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Mauritanie : Les personnes séropositives exhortent les donateurs à ne pas les abandonner



Nouakchott, 19 octobre 2009 (PLUSNEWS) - Plusieurs associations de personnes vivant avec le VIH   ont fait part de leur désarroi suite à la suspension des financements VIH  /SIDA   de la Banque mondiale, puis du Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme, des décisions face auxquelles elles se sentent impuissantes mais dont elles subissent les conséquences.

[Cet article est le premier d’une série sur la Mauritanie]

Le 14 octobre, des dizaines de personnes vivant avec le VIH   ont organisé un sit-in devant les locaux de la Banque mondiale à Nouakchott, la capitale mauritanienne, pour attirer l’attention de l’institution et de la communauté internationale sur leur situation.

« En suspendant leurs programmes sans nous consulter, les bailleurs de fonds n’ont pas pris en compte notre détresse », a dit à IRIN/PlusNews Fatimata Ball, point focal des personnes vivant avec le VIH   auprès du Secrétariat exécutif du Comité national de lutte contre le sida   (SENLS), l’organe gouvernemental chargé de la gestion des financements Fonds mondial et Banque mondiale.

« Ce ne sont pas nous, les personnes vivant avec le VIH  , qui avons causé des problèmes, alors pourquoi devrions-nous en payer les conséquences ? », a-t-elle ajouté. « Si les bailleurs donnent des millions à la Mauritanie, c’est parce que nous sommes un pays pauvre. Ils sont venus nous apporter l’espoir d’une seconde vie à un moment où on ne pouvait même pas l’espérer, ils ne doivent pas nous lâcher ».

Le financement VIH  /SIDA   de la Banque mondiale, d’un montant de 21 millions de dollars prévu au départ jusqu’en 2009, a été suspendu en août 2008, suite au coup d’Etat perpétré contre le président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Peu de temps après, le Fonds mondial a à son tour suspendu sa subvention VIH  /SIDA   accordée en 2006 pour un montant de plus de 15 millions de dollars sur cinq ans, suite à des soupçons d’irrégularités dans la gestion de ces financements. Un audit a confirmé ces « malversations » en septembre 2009, ce qui a poussé la Banque mondiale à lancer également un audit approfondi de ses financements, actuellement en cours.

Conformément aux conditions posées par le Fonds mondial pour la reprise de ses financements, le nouveau gouvernement, nommé en septembre à la suite des élections présidentielles de juin, a lancé des poursuites judiciaires contre quatre responsables du SENLS soupçonnés d’être impliqués dans les malversations. L’Etat a également promis de rembourser 1,7 million de dollars au Fonds mondial et de fournir toutes les pièces justificatives de l’utilisation de plus de deux autres millions de dollars. Enfin, il s’est engagé à restructurer l’Instance de coordination nationale (CCM, en anglais), l’organe de gestion des financements Fonds mondial au niveau de chaque pays, dont la faiblesse est considérée comme l’une des causes du problème rencontré aujourd’hui.

Des engagements

Reconnaissant les problèmes des derniers mois, le SENLS a assuré de la volonté du nouveau gouvernement de régler la situation au plus vite. « L’Etat a pris des engagements très forts pour assainir la situation, nous avons nous-mêmes demandé à l’Inspection générale de l’Etat de mener des audits, ils sont en cours », a dit à IRIN/PlusNews le docteur Ahmed Aida, Secrétaire exécutif national par intérim du SENLS, nommé récemment.

« Des mesures correctives ont été prises pour que la suite se passe mieux, il faut [que les partenaires] nous accompagnent », a-t-il plaidé.

En attendant, le SENLS s’est voulu rassurant sur la question de la prise en charge médicale. « Le gouvernement est prêt à prendre en charge les traitements », a assuré M. Aida. L’accès au traitement est en principe garanti par une loi, votée en 2007.

Le Fonds mondial a dit avoir noté l’engagement du gouvernement, et faire son possible pour limiter l’impact des suspensions sur les personnes vivant avec le VIH  . « Nous sommes engagés à 100 pour cent pour qu’il n’y ait pas de rupture de traitement [pour les patients déjà sous antirétroviraux, ARV  ], et nous ferons tout ce que nous pourrons pour que la subvention [continue] », a dit à IRIN/PlusNews, par téléphone, Jon Lidén, responsable de la communication du Fonds mondial à Genève.

« La corruption rend la situation difficile, mais le Fonds mondial est très engagé sur le long terme pour trouver un moyen de fournir des [services VIH  /SIDA  ] d’une manière sûre et prévisible, et de les étendre comme cela était prévu », a-t-il ajouté.

De son côté, la Banque mondiale a réaffirmé à la fois sa volonté d’éclaircir la situation au plus vite, mais aussi sa disponibilité à aider les personnes vivant avec le VIH   à surmonter cette crise. « Nous sommes conscients de l’urgence, nous continuons à nous occuper des malades », a dit à IRIN/PlusNews François Rantrua, représentant résident de la Banque mondiale en Mauritanie. En ce qui concerne la prise en charge de nouveaux patients, « nous sommes en bonne voie de trouver une solution pour un appui financier à très court terme », a-t-il ajouté.

Car si la suspension des programmes VIH  /SIDA   financés par le Fonds mondial ne concerne pas les patients déjà sous ARV   avant la découverte des irrégularités - un peu plus d’un millier de personnes qui continuent à recevoir leurs médicaments -, en revanche, aucun nouveau patient n’a pu être inclus dans le programme de traitement, soit une quarantaine de personnes supplémentaires chaque mois.

Par ailleurs, les autres activités de lutte contre le sida   financées dans le cadre de ces programmes sont aujourd’hui à l’arrêt, notamment la prévention et le soutien aux personnes vivant avec le virus.

« Nous ne sommes pas contre le fait que [les bailleurs de fonds] viennent fouiller dans [les comptes] parce que cela permet de sécuriser nos vies », a dit Mme Ball. « Mais ce qui nous blesse, c’est l’arrêt brutal. Si nous avions été prévenus, nous aurions pu nous mobiliser pour chercher d’autres solutions. Nous souffrons déjà du sida  , nous ne voulons pas être en plus victimes des procédures ».


Publié sur OSI Bouaké le samedi 31 octobre 2009

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