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Psychiatrie : plus de loi, moins de droits

La réforme des soins psychiatriques doit être définitivement adoptée demain. Un texte empreint d’une logique sécuritaire, où les malades n’auront plus leur mot à dire.


Libération - 30/05/2011 - Par Eric Favereau

C’est un bouleversement comme il y en a peu dans l’histoire de la folie, mais voilà, tout le monde s’en fout. Dans la nuit de lundi à mardi, en quelques heures, les députés ont adopté en seconde lecture le texte sur la réforme des soins psychiatriques. L’affaire est pliée, l’adoption définitive prévue par les députés demain. Et à partir du 1er août, comme l’avait exigé le Conseil constitutionnel, cette nouvelle loi sera applicable.

« Loi fourre-tout », « texte bâclé », « millefeuille incompréhensible », « loi de circonstance ». Tous les qualificatifs y sont passés pour dénoncer ce projet, y compris par des élus de la majorité. Et c’est vrai que ce texte manque d’abord de cohérence. On ne peut le résumer qu’en égrenant les mesures phares.

« Confiance ». D’abord, un changement conceptuel décisif. Jusqu’à présent, seule l’hospitalisation pouvait se faire sans le consentement du patient. Le législateur permet désormais les « soins ambulatoires sans consentement ». Une personne peut maintenant être contrainte à prendre un traitement. Si elle ne suit pas les consignes, elle peut être menacée d’hospitalisation. « Où est la confiance, nécessaire à tout lien thérapeutique ? » se sont alarmés tous les syndicats de psychiatres.

Deuxième changement, le directeur de l’hôpital pourra signer une hospitalisation sans consentement « pour péril imminent ». Jusqu’à présent, seule l’autorité préfectorale (ou municipale) pouvait le faire. Ou sur la demande d’un proche du patient après avis médical (hospitalisation à la demande d’un tiers). Ensuite ? Pendant soixante-douze heures, le patient sera examiné, médicamenté sans le moindre regard extérieur. « Cela permettra de gérer la crise et de recevoir éventuellement son consentement », nous avait expliqué la secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra. Certes… Mais il est particulier qu’à l’heure où les avocats peuvent intervenir dans les commissariats de police dès la première heure de garde à vue, les malades en souffrance psychique aient droit à un black-out total de… trois jours.

Confusion. Troisième modification, imposée par le Conseil constitutionnel, l’intervention d’un juge d’application des peines qui doit donner son aval à toute hospitalisation sous contrainte dépassant quinze jours. Pour certains, l’intrusion de la justice dans le monde de la santé mentale est une bonne nouvelle, car elle est garante des libertés. Pour d’autres, c’est une confusion extrême, car c’est faire croire que le malade relève de la justice. En tout cas, l’arrivée du juge met la chancellerie dans tous ses états. Ce sont des centaines de milliers de décisions qui devront être rendues. L’embauche decinq juges et de quelques greffiersne devrait pas suffire. Même le garde des Sceaux, Michel Mercier, s’est montré dubitatif : « Le juge n’est ni médecin ni préfet. Ne complexifions pas trop. »

Reste que cette loi n’a guère suscité de remous dans la société. Les murs pour se protéger de la folie ont pris la couleur de l’indifférence.


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Publié sur OSI Bouaké le mercredi 1er juin 2011

 

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