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"On veut toujours nous enfermer"

Awa a 30 ans, prostituée. Elle travaille dans une association malienne Danaya So, ce qui veut dire Maison de la confiance.


Par Eric FAVEREAU - Vendredi 18 août 2006 - 16:37

Comment vous êtes vous retrouvée à militer ? Moi je suis du Burkina. Je suis venue au Mali par l’intermédiaire d’une amie qui m’a accompagnée. Et puis arrivée à Bamako, elle a disparu, alors j’ai été obligée de faire ce métier. Dans le quartier où j’habitais, il y avait une animatrice de quartier. J’étais assise à la porte, et elle cherchait des personnes-relais. C’est comme cela que je suis devenu bénévole dans l’association. Parce qu’elle savait que j’étais instruite. Cela fait maintenant plusieurs années.

Et la situation bouge ? Un peu. On veut toujours nous enfermer, faire une séparation entre les travailleuses du sexe et le reste du monde. Mais, le problème, c’est que ce n’est pas comme cela. Moi, je reçois tout le monde. Mon client, c’est n’importe qui, c’est le mari d’une autre femme, c’est le père de mon amie, c’est le voisin. Nul n’est épargnée. La prostituée ne se prostitue pas seule, il y a plein de papas. C’est ça qu’il faut dire, il faut casser cet isolement. Et on a beaucoup à faire. Içi, tout le monde se prostitue. Quand tu as cinq ou dix petits amis, et qu’ils te donnent de l’argent, c’est quoi si ce n’est de la prostitution ?

Ce congrès sert-il à quelque chose ? C’est la première fois que je vais à ces réunions. Là, dans le débat, il y avait plein de filles. Il y avait cette femme Inuyt qui racontait comment elle était doublement exclue, inuit et travailleuse du sexe. Il y a quelqu’un qui a demandé comment faire pour amener les travailleuses du sexe à aller dans les centres de soins. Il y a quelqu’un qui a répondu qu’il suffisait de leur parler gentiment. Un autre a dit : et pourquoi les clients ne vont pas, eux, aux centres de santé ? C’est bien, d’entendre tout cela.


Publié sur OSI Bouaké le vendredi 18 août 2006

 

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