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La trithérapie devrait probablement être initiée plus tôt chez les patients infectés par le VIH2


(Aids, vol.22, n°4, p.457-468)

WASHINGTON, 3 mars 2008 (APM) - Les patients infectés par le VIH  -2 devraient peut-être initier leur traitement à un taux de CD4 plus élevé que ceux touchés par le VIH  -1, considèrent des chercheurs français dans un article paru dans Aids.

Tandis que le VIH   de type 1 prédomine dans la plupart des régions du monde, le VIH  -2 affecte essentiellement les pays d’Afrique occidentale mais également l’Angola et le Mozambique, rappelle-t-on.

En Europe, le VIH  -2 touche principalement le Portugal, ancienne puissance coloniale de ces deux derniers pays, et la France. Dans cette dernière, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a estimé à 2% la part de nouveaux diagnostics d’infection par le VIH  -2 en 2006 (1,9 % d’infections à VIH  -2 seul, 0,1 % de co-infections VIH  -1/VIH  -2), une proportion stable au fil des ans.

Plusieurs études ont suggéré que le VIH  -2 était moins virulent que le VIH  -1, que ce soit au niveau de la charge virale, du taux de CD4, du taux de mortalité et de la transmissibilité. Or tous ces travaux ont été menés en Afrique subsaharienne, jamais en Europe ou aux Etats-Unis.

Estimant que "l’environnement pourrait jouer un rôle dans les différences de pathogénicité entre les deux infections", Julia Drylewicz, de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED, Inserm U897) à Bordeaux, et ses collègues ont mené une étude, la première dans un pays du Nord, comparant les deux infections.

Lors de leur étude menée sur la cohorte VIH  -2 française (ANRS CO-5), qui regroupait 572 patients en janvier 2006, les chercheurs ont confirmé les conclusions des travaux africains, après comparaison avec des patients infectés par le VIH  -1.

Hors de tout traitement, la baisse annuelle du taux de CD4 était plus rapide chez les VIH  -1+ que chez les VIH  -2+, que ce soit chez les "séro-incidents", à savoir ceux dont la date de contamination était bien estimée (49 cellules/mm3 vs 9 cellules/mm3), et chez les "séroprévalents", patients non traités dont la date d’infection n’était pas connue (49 cellules/mm3 vs 11 cellules/mm3).

La charge virale était plus élevée chez les VIH  -1+ que chez les VIH  -2+, atteignant des valeurs respectives de 4,11 et 2,09 log10 copies/ml chez les "séro-incidents", de 4,39 et 2,62 log10 copies/ml chez les "séroprévalents".

Les raisons de ces différences demeurent inconnues, reconnaissent les chercheurs dans leur article. Parmi les différentes hypothèses figurent celles d’une meilleure adaptation intrinsèque du système immunitaire au VIH  -2, ou d’"une activation lymphocytaire plus sensible au VIH  -1 qu’au VIH  -2", a évoqué auprès de l’APM l’un des auteurs de l’étude, le Dr Rodolphe Thiébaut, chercheur à l’ISPED.

A l’inverse, le traitement entraînait des résultats moins rapides chez les patients VIH  -2+ que chez les VIH  -1+. Sur les deux premiers mois de traitement, le taux de CD4 augmentait de 24 cellules/mm3 par mois avec le VIH  -2 (contre 59 cellules/mm3 avec le VIH  -1) alors que la charge virale diminuait de 0,62 log10 copies/ml (contre 1,56 log10 copies/ml).

"A réponse virologique similaire, la hausse du taux de CD4 était plus faible", bien que les patients aient commencé le traitement au même niveau de CD4, a par ailleurs observé Rodolphe Thiébaut.

"Si ces résultats venaient à être confirmés, il faudrait penser à initier le traitement plus tôt [à un taux de CD4 plus élevé, ndlr] au cours de la maladie" chez les VIH  -2+, a-t-il avancé.

UNE EXPOSITION PLUS LONGUE AU VIH  -2 ?

Pour parvenir au taux de CD4 auquel le traitement devient indiqué (vers 350 cellules/mm3), "cela demande plus de temps [à un patient VIH  -2+], en raison de la baisse plus lente du taux de CD4 ; il a donc été exposé plus longtemps au virus" au moment de sa mise sous trithérapie, a expliqué le chercheur.

Bien que la réponse immunologique à la thérapie soit en partie liée au taux de CD4, elle dépend probablement d’autres facteurs, notamment l’atteinte d’autres tissus (ganglions, thymus), exposés depuis plus longtemps au virus chez les VIH  -2+, a évoqué le chercheur comme explication possible à leur moindre réponse.

"Il va falloir bien évaluer l’efficacité des antirétroviraux contre le VIH  -2", notamment celle des molécules les plus récentes (anti-intégrases, anti-CCR5), a considéré Rodolphe Thiébaut.

Chez ces patients, le schéma de première intention le plus courant demeure l’association de deux analogues nucléosidiques et d’une antiprotéase, rappelle-t-on. En raison des divergences entre le VIH  -1 et le VIH  -2, les analogues non-nucléosidiques ne présentent en effet aucune efficacité contre ce dernier.

Alors que, pour des raisons de méthodologie statistique, le peu de patients VIH  -2+ rend difficile leur étude, il est actuellement envisagé d’"homogénéiser les prescriptions" chez ces patients afin de faciliter leur évaluation, a indiqué le chercheur.


Publié sur OSI Bouaké le mercredi 12 mars 2008

 

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