble important de sensibiliser les parrains : ne prenons pas ces demandes au pied de la lettre et ne vous culpabilisez pas s’il vous plaît ! Personne n’est tenu de répondre à des demandes qui sont davantage de l’ordre du rêve que du domaine du possible. Pour calmer toutes les ardeurs : Bouaké est toujours une ville dont il est très compliqué de sortir et à fortiori d’entrer. Même pas la peine d’imaginer y faire parvenir un convoi de vélos !!

2) Les âges

Dans la plupart des cas, l’âge mentionné de l’enfant peut varier d’un support à l’autre, ou d’une lettre à l’autre. Les données ne se recoupent pas toujours... De même que beaucoup d’enfants semblent nés le 1er janvier ! L’état civil n’existe pas en Côte d’Ivoire, du moins de façon aussi systématique. La plupart des enfants ont un âge approximatif, mais il varie souvent selon le regard de la personne qui évalue. Les Nations Unies sont très sensibles au problème de l’état civil des enfants en Afrique (ce point fait partie de la déclaration des droits des enfants), mais le problème est loin d’être résolu. Certains orphelins n’ont pas d’acte de naissance et l’âge est toujours estimé par les proches. Ne vous formalisez pas forcément sur ces variations.

3) La scolarité

Il n’y a pas de correspondance à établir entre l’âge et le niveau scolaire. Tout d’abord pour les raisons évoquées ci-dessus quant à la fiabilité de l’âge de l’enfant, ensuite parce que un enfant peut être scolarisé très tard. Ou encore être déscolarisé pendant un temps (un an par ex) et reprendre l’école ensuite là où il l’avait laissée. Ceci explique que dans une même fratrie, nous trouvions des enfants d’âge différents et pourtant au même niveau scolaire (ex : des frères de 8 et 12 ans tous les 2 en CE1, ou un même enfant peut être en CP1 à 6 ans, et se retrouver en CP2 à 10 ans s’il a été déscolarisé par ex). Bref, ne faites pas forcément de corrélation entre le niveau scolaire, l’âge et la classe fréquentée. Une de nos filleule a 15 ans, elle est en 5ème et c’est une excellente élève...

4) La nomination des enfants

Vous parler des noms en pays baoulé m’oblige à faire un rapide détour anthropologique.

a) Les ethnies en pays baoulé

Bouaké est le lieu de rencontre et de mélange de 2 grands groupes :

  • Les djulas (« commerçants » en malinké), originaires de l’ancien et immense empire Mandingue (en particulier du Mali et du Burkina Faso), qui se sont installés en Côte d’Ivoire à partir du 14ème siècle au début de la chute de l’empire. Ils parlent le djula, langue très proche du bambara et de la même famille que le malinké. Ils sont majoritairement musulmans et strictement patrilinéaires : transmission du nom de père en fils ; les enfants appartiennent à leur famille paternelle (en particulier à leur oncle, le grand frère de leur père).
  • Les baoulé (« l’enfant est mort » en baoulé), originaires de l’ancien empire Akan (Ghana). Les Akans, civilisation de l’or, se sont divisés : une partie a été emmenée par la Reine Pokou et est arrivée en Côte d’Ivoire au début du 18ème siècle. Ces migrants ont donné naissance à de nombreuses ethnies en Côte d’Ivoire parmi lesquelles les baoulé, dont la capitale est Bouaké. Ils parlent une langue Kwa, le baoulé, sont majoritairement chrétiens et/ou de religion traditionnelle. Ils sont matrilinéaires, c’est à dire que traditionnellement les noms ne se transmettaient pas de manière linéaire, et les enfants appartiennent à la famille de leur mère (à leur oncle maternel en particulier). Néanmoins, avec la colonisation et l’importation des modèles européens, la transmission du nom de famille se fait actuellement par le père.

Ces 2 groupes cohabitent depuis fort longtemps et se mélangent en mariages mixtes. Mes explications sont beaucoup plus caricaturales que ne l’est la réalité.

b) Les noms

Concernant les djulas, les noms sont ceux des grands clans de l’Empire mandingue. Ces noms sont légendaires pour qui connaît l’histoire : Keita, Coulibaly, Cissé, Touré, Koné, Konaté... Venant du Mali, nous trouvons aussi des noms castés (Diabaté), ou d’autres encore comme Sidibé (origine peule) ou Ouattara, etc. Chaque individu hérite du nom de famille de son père et a un prénom individuel (souvent un grand-parent) : Mamadou, Inza, Koria, Lassina, Maïmouna etc.

Pour les parrains, pour l’instant ce n’est pas trop compliqué, tout le monde suit. Ensuite, ça se corse avec les Baoulé.

A l’origine, il n’y a pas à proprement parler de nom de famille chez les baoulé. L’enfant est généralement nommé selon son sexe et le jour de la semaine où il est né.

Jour : Garçon/Fille

Lundi : Kouassi / Akissi

Mardi : Kouadio / Adjoua

Mercredi : Konnan / Amlan

Jeudi : Kouakou / Ahou

Vendredi : Yao / Aya

Samedi : Koffi / Affoué

Dimanche : Kouami / Amoin

L’enfant prend le prénom de son père en nom de famille + le prénom du jour où il est lui-même né + actuellement souvent un nom chrétien, qui devient le prénom usuel.

D’autres prénoms baoulé sont attachés à des lieux (Korotoum désignerait le Nil, selon Youssouf Tata Cissé, vestige des origines possibles des Akans qui viendraient de Haute Egypte), des animaux, des arbres, des lieux, ou varient selon leur place dans la fratrie (Gnissan, Blou, Ndri...), ou leur statut de jumeaux (Amlan et Ahou, Konnan et Nda Kouakou).

Chez tous les ivoiriens, l’orthographe est assez fluctuante et les scripteurs ont tendance à écrire les prénoms à l’oreille. Un enfant s’appelant Lassina, peut aussi s’écrire Lassinan ou Lassana, il s’agit dans tous les cas du même prénom. Pour le baoulé, c’est plus difficile car la langue comporte des sonorités difficiles à transcrire car n’existant pas en français.

5) Les fratries

Les liens familiaux entre les frères et sœurs sont complexes. Tout d’abord, les alliances sont souvent polygames : un homme étant susceptible d’avoir plusieurs épouses (4 maximum pour les musulmans, nombre indéterminé selon les traditions africaines). Tous les enfants nés de même père sont frères et sœurs : il n’y a pas de « demi-frères » en Afrique. Chez les patrilinéaires, le meilleur mariage consiste à marier le cousin et la cousine ensemble. Par extension, les cousins sont également appelés frères. Chez les matrilinéaires, les enfants de même mère sont frères et sœurs. Les cousins maternels sont également des frères et ils appartiennent tous au clan maternel. Plus d’étonnement donc lorsque le nombre de frères et sœurs de votre filleul varie selon les lettres !


Publié sur OSI Bouaké le samedi 7 mai 2005

 

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