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Le combat de l’Afrique pour se réapproprier ses ressources naturelles



LeMonde | 31.05.2013 - Par Laurence Caramel -

Marrakech (Maroc), envoyée spéciale. Minerais, pétrole, gaz, terres arables... les ressources naturelles dont l’Afrique dispose en quantités encore largement inexploitées peuvent-elles enfin devenir le levier de développement du continent ? Une décennie de croissance sans précédent, portée par ce que des économistes ont baptisé "supercycle" des matières premières et des découvertes d’hydrocarbures, a ouvert de nouveaux horizons à plusieurs pays dont le revenu par habitant figure parmi les plus faibles du monde, comme le Mozambique ou la Tanzanie.

A Marrakech, où se tenaient les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) jusqu’au vendredi 31 mai, l’optimisme est affiché. Comme si, cette fois-ci, l’exploitation des richesses naturelles ne devait plus être la répétition d’une histoire jusqu’ici synonyme de pillages au profit d’un petit nombre et de ravages écologiques. Les obstacles n’ont pourtant pas disparu. "La corruption existe, mais là n’est pas le principal problème. Le fait que les Etats ne savent pas ce qu’ils sont en train de vendre et qu’ils n’ont pas les moyens de négocier face aux multinationales pèse davantage", avance Hela Cheikhrouhou, directrice du département énergie-climat à la BAD.

Depuis 2008, l’institution a créé la Facilité africaine de soutien juridique pour venir en aide aux gouvernements dans la rédaction des contrats qui les lient pour plusieurs décennies aux entreprises étrangères. "La plupart n’ont pas les moyens de négocier d’égal à égal avec des multinationales qui s’entourent de bataillons de juristes, d’avocats, de géologues... Il faut cinq ans pour former un bon expert. Dans des pays pauvres ou qui sortent de conflits, il n’y en a pas", explique son directeur, Stephen Karangizi.

Résultat : "Soit les deals se font au cas par cas, soit les Etats élaborent à la va-vite des législations très faibles. Or, en l’absence d’un cadre législatif solide, il est difficile d’imposer ses conditions, tant en termes de revenus, d’emplois que de respect de l’environnement..."

Sept pays ont recours à cette Facilité qui finance des équipes d’experts internationaux en associant des cadres locaux afin de les former. Sept autres en ont fait la demande. Certains gouvernements, comme celui de la Guinée, sont engagés dans la renégociation des contrats qu’ils ont trouvés en arrivant au pouvoir. "D’autres hésitent encore, par crainte d’envoyer un mauvais signal aux investisseurs", reconnaît M. Karangizi.

PRATIQUES FRAUDULEUSES D’UNE AMPLEUR COLOSSALE

Sous la pression de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) lancée, il y a dix ans, par une coalition d’ONG pour réclamer aux compagnies de publier les montants versés aux pays dans lesquels elles opèrent, les pratiques ont aussi – un peu – évolué. Les Etats-Unis, depuis 2010, et l’Union européenne, le 23 avril, ont adopté des réglementations contraignant les multinationales à plus de transparence.

Le Liberia, le Ghana, la Sierra Leone et la Guinée publient depuis peu l’intégralité des contrats signés. Mais le chantier reste à mener pour les acquisitions de terre destinées le plus souvent à la production d’huile de palme. Le projet Herakles récemment suspendu au Cameroun est le dernier scandale en date concentrant éviction de communautés locales, déforestation et maigres retombées pour les caisses de l’Etat.

Les multinationales, seules fautives ? Le rapport "Equité et industries extractives en Afrique", publié le 9 mai par l’Africa Progress Panel sous la direction de l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, se montrait peu clément pour plusieurs gouvernements africains. Au cours des dernières années, l’essentiel de la rente des matières premières a continué à être capté par une minorité et la pauvreté n’a pas reculé comme l’aurait permis une redistribution plus large. En Zambie, par exemple, le revenu des 10 % les plus pauvres a baissé de moitié lorsque celui des 10 % les plus riches augmentait de plus d’un tiers.

Le rapport pointe aussi des pratiques frauduleuses d’une ampleur colossale. En Angola, 4,2 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros) manquaient dans les caisses de la compagnie pétrolière d’Etat pour la seule année 2012. En République démocratique du Congo, "cinq contrats de privatisation à travers la vente d’actifs publics à des investisseurs étrangers opérant par l’intermédiaire de sociétés offshore enregistrées aux îles Vierges britanniques et dans d’autres juridictions ont, de par une sous-évaluation des actifs, privé l’Etat de 1,3 milliard de dollars, soit plus du double des budgets de l’éducation et de la santé".

Au total, "la falsification des prix des échanges commerciaux aurait coûté à l’Afrique en moyenne 38 milliards de dollars par an entre 2008 et 2010, soit plus que l’aide bilatérale reçue des bailleurs de l’OCDE".

Mais, étrangement, à Marrakech, personne ne semblait avoir lu le rapport de Kofi Annan.


Photo de la brève : Edward Echwalu / Reuters


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 3 juin 2013



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