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Le préservatif gagne le corridor Abidjan-Lagos


ELUBO, 10 janvier (PLUSNEWS) - Les trois millions de personnes qui voyagent chaque année le long de la route reliant la Côte d’Ivoire au Nigeria peuvent désormais s’approvisionner en préservatifs, mais aussi apprendre à s’en servir.

Selon Agapit Yao Akolatse, qui travaille à Cotonou, la capitale du Bénin, avec le projet Corridor, 3,2 millions de préservatifs ont été distribués ou vendus dans les cinq pays concernés en 2005, trois fois plus qu’en 2003 et dix fois plus qu’en 2004.

Le projet, une initiative pionnière appuyée par les Nations unies et financée par la Banque mondiale à hauteur de 16 millions de dollars, a démarré en 2002 pour quatre ans afin de renforcer les politiques nationales de prévention et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH  /SIDA  , mais aussi d’améliorer la fluidité des frontières et la protection des migrants, des travailleurs du secteur des transports et des populations locales.

C’est, surtout, le premier projet de lutte contre l’épidémie fondé sur une approche régionale, pour une réponse consolidée à la pandémie en Afrique de l’Ouest.

Long de plus de 1 000 kilomètres, l’axe Abidjan-Lagos traverse les principaux centres économiques de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria, une région fortement touchée par le virus avec des taux de séroprévalence variant de deux pour cent (au Bénin) à sept pour cent (en Côte d’Ivoire).

Selon les Nations unies, environ 10 pour cent des trois millions de personnes qui se déplacent le long de cette route commerciale seraient contaminés par le virus.

Pour les promoteurs du projet, il était essentiel d’étendre l’usage des préservatifs et pour cela multiplier les centres de distribution et les lieux de paroles.

« La vente des préservatifs a nettement augmenté depuis 2002 », a ainsi expliqué Moses Andoh, point focal du comité frontalier de lutte contre le sida   (CFLS) du projet Corridor et représentant de la fondation de marketing social du Ghana (GSMF) à Elubo, un petit village ghanéen situé sur la frontière avec la Côte d’Ivoire.

« Les ventes de préservatifs sont passées de 7 000 par mois en 2002 à plus de 12 000 en 2005 », a dit M. Andoh à PlusNews, ajoutant que le nombre de points de distribution à Elubo a été multiplié par six en trois ans.

Il a expliqué que la mise à disposition des préservatifs est allée de pair avec une meilleure éducation des populations, encadrées depuis 2003 par des pairs éducateurs issus des groupes à risque visés par le projet : chauffeurs routiers, forces de sécurité, hôteliers, responsables de gares routières et de commerces, prostituées, portefaix, etc.

Ainsi, à Noé, le village ivoirien qui fait face à Elubo, de l’autre côté de la frontière, 64 pairs éducateurs sensibilisent les voyageurs et les habitants à l’usage des milliers de préservatifs que leur distribuent les organisations non-gouvernementales et les associations partenaires du corridor.

Les pairs éducateurs s’assurent que les préservatifs sont utilisés.

Selon George Badi, point focal du CFLS à Noé, 34 000 préservatifs ont ainsi été distribués, et utilisés, entre janvier et juin 2005 : « Les gérants d’hôtels nous ont aussi confirmé que leurs clients utilisent les préservatifs », a-t-il assuré.

A Aflao, un village ghanéen situé sur la frontière avec le Togo, ce sont 35 000 préservatifs qui sont désormais vendus ou distribués chaque mois aux habitants et aux voyageurs, a expliqué Victoria Kpelly, membre du CFLS local.

Hôteliers ou gérants de gares routières, tous semblent mobilisés pour faire du préservatif un objet courant, que l’on trouve sur sa table de chevet ou qui accompagne sa facture d’essence.

Oncle John, membre du CFLS d’Elubo, co-gérant de l’hôtel Cocoville et transporteur lui-même, est un fervent promoteur du préservatif.

« Dès l’arrivée des clients, je leur parle des préservatifs [vendu à moins d’un cent américain les quatre]. A ceux qui n’achètent pas, je leur donne ceux que le projet corridor met à notre disposition », a-t-il expliqué. « Le lendemain, je retrouve les papiers d’emballage des préservatifs partout dans les chambres. »

A l’occasion, oncle John prône la bonne parole auprès des routiers. « A chaque fois que nous nous retrouvons dans une autre ville, je distribue des préservatifs aux chauffeurs. Maintenant, ils savent ce qu’ils risquent et ils ont tous l’habitude de se protéger. »

L’un de ses confrères, Joes Emissa, un chauffeur d’Elubo qui transporte des marchandises entre le Ghana et le Togo, a ajouté que non seulement les chauffeurs utilisent les préservatifs mais qu’ils en distribuent aux passagers.

« Nous voyageons avec toutes sortes de personnes et donc nous en profitons pour promouvoir le préservatif. Tous les chauffeurs ont des préservatifs dans leur cabine, et ils en achètent quand ils en manquent », a-t-il dit.

Ce serait aussi le cas des forces de sécurité, les douaniers, les policiers, les gendarmes ou les militaires, qui surveillent et contrôlent le trafic aux frontières, selon Emessis Folaké Agbefaoh, une femme douanier du Nigeria, aujourd’hui à la retraite, devenue pair éducatrice au poste des douanes nigérianes de Sémé, à la frontière avec le Bénin.

L’adjudant-chef ivoirien Nicolas Aché, en service au poste frontière de Noé, a confirmé cette propension des forces de l’ordre à utiliser les préservatifs pour se protéger de l’infection au VIH  . « Quand nous discutons entre nous et qu’ils racontent avoir couché avec une femme, ils disent aussi qu’ils ont mis une capote », a-t-il expliqué.

Selon Agapit Yao Akolatse, le projet corridor devrait distribuer 12 millions de préservatifs d’ici décembre 2007 via des organisations de marketing social et des associations locales.

Il a ajouté que des distributeurs automatiques seront prochainement installés dans les huit zones frontalières, lieux de brassages et d’attente à haut risque pour les populations vulnérables aux infections sexuellement transmissibles, dont le sida  .

« Notre objectif est de rendre les préservatifs accessibles à toutes les couches vulnérables, ils sont donc distribués ou vendus à très bas prix », a expliqué M. Akolatse. « Nous voulons développer chez les populations l’habitude d’acheter des préservatifs quand elles n’en ont plus ».


Publié sur OSI Bouaké le mardi 10 janvier 2006

 

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