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Congo Brazza : Dolisie, inquiète de son avenir face au sida

Dolisie est l’une des principales villes sur l’axe ferroviaire qui relie Brazzaville à Pointe-Noire


DOLISIE, 5 septembre 2006 (PLUSNEWS)

Dolisie, dans le département du Niari, dans le sud-ouest du Congo, a abrité cette année les festivités tournantes de l’anniversaire de l’indépendance, des cérémonies qui ont fait venir des centaines de jeunes ouvriers dans cette zone très touchée par le VIH  , privée de tout centre de dépistage et de traitement.

Selon les autorités congolaises, le taux de prévalence à Dolisie, située à 370 kilomètres au sud-ouest de Brazzaville, la capitale congolaise, était de 9,4 pour cent en 2003, soit le deuxième taux le plus élevé du pays après celui de la ville de Sibiti, dans le département voisin de la Lekoumou (10,4 pour cent) -la moyenne nationale est de 4,2 pour cent.

« Le taux de Dolisie reflète la réalité du terrain : la vulnérabilité de la population est très forte, à cause de la position géographique [stratégique] de la ville », a analysé Prospère Diakabana, animateur social du projet VIH  /SIDA   du Forum d’appui aux initiatives locales de développement (FAILD), l’un des partenaires de l’Etat dans la lutte contre l’épidémie dans le Niari.

Construite au coeur d’une région montagneuse, la « capitale de l’or vert » — un surnom dû à une forte exploitation forestière —, Dolisie se trouve à la croisée des chemins qui mènent vers le Gabon et l’enclave angolaise de Cabinda.

Traversée par la voie ferrée qui relie Brazzaville au port de Pointe-Noire, la deuxième ville du Congo, située à 140 kilomètres de là, Dolisie est également l’une des principales régions militaires du pays.

Fief des miliciens proches du régime déchu en 1997, le Niari a été le théâtre de violents combats entre ces groupes armés et les forces gouvernementales entre 1998 et 1999, a aussi rappelé Moïse Ngouaka, un habitant d’un quartier populaire de Dolisie.

« Les affrontements ont été très violents à Dolisie, les viols étaient fréquents et les jeunes filles en ont fait les frais », s’est souvenu le vieil homme.

Ces violences ont fait fuir une partie des habitants de la ville, dont la population est passée de 80 000 âmes avant la guerre civile à 60 000 aujourd’hui.

L’hôpital général, d’une capacité initiale de 250 lits, a été entièrement saccagé et pillé. Bien qu’il soit en phase de reconstruction, il ne pourra héberger de patients avant au moins la fin de l’année et en attendant, les malades sont orientés vers l’hôpital de référence, qui est débordé, selon les autorités sanitaires.

Pas de dépistage ni de traitement

En dépit du taux élevé de séroprévalence du VIH  , le département du Niari ne possède aucun centre de dépistage volontaire du VIH  , encore moins de centre de traitement et de distribution d’antirétroviraux (ARV  ), ces médicaments qui prolongent l’espérance de vie des patients.

Quand elles en ont les moyens, les personnes vivant avec le VIH   à Dolisie et dans sa région se rendent à Pointe-Noire ou à Brazzaville, les seules villes du Congo à disposer de structures de prise en charge, et se procurer des traitements auprès des Centres de traitement ambulatoire mis en place par la Croix-Rouge.

Les patients infectés au VIH   ne sont pas hospitalisés à l’hôpital de référence « Aucun malade du sida   n’est hébergé à l’hôpital de référence [de Dolisie] », a dit Joseph Lolo, coordinateur de l’unité départementale de lutte contre le sida   (UDLS). « Ces malades arrivent chacun avec un zona ou d’autres infections, ils sont soignés et ils repartent chez eux. »

Malgré les appels répétés des acteurs locaux de la lutte contre le sida   pour obtenir des autorités la mise en place de centres de traitement du sida  , « les personnes vivant avec le VIH   ne bénéficient [pour l’instant] que d’une aide alimentaire [fournie par une ONG] », a dit M. Diakabana.

A défaut de pouvoir venir en aide aux personnes déjà infectées, les acteurs locaux de la lutte contre le sida   tente donc de limiter le nombre de nouvelles infections en organisant des campagnes de sensibilisation.

Armand Tsila, chauffeur de taxi à Dolisie, a été sensibilisé sur les risques d’infection au VIH  . Il se dit aujourd’hui convaincu que le préservatif est le seul moyen d’éviter la transmission du virus -un message qu’il est bien décidé à faire passer à ses passagers, grâce à l’autocollant de son syndicat apposé sur son tableau de bord « Nous, transporteurs du Niari, faisons du préservatif notre arme sûre ».

« Quand vous [êtes] à Dolisie, la moindre des choses à faire est de discipliner [vos] instincts sexuels, sinon vous y laisserez votre peau parce que la maladie ne se soigne pas par ici », professe-t-il à des clients sur la route qui les amène de l’aéroport à la ville.

L’un des oncles paternels de M. Tsila, un ancien travailleur de la compagnie nationale ferroviaire, dépisté positif au VIH   en 2003 à Brazzaville, est décédé récemment des suites du VIH  /SIDA  , deux ans après son épouse.

« Au lieu de rester [à Brazzaville], [mon oncle] a jugé mieux de venir se sacrifier ici où aucun médicament ne lui a été administré », a-t-il raconté. « Tout le temps qu’il a souffert, par honte et par manque de moyens financiers, il n’a pas accepté [d’aller] à l’hôpital, alors qu’il manifestait des maladies qu’on pouvait bien soigner. »

Une nouvelle menace pour Dolisie ?

Depuis quelques mois, les acteurs locaux de la lutte contre le sida   sont confrontés à une nouvelle source d’inquiétude.

Car la bonne nouvelle du choix de Dolisie comme ville d’accueil des festivités tournantes de la fête anniversaire de l’indépendance du Congo, le 15 août dernier, cérémonies qui s’accompagnent d’un vaste projet de réhabilitation des infrastructures sociales des régions hôtes de l’événement, pourrait paradoxalement porter un coup dur aux quelques succès enregistrés en termes de prévention du VIH   dans la région.

Pour réaliser ce grand chantier appelé « municipalisation accélérée », dans lequel le gouvernement a injecté 80 milliards de francs CFA (156 millions de dollars), des centaines d’ouvriers sont arrivés à Dolisie et dans 14 autres districts du Niari.

Si les autorités locales et les ONG se félicitent des milliers d’emplois que ce vaste projet a permis de créer dans le département, les acteurs de la lutte contre le sida   ne peuvent s’empêcher d’être inquiets.

Car ces ouvriers jeunes, sexuellement actifs et disposant d’un salaire régulier, ont attiré dans leur sillage des professionnels du sexe venus d’autres régions du pays, à l’image d’Ingrid, originaire de Pointe-Noire.

« Maintenant, Dolisie est notre trésor, c’est un bon marché qui paye mieux qu’ailleurs », a expliqué cette jolie jeune fille de 25 ans, qui affirme gagner au minimum 5 000 francs CFA (10 dollars) par jour, dans un pays où 70 pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Le petit sac d’Ingrid est rempli de préservatifs masculins et féminins, mais c’est loin d’être le cas de tous les travailleurs du sexe et des jeunes ouvriers, selon les acteurs locaux.

« Il est probable qu’avec le travail que nous réalisons, le taux de 9,4 pour cent en 2003 soit en voie de réduction, mais avec la municipalisation accélérée, ce travail risque d’être [réduit à néant] », s’est inquiété M. Diakabana.

Faute de moyens financiers, l’UDLS n’arrive pas à mener des campagnes de sensibilisation de proximité envers les jeunes et les nouveaux arrivants, et à l’exception de la grande banderole installée à l’entrée, qui proclame « Dans 100 grammes de plaisir sexuel, il y a 10 grammes de malheur, je dois utiliser le préservatif pour tous les rapports occasionnels », les actions de prévention sont rares.

« Nous avons néanmoins réussi à diffuser des spots radio et à placer 5 200 préservatifs dans une quarantaine d’hôtels pour qu’ils soient accessibles à tous », a précisé M. Lolo de l’UDLS. « Nous avons un peu plus de 90 pour cent d’individus sains, nous voulons qu’ils le restent. »


Publié sur OSI Bouaké le jeudi 14 septembre 2006

 

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