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L’or noir du Nigeria



Agone - Septembre 2012 - Dans la riche zone pétrolière du delta du Niger, Shell ou Total opèrent en dehors de tout respect des droits humains. Après cinquante ans d’exploitation sauvage et de marées noires, l’air, les sols et les cours d’eau sont empoisonnés. Les nombreuses résistances, pacifiques ou armées, des populations locales privées de leurs terres et de leurs moyens de subsistance se heurtent à une sanglante répression menée par les compagnies pétrolières et l’armée nigériane. Le Nigeria, premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, est un cas extrême mais exemplaire pour saisir l’ampleur du désastre engendré par l’extraction intensive des ressources naturelles dans les pays africains, et identifier ses causes, ses acteurs et ses enjeux. Pour l’écrivain nigérian Wole Soyinka « Le monde doit comprendre que le combustible qui fait fonctionner ses industries est le sang de notre peuple. ».

Xavier Montanyà, journaliste catalan et auteur de nombreux documentaires, est auteur chez Agone de l’ouvrage Les Derniers exilés de Pinochet (2009). Il est membre du Conseil consultatif du supplément culturel Cultura/s du journal La Vanguardia et participe au journal électronique Vilaweb et à la revue d’histoire Sapiens.


Le Nigeria, avec plus de cent soixante millions d’habitants représentant deux cent cinquante ethnies, est le pays le plus peuplé d’Afrique. Bien qu’il soit le premier pays producteur de pétrole du continent et le huitième au monde, avec une production de plus de deux millions de barils par jour depuis 1997, plus de 70 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Selon la Banque Mondiale, la richesse qui provient du pétrole est aux mains de 1 % de la population. Le pays est traversé par le fleuve Niger, troisième fleuve africain après le Nil et le Congo. Il forme une boucle curieuse, qui traverse des forêts, des savanes et des déserts, par Tombouctou et Gao. En arrivant à la baie de Bonny, anciennement appelée baie du Biafra, il forme le second plus grand delta du monde, et constitue l’un des écosystèmes les plus riches et les plus importants d’Afrique de l’Ouest.

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Depuis la découverte du pétrole dans le sous-sol du Delta, les compagnies pétrolières comme Shell, Agip, Total, Texaco ou Chevron pratiquent impunément le torchage du gaz dans l’atmosphère, une pratique aussi appelée « gas flaring ». Lorsqu’on extrait le pétrole, il sort du brut mélangé à de l’eau et du gaz. Et l’or noir du Delta contient une grande quantité de gaz naturel associé, dont plus de la moitié est ainsi brûlée à l’extraction. Ce gaz pourrait être stocké ou expédié vers une centrale afin de couvrir les besoins énergétiques du pays, ou simplement être réinjecté dans le sol. Mais toutes ces pratiques demanderaient un investissement économique que les multinationales n’ont jamais été disposées à faire. Démontrant un mépris absolu pour la santé des personnes et pour l’environnement, elles ont depuis toujours opté pour le torchage. Cela ne leur coûte pas un centime. En revanche, les conséquences sont terribles pour les écosystèmes et les habitants du Delta, pour leurs récoltes comme pour l’air qu’ils respirent. Le Nigeria est selon la Banque mondiale la deuxième nation derrière la Russie au triste classement des nations émettrices de gaz torchés, ce qui fait du Delta du Niger une des plus grandes sources d’émission de gaz à effet de serre de la planète, avec soixante millions de tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère chaque année, soit 13 % du total mondial. Un apport fatal au réchauffement global. Les déversements ou les fuites de pétrole constituent l’autre cause fondamentale de la destruction de l’environnement. Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu’il y en ait. Ainsi, chaque année depuis cinquante ans, la population du Delta subit des déversements de pétrole d’un volume de quarante deux milles tonnes de pétrole, une quantité de pétrole équivalente à c elle qui s’est échappée de l’Exxon Valdez dans les eaux de l’Alaska en 1989. Le délai de réparation des avaries et des opérations de nettoyage aggrave le problème. Cette lenteur est souvent due aux intérêts économiques, qui passent toujours avant le respect de l’environnement et des droits humains. Pourquoi ? On peut considérer, selon une étude d’Amnesty International basée sur des rapports juridiques et des évaluations légales et scientifiques, que « les déversements sont la conséquence de la corrosion des oléoducs et des pipelines, de la maintenance déficiente des infrastructures, des fuites pendant le traitement du pétrole dans les raffineries, d’erreurs humaines, et, quelquefois, du vandalisme ou du vol ». La stratégie des compagnies est cependant d’attribuer systématiquement les fuites au sabotage. Ce que dénoncent les communautés locales, qui y voient une excuse pour ne pas verser d’indemnisations. L’activité des groupes armés et des voleurs de pétrole est certes un fait avéré. Il est aussi arrivé que des gens provoquent une fuite dans le but de toucher une indemnisation. La question est : combien de déversements sont dus à des actes de sabotage, et combien à une défaillance technique ou à la vieillesse des équipements ? Je prendrai bientôt connaissance d’un des cas où, après expertise technique, un juge donna raison à la communauté : celui du village de Bodo, en Ogoni.

l’Or noir du Nigeria Xavier Montanyà Pillages, ravages écologiques et résistances Traduit du catalan par Raphaël Monnard 16 pages de photographies Parution : 14/09/2012 ISBN : 978-2-7489-0163-4 256 pages 11 x 17 cm 13.00 euros


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 16 septembre 2012



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