OSI Bouaké - Trafic d’armes, déraison d’Etat Accueil >>  Zone Franche

Trafic d’armes, déraison d’Etat



Enquete par David Servenay | Rue89 | 02/09/2008 | 12H06

Le trafic d’armes, il faudrait en faire la Une tous les jours. « Rien qu’au Congo, dit l’un des acteurs du film diffusé sur Arte, les armes font un 11-Septembre « tous les jours depuis dix ans ». Techniques d’enquête des ONG, portrait de trafiquants et lobbying à l’ONU   : le documentaire de Paul Moreira et David André fait œuvre utile.

Quelques chiffres d’abord, pour rappeler une réalité simple. Les ventes d’armes sont l’un des commerces les plus lucratifs de la mondialisation :

  • Sept cents millions d’armes légères sont en circulation dans le monde entier
  • chaque année, quatorze milliards de munitions sont produites, soit deux cartouches par humain
  • le marché est évalué à mille deux cents milliards de dollars par an
  • les Etats-Unis arrivent en tête des producteurs, avec 55% des exportations, suivi par le Royaume-Uni (17%), la Russie (8%), la France (6%), Israël (4%) et l’Allemagne (3%).

« Nous ramassons les armes laissées par nos ennemis sur le terrain »

Voilà pour l’offre. Côté « demande », l’Afrique se place dans les meilleurs clients. C’est pourquoi les enquêteurs d’Arte se sont rendus au Congo, dans les forêts du Kivu, où sévit l’une des guerres de milices les plus violentes et les plus meurtrières de ce début de siècle.

Milices « tutsis » soutenues par le Rwanda contre milices « hutus » formés d’anciens génocidaires de 1994. Des deux côtés le même discours -« Nous ramassons les armes laissées par nos ennemis sur le terrain »- et la même discrétion sur les filières d’approvisionnement clandestines. (Voir la vidéo.)

L’originalité de ce documentaire est de lever un coin du voile sur les méthodes d’enquête d’une poignée d’ONG qui ont décidé de s’emparer de la question. Et du coup de comprendre comment les trafiquants se glissent entre les mailles du filet des législations. Finalement, un bon trafiquant d’armes ressemblent presque à un bon avocat qui aurait mal tourné (je n’ai rien contre les avocats, ndlr).

L’exemple de l’Ukrainien Leonid Minin est édifiant. Arrêté dans une chambre d’hôtel en 2000 en Italie, près de Milan , avec quelques « filles » (le mot du procureur), des diamants et de la cocaïne, cet intermédiaire ne sera jamais inquiété pour ses activités liées au commerce illicite de Kalachnikov, alors que les preuves sont accablantes. Explication : la Cour de cassation s’est déclarée incompétente pour juger son cas. (Voir la vidéo)

Comme le Russe Victor Bout, l’Anglo-indien Sanjivan Ruprah ou le Belge Jacques Monsieur, ces spécialistes surfent sur les vagues de la législation. Les pleins, mais surtout les creux : aujourd’hui, aucune législation internationale n’interdit de vendre des armes légères.

Amnesty International, Oxfam et Iansa se sont donc associés au sein du collectif Control Arms. L’idée brillante défendue par Brian Wood, d’Amnesty International, est de promouvoir un traité international signé par tous les membres de l’ONU  . L’initiative bénéficie du soutien de plus cent cinquante pays, à l’exception des quelques régimes autoritaires (Chine, Iran, Irak…) et du principal vendeur, les Etats-Unis.

Dans un entretien où le cynisme le dispute à la candeur, l’ambassadeur américain auprès des Nations unies justifie la position de la présidence Bush. John Bolton raconte pourquoi il est de plus en plus difficile de mener des « actions sous couverture » (« covert actions ») en matière de ventes d’armes. (Voir la vidéo))

Et s’interroger sur la question sous-jacente de ce documentaire : les plus grands trafiquants de la planète ne sont-ils pas les Etats les plus riches ?

► A lire aussi : Le dossier d’Arte sur le film de 93 minutes, diffusé ce mardi 2 septembre à 21 heures, suivi d’un tchat sur Arte.fr avec les auteurs.

Congo : quand les soldats de la paix font du trafic d’armes.


VOIR EN LIGNE : Rue 89
Publié sur OSI Bouaké le mercredi 3 septembre 2008

LES BREVES
DE CETTE RUBRIQUE