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"Influence", de François Roustang


Mots-Clés / Livre / Psy

OSI Bouaké - 6 octobre 2011 - SD

Il y a 20 ans, François Roustang faisait aux thérapeutes une proposition théoricoclinique inspirée : la thérapie est le lieu du maniement technique de l’influence. Presque 10 ans avant "L’influence qui guérit" de Tobie Nathan, Roustang développe une vision du sujet inversant le paradigme de la psychanalyse qui tenterait de purifier la thérapie des traces de l’influence, en proposant au contraire, d’en assumer la charge énergétique en la mettant au service du changement du patient. Magistral.

  • François Roustang (1991), Influence, Paris : Les éditions de minuit, Collection « Critique », 186 pages, 16,50 €

‑‑‑‑‑ Quatrième de couverture ‑‑‑‑‑

L’influence est l’action cachée et continue d’êtres inanimés ou animés qui décident du destin de l’homme. Celui-ci, depuis des millénaires, interroge cette puissance pour savoir ce qu’il est autorisé à entreprendre. Il ne croit plus qu’elle provient des astres. Il la voit à l’œuvre dans ce qu’il subit à l’intérieur de lui-même et à travers les relations qu’il entretient avec ses semblables.

De nos jours, l’influence avait pris le nom d’inconscient, corollaire d’une psyché fermée sur elle-même. Il s’agissait en fait de l’appartenance de l’être humain au monde des vivants, plus précisément à son animalité. Métaphore de l’influence, l’hypnose, qu’il faudrait appeler veille du corps ou éveil de la vie, est la plaque tournante où peuvent s’échanger l’animalité de l’homme et son humanité. L’animalité ne peut pas être humanisée si l’humain n’a pas été animalisé.

L’influence ainsi entendue devient le préalable de la liberté. Celle-ci n’est plus l’indépendance dont rêvait Narcisse. Elle est l’appropriation par l’homme de ce que lui impose sa condition de vivant.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Introduction – 1. L’innocence psychanalytique – 2. La manipulation éricksonienne – 3. La psychologie, notre astrologie – 4. La veille du corps – 5. L’inconscient, un comportement – 6. La vie n’est pas un miroir – 7. Le lien de la liberté – 8. Modification réciproque.

‑‑‑‑‑ Extrait de l’introduction ‑‑‑‑‑

Pourquoi ce thème de l’influence ? Depuis le début de ma pratique analytique, le transfert m’était apparu comme un phénomène aussi fascinant qu’énigmatique. Je voyais bien qu’autour de moi on ne s’étonnait pas outre mesure des prodiges et des aberrations dont avec d’autres j’étais l’acteur et le témoin. À la vue des effets du transfert dans les cures ou dans le milieu analytique et à la lecture de ce qu’en avait dit Freud, j’en suis venu à soupçonner que l’on voulait minimiser ou ignorer les phénomènes d’influence et que, en particulier, la proximité du transfert et de l’hypnose était farouchement niée. Proximité que, à cette date, je déplorais pour ma part comme un inévitable dont nous devions cependant essayer de tirer les moins mauvaises conséquences.

Jusqu’au jour où, ayant fait l’expérience de l’hypnose – pas par hasard sans doute, car je commençais à prêter l’oreille à d’autres méthodes –, mon opinion à son égard s’est inversée. Ce que la psychanalyse avait définitivement écarté grâce à la fameuse coupure épistémologique, ce comble de l’influence, cette relation immédiate, cette horreur qui sape les fondements de la liberté humaine, m’apparaissait plutôt comme la condition de cette dernière. Mais comment était-il possible de penser ce retournement qui pouvait n’être après tout qu’une douce illusion ? Rien dans notre paysage culturel ne semblait m’y encourager. Fallait-il interroger les pratiques psychothérapiques diverses qui faisaient leur apparition en France ? Mais ceux-là mêmes qui ne ménageaient pas leurs critiques à l’égard de la psychanalyse les épinglaient comme ses « bâtards », c’est-à-dire comme s’inscrivant « dans un mouvement général de la psychanalyse » et vivant « de références plus ou moins lointaines au message freudien ». Preuve que celui-ci régnait en maître sur le territoire arpenté par les « psy » de tout bord et interdisait l’apparition d’autres problématiques.

Était-il bien vrai d’ailleurs que nous ayons affaire à des « bâtards » ? Venues des États-Unis, ces pratiques se rattachent en effet aux courants béhavioriste et culturaliste qui avaient rompu avec la psychanalyse dès les années 40 et qui se sont développés depuis, indépendamment d’elle. On ne saurait donc les traiter de bâtards, puisqu’ils ne font pas partie de la famille, même élargie. S’ils n’ignorent pas le message freudien, ils se fondent sur d’autres présupposés que celui-ci, essentiellement sur le souci de résultats observables et sur l’attention portée aux relations interpersonnelles. Ils avaient donc peut-être quelque chose à nous apprendre ; ils pouvaient du moins nous conduire à nous interroger sur l’indépassable et le prétendu incontournable de ce message.


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 8 octobre 2011