Accueil >>  VIH/Sida >>  Accès aux ARV et aux soins >>  Actualité

La Thaïlande toujours dans la tourmente, le Brésil entre dans la bataille


Mots-Clés / Génériques

le 7 mai 2007

Les pressions subies par la Thaïlande et le bras de fer entre le Brésil et le laboratoire pharmaceutique Merck sont révélatrices de l’extrême difficulté d’assurer la production de médicaments abordables. Depuis plusieurs mois, la Thaïlande a fait plusieurs pas en avant pour élargir l’accès aux médicaments de ses malades. Elle a, depuis novembre, émis trois licences obligatoires dont deux pour les médicaments anti-sida   Efavirenz et Lopinavir/Ritonavir, utilisés pour des patients dont l’organisme a développé des résistances aux traitements de première intention. En clair, cela signifie que la Thaïlande pourrait fabriquer ou importer des génériques de ces médicaments, bien qu’ils soient brevetés dans le pays. 66.000 flacons d’Efavirenz génériques, c’est-à-dire disponibles à bas prix, ont déjà été importés d’Inde, ce qui a permis la mise sous traitement de patients supplémentaires.  » Des flexibilités prévues par les règles de l’OMC La Thaïlande a parfaitement le droit d’agir ainsi : les règles de l’OMC sur la propriété intellectuelle -réaffirmées en 2001 par tous les pays membres dans la déclaration de Doha- prévoient explicitement des flexibilités qui permettent de contourner les brevets pour des raisons de santé publique. Mais la Thaïlande fait face à d’énormes pressions pour renoncer à ces initiatives.

Le laboratoire américain Abbott, qui produit le lopinavir/ritonavir (sous la marque Kaletra) et qui tient à conserver son monopole sur le marché, a pris de sévères mesures de rétorsion économiques contre la Thaïlande : il a récemment annoncé qu’il arrêterait l’enregistrement de sept de ses nouveaux médicaments dans le pays, dont la nouvelle version, thermostable (résistante à la chaleur), de son Kaletra (voir toutes nos informations sur ce dossier). MSF   se bat depuis des mois, pour que ce médicament, qui présente un avantage majeur pour le traitement du sida   dans les pays du sud où vit la grande majorité des malades, soit disponible à un prix acceptable.

De nombreuses organisations non gouvernementales, dont MSF  , ainsi que des associations de patients ont vivement protesté contre cette attitude. Les condamnations de la décision d’Abbott se sont d’ailleurs multipliées, notamment de la part de la Fondation Clinton, des sénateurs américains, l’OMS  , et en France, Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères.  » Abbott fait payer sa concession Dernier rebondissement en date, le 10 avril Abbott a annoncé un prix moins élevé pour son Kaletra nouvelle et ancienne formules pour 40 pays à « revenu intermédiaire », dont la Thaïlande : 1.000 dollars par an et par patient, c’est-à-dire moins de la moitié des 2.200 dollars demandés jusque-là pour ces pays. A première vue, c’est un vrai progrès. Mais Abbott entend faire payer sa concession au prix fort en la conditionnant au fait que la Thaïlande renonce aux licences obligatoires émises sur ses produits...

Cette situation est révélatrice de l’extrême difficulté, pour les pays qui en ont la volonté, d’appliquer les règles du commerce international et d’assurer la production de médicaments peu chers. Car la Thaïlande n’est pas la seule à subir ce genre d’attaques : l’Inde est en ce moment en procès avec le laboratoire Novartis dans une bataille à bien des égards similaires (voir notre dossier spécial sur le procès Novartis).  » Le Brésil émet une licence obligatoire Mais l’exemple thaïlandais vient aussi de pousser le Brésil à délivrer une licence obligatoire sur l’Efavirenz. Le laboratoire Merck, producteur du médicament, a en effet fait une proposition de prix avantageuse à la Thaïlande après que celle-ci a émis une licence obligatoire sur ce produit. Or, les négociations entre le laboratoire et le Brésil, pour une baisse de prix du même niveau, ont échoué. C’est la première fois que le Brésil va émettre une licence obligatoire. Jusqu’à présent, ses négociations avec les laboratoires produisant des ARV   se sont toujours conclues par des baisses de prix à un niveau acceptable. Car le Brésil, comme la Thaïlande, est l’un des rares pays à revenu intermédiaire à avoir mis en place une politique de soins pour l’ensemble des malades du sida  . Et dans ces deux pays, le succès de ces programmes dépend largement de la possibilité de disposer de médicaments à coût abordable. Tous deux font aujourd’hui l’expérience de leurs difficultés à soigner leurs malades avec des médicaments protégés par des brevets.


VOIR EN LIGNE : MSF
Publié sur OSI Bouaké le mercredi 9 mai 2007

 

DANS LA MEME RUBRIQUE