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Lâché par la Maison Blanche, Paul Wolfowitz démissionne


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LE MONDE | 18.05.07 | 14h25 • Mis à jour le 18.05.07 | 14h25

Paul Wolfowitz a annoncé, vendredi 18 mai, à son conseil d’administration qu’il quitterait la présidence de la Banque mondiale le 30 juin. L’affaire de népotisme où il était empêtré depuis la révélation, il y a un mois, de son intervention pour faire augmenter de façon anormale la rémunération de sa compagne Shaha Ali Riza, salariée de la Banque, se solde par son éviction.

Le conseil d’administration lui sauve la face en déclarant qu’il "accepte" sa déclaration selon laquelle " il a agi de façon éthique et en toute bonne foi". Autre concession du conseil, il reconnaît " que de nombreuses erreurs ont été commises par plusieurs personnes (...) et que la Banque n’a pas démontré sa capacité à gérer les tensions rencontrées".

Cette affirmation d’un partage des responsabilités était exigée par M. Wolfowitz qui se reconnaissait responsable mais pas coupable. Aucun arrangement financier n’agrémente ces subtilités et le président bénéficiera de la clause de son contrat qui prévoit, en cas de départ, le paiement d’un an de salaire, soit 375 000 dollars (278 000 euros).

Cette démission représente un nouvel échec pour George W. Bush dont M. Wolfowitz, ancien numéro deux du Pentagone, avait inspiré la politique en Irak. Le président américain a déclaré "regretter qu’on en soit arrivé là" et exprimé son "admiration pour Paul Wolfowitz".

A l’opposé, le personnel de la Banque qui était entré en rébellion contre son président au point de le huer en public s’est irrité des formulations diplomatiques du conseil d’administration. Allison Cave, présidente de l’Association du personnel, a même affirmé qu’il "était inadmissible qu’il reste un jour de plus".

La situation du président de la Banque n’était plus tenable depuis la publication, lundi 14 mai, du rapport du comité ad hoc chargé d’enquêter sur l’avancement et les augmentations salariales consentis à sa compagne avant qu’elle ne soit détachée au département d’Etat, en 2005.

Le rapport concluait qu’en dictant lui-même au responsable des ressources humaines de la Banque les termes des promotions de Mme Riza, M. Wolfowitz "s’était placé de facto dans un conflit d’intérêts". Le comité soulignait "la crise de crédibilité et d’autorité" qui en résultait pour l’institution.

Ce document avait renforcé le camp des partisans du départ de M. Wolfowitz au sein de l’administration Bush - Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, et Condoleeza Rice, la secrétaire d’Etat - et réduit au silence ceux qui, avec le vice-président Dick Cheney, affirmaient que l’affaire avait été montée en épingle par les Européens pour se venger d’un des principaux artisans de la guerre en Irak.

L’affaire risquait de tourner à l’humiliation pour les Etats-Unis, si les vingt-quatre membres du conseil d’administration de la Banque étaient appelés à voter. Seuls les représentants américains (16,38 % des voix) et japonais (7,86 %) auraient appuyé le président lâché par le Canada et certains Etats africains qui lui étaient au départ favorables.

Les multiples appels à la démission venus d’Europe, mais aussi d’Amérique latine et des organisations non gouvernementales (ONG) soulignaient que M. Wolfowitz ne pouvait d’un côté mener une croisade contre la corruption dans les pays bénéficiaires de l’aide de la Banque et, de l’autre, donner prise à une grave accusation de népotisme qui décrédibilisait son discours moralisateur.

Le président a aussi pâti de n’avoir pas élaboré, en vingt mois, de stratégie claire de lutte contre la pauvreté. Son conseil d’administration lui en avait fait grief, en janvier. Il avait répondu que sa priorité était l’Afrique, ce qui avait été jugé bien court.

Cette carence et le comportement autoritaire d’une garde rapprochée venue de la Maison Blanche et du Pentagone ont mis en lumière l’alignement des décisions du président sur les intérêts américains, en particulier lorsqu’il imposa la réouverture du bureau de Badgad ou quand il abandonna, à la demande du département d’Etat, la lutte contre la corruption au Tchad pour permettre à cet Etat d’utiliser l’argent du pétrole pour contrer les attaques venues du Soudan.

La suppression d’un programme de contrôle des naissances à Madagascar ou l’ordre d’éliminer toute référence au réchauffement climatique ont confirmé que l’idéologie néo-conservatrice inspirait sa présidence.

Ainsi que le veut une règle non-écrite depuis 1944, le successeur de M. Wolfowitz devrait demeurer américain, en dépit des appels comme celui de l’ONG Oxfam qui demande que cette nomination soit faite "sur la base du mérite et dans le cadre d’un processus transparent".

Parmi les candidatures qui circulent à Washington avec le plus d’insistance figurent celles de Stanley Fischer, gouverneur de la Banque d’Israël et citoyen américain, de Robert Zoellick, ancien représentant du commerce, de Paul Volcker, ancien président de la Banque centrale américaine, et de Robert Kimmitt, numéro deux du Trésor. La candidature de Tony Blair, futur ex-premier ministre britannique, demeure hypothétique.

Alain Faujas Article paru dans l’édition du 19.05.07

CHRONOLOGIE

1 ER JUIN 2005.

Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la défense et l’un des artisans de la guerre en Irak, est nommé président de la Banque mondiale.

1ER SEPTEMBRE.

Sa compagne, Shaha Ali Riza, salariée de la Banque depuis huit ans, voit son salaire augmenter de 132 660 à 193 590 dollars (144 000 euros), avant d’être détachée au secrétariat d’Etat pour éviter un conflit d’intérêts.

JANVIER 2006.

Un courriel adressé au personnel et signé "John Smith" dénonce la "mauvaise conduite" et le népotisme du président.

12 AVRIL 2007.

Le président reconnaît "son entière responsabilité" dans l’affaire Riza, mais plaide la bonne foi.

14 MAI.

Un rapport du comité d’enquête interne conclut que M. Wolfowitz "s’est placé de facto dans un conflit d’intérêts" et que la Banque subit "une crise de crédibilité et d’autorité".


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 19 mai 2007

 

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