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Somalie : Le recrutement d’enfants soldats, une pratique de plus en plus courante



Nairobi, 23 mars 2011 (IRIN) - Face à l’escalade de violence observée dans l’ensemble de la Somalie depuis le mois de janvier, les groupes armés recruteraient un plus grand nombre d’enfants soldats, certains forçant même les enseignants à enrôler leurs élèves.

« ...Des enfants participent aux affrontements et un grand nombre d’entre eux sont tués. Selon certaines informations, les affrontements violents qui ont lieu dans la zone entre Dhusamareb et Ceel Bur, dans la région de Galgaduud, ont également fait de nombreuses victimes chez les enfants », a déclaré le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) le 17 mars, au cours d’une récente offensive contre des groupes rebelles dans la ville de Bulo Hawo, située à la frontière kenyane.

« Les forces du GFT [Gouvernement fédéral de transition], leurs alliés, l’Ahlu Sunna Wal Jama et Al-Shabab, sont tous impliqués dans le recrutement. Al-Shabab [le principal groupe d’opposition armé] en est le premier coupable », a déclaré un responsable d’une organisation non gouvernementale (ONG) qui suit la situation des enfants dans le pays. Le responsable, qui s’exprimait sous couvert de l’anonymat, n’a pas laissé entendre, en revanche, que l’AMISOM (la mission militaire de l’Union africaine en Somalie, déployée pour soutenir le GFT) utilisait elle aussi des enfants soldats.

Bien que l’on ignore leur nombre exact, les enfants soldats seraient entre 2 000 et 3 000 dans les rangs des différents groupes armés, selon les estimations de l’organisme.

Al-Shabab force les maîtres coraniques et autres enseignants, a ajouté le responsable, à lui amener leurs élèves pour les entraîner. « Nous avons constaté une forte recrudescence du recrutement d’enfants depuis janvier 2011. Cela coïncidait avec l’escalade actuelle des violences à Mogadiscio et dans certaines régions du sud et du centre de la Somalie ».

« Exposer les enfants aux échanges de tir, les tuer et les mutiler dans le cadre d’un conflit armé, cela fait partie des violations les plus graves du droit international, que toutes les parties prenantes au conflit sont tenues de respecter. L’exploitation et le recrutement d’enfants de moins de 15 ans est un crime de guerre », a déclaré Rozanne Chorlton, représentante de l’UNICEF en Somalie.

Le GFT a nié enrôler des enfants dans les rangs de ses forces armées. « La politique de ce gouvernement est de ne pas recruter d’enfants, ni d’encourager leur recrutement dans les rangs de l’armée », a dit à IRIN Abdi Haji Gobdon, porte-parole du gouvernement.

Chaque fois que l’on constate la présence d’un mineur dans les rangs des forces gouvernementales, celui-ci est immédiatement libéré et renvoyé dans sa famille, a-t-il expliqué.

M. Gobdon a également invité toute personne ou tout organisme intéressé « à se rendre dans n’importe quelle base militaire gouvernementale pour vérifier par eux-mêmes ».

Disparus

Hawa*, 40 ans, est mère de quatre enfants. Son fils de 13 ans a été recruté de force. « Je le cherche depuis 15 jours », a-t-elle confié à IRIN depuis un camp de déplacés situé à la périphérie de Mogadiscio.

Selon Hawa, c’est Al-Shabab qui lui a pris son fils. « J’ai enfin reçu un appel de lui mardi soir [le 15 mars] et j’entendais des coups de feu. Il était au beau milieu d’un combat. Il est trop jeune pour se retrouver là. Je veux qu’ils libèrent mon fils ».

Hawa n’est pas la seule mère dans cette situation, a-t-elle dit. « Beaucoup de mères sont comme moi. Elles cherchent leurs petits. Le mien n’a même pas l’air d’avoir 13 ans. Il est trop petit. Comment peuvent-ils le prendre ? ».

Incarcérés

Selon le responsable de l’ONG, les enfants qui ne sont pas enrôlés sont confrontés à d’autres difficultés : à Mogadiscio, la capitale, les forces de sécurité du gouvernement arrêteraient en effet les enfants soupçonnés d’être « à la solde d’Al-Shabab ».

« Un grand nombre d’enfants sont détenus dans les prisons publiques, simplement parce qu’une personne les soupçonnait d’être des militants », a-t-il dit.

Le responsable dispose également de preuves, a-t-il dit, qu’un grand nombre de jeunes tués par les troupes du gouvernement et de l’AMISOM étaient des enfants amenés de Jowhar [à 90 kilomètres au nord de Mogadiscio].

Dans les camps où se sont réfugiés des dizaines de milliers de déplacés, ou dans les hôpitaux de Mogadiscio, on trouve « en grande majorité des enfants », a dit le responsable. « Malheureusement, ils ne sont en sécurité nulle part dans ce pays ».

L’UNICEF a également exprimé ses préoccupations au sujet des enfants qui auraient été capturés par le GFT et ses alliés à la suite de l’affrontement à Bulo Hawa. « On ne dispose encore d’aucune information détaillée sur les conditions de leur détention, mais l’UNICEF fait son possible pour en savoir plus, afin d’aider à leur fournir une aide humanitaire et à assurer leur protection ».

Le recrutement d’enfants, une pratique « répandue »

Selon un rapport publié par les Nations Unies en avril 2010, des recherches menées en juin 2009 ont confirmé que le recrutement d’enfants soldats était désormais plus systématique et plus répandu. D’après le rapport, des enfants sont recrutés dans tous les camps, y compris par le GFT.

Un journaliste local a dit à IRIN, sous couvert de l’anonymat, qu’un grand nombre de familles déplacées envoyaient leurs enfants dans des camps de réfugiés au Kenya ou dans des régions sûres, en Somalie, de crainte qu’ils ne soient recrutés de force.

« Ils [leurs parents] ne peuvent pas les protéger », a dit le journaliste. « Les parents qui essaient de le faire risquent leur vie ».

Selon les estimations des Nations Unies, au moins 2,4 millions de Somaliens ont besoin d’aide dans l’ensemble du pays. Ce nombre comprend les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) dans les régions aux mains d’Al-Shabab : 410 000 dans le Couloir d’Afgooye, 15 200 dans le Couloir de Balad [à 30 kilomètres au nord de Mogadiscio] et 55 000 à Dayniile, au nord-ouest de Mogadiscio.

Quelque 600 000 Somaliens se sont également réfugiés dans les pays voisins.

*Un nom d’emprunt


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 7 avril 2011

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